Translations: French

Julius Evola dans le Troisième Reich

Par Alexander Jacob; Traduction Francis Goumain

[FG: Julius Evola vaut la peine d’être connu pour son triptyque race – tradition – histoire, il s’est néanmoins fait retoquer par le Reich pour une question d’ordre de priorité: pour le Reich, c’est d’abord la race, puis la tradition puis, enfin, l’histoire; pour Evola, c’est d’abord la tradition, puis la race, et enfin l’histoire. Les deux s’accordent à penser que l’histoire est une dégénérescence de la race et de la tradition, les deux se heurtent au paradoxe problématique posé par l’histoire: le champ de bataille, c’est l’histoire, pour défendre la race et la tradition, il faut descendre dans l’arène de l’histoire, mais dès qu’on y descend, on court ipso facto le risque de la relativisation et de la destruction de la race et de la tradition. La position du Reich paraît néanmoins plus sûre, plus à même de supporter l’épreuve de l’histoire, parce que la race et l’histoire ne sont pas sur le même plan, l’une est sur le plan physique, l’autre sur le plan de l’intellectuel, du réversible. Par conséquent, si c’est la tradition qui est assise sur la race, elle a elle aussi une chance de sortir à peu près indemne d’une confrontation avec l’histoire, par contre, si c’est la race qui n’est qu’une expression phénoménologique de la tradition, alors, les deux, race et tradition, courent un grave danger de dissolution dans l’histoire.]

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Le livre d’Alexander Jacob sur Julius Evola vu par quatre intellectuels du Troisième Reich. Extrait de la notice d’Amazon:

Comment Julius Evola était-il perçu dans le Troisième Reich ? Ce livre présente les évaluations faites par quatre intellectuels de premier plan du régime : Walther Wüst, Joseph Otto Plassmann, Wolfram Sievers et Kurt Hancke. Traduit avec une introduction d’Alexander Jacob, cet ouvrage scientifique est une lecture essentielle pour quiconque s’intéresse sérieusement à Evola ou à l’histoire de l’Allemagne nationale-socialiste.

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Julius Evola in the Third Reich
Alexander Jacob
Uthwita Press, 2023

Introduction à Julius Evola dans le Troisième Reich, Uthwita Press, 2023

Julius Evola (1898-1974) est aujourd’hui connu comme l’un des principaux représentants du mouvement que l’on a appelé le traditionalisme et l’auteur de plusieurs ouvrages importants sur l’hermétisme, le bouddhisme et le yoga. Cependant, dans les années trente, il a également publié des pamphlets sur des sujets qui avaient pris de l’importance depuis l’avènement du Troisième Reich, à savoir le mythe aryen et la question juive. Evola n’était pas fasciste et dans ses premières publications sur la politique, notamment l’Imperialismo pagano de 1928, il critiquait l’État fasciste italien comme une entité sans âme, incapable de s’élever au-dessus d’un populisme et d’un nationalisme étroit et de remonter aux sources transcendantes d’une société hiérarchique idéale. L’impérialisme païen qu’Evola admirait était celui de la Rome antique, ruiné, estimait-il, par la montée en puissance de l’Église qui était venu indûment concurrencer celle de l’État et qui avait finalement conduit à la séparation du politique et du religieux. Cependant, lorsqu’il a publié la traduction allemande de son ouvrage en 1933 (Heidnischer Imperialismus), il y a apporté des changements substantiels. Par exemple, le paganisme du monde méditerranéen de l’édition italienne se voyait remplacé par un paganisme aryen originaire d’une légendaire Thulé hyperboréenne. Alors qu’il avait montré peu de sympathie pour le fascisme italien, voilà qu’il manifestait désormais un intérêt singulier pour l’idéologie racialiste du national-socialisme.

Mussolini, pour sa part, avait initialement encouragé les dénonciations publiques de la doctrine raciale nazie et les deux principales contributions d’Evola à cette campagne sont apparues à la fin de 1933 et au début de 1934. Le premier article («Osservazioni critiche sul «razzismo» nazionalsocialista») [1] présente, comme le dit Staudenmaier [2], quelques “observations critiques” sur les composantes excessivement “naturalistes” de l’idéologie raciale nazie:

Evola y expose sa philosophie du racisme «spirituel» et l’oppose au racisme «matérialiste» qui prédominait au sein du national-socialisme. Le second article (Razza e Cultura) [3] applaudit certes à la renaissance de l’aryanisme» par le nazisme et à sa dichotomie entre «races supérieures et races inférieures», mais avertit que les théories purement biologiques ne sont pas assez aristocratiques et ne saisissent pas la véritable noblesse raciale. Evola insistait sur le fait que les formes vulgaires de racisme «matérialiste» n’étaient pas à la hauteur de la tâche consistant à affronter la «menace juive» dans toute sa profondeur et son ampleur, puisque la race n’était «pas simplement physique» [4].

Puis, en 1936, Evola écrit un pamphlet intitulé Tre aspetti del problema ebraico (Trois aspects du problème juif) qui trahit sa principale préoccupation dans toutes les discussions raciales, à savoir exonérer les Juifs des diverses accusations raciales, culturelles et économiques portées contre eux par les penseurs antisémites en Allemagne et au sein du régime national-socialiste. Selon Evola, les Juifs sont en effet coupables de divers crimes de subversion sociale et politique en Europe – cependant, ils ne sont pas la principale force de corruption, mais seulement une petite partie d’une plus grande force métaphysique du mal qui travaille contre le domaine originel pur de la Tradition.

Tout comme le philosémite Nietzsche [5], Evola estime que le culte juif était à l’origine viril et guerrier et que ce n’est qu’après les prophètes qu’il a dégénéré dans le messianisme d’une religion servile aboutissant au christianisme [6]. De même, il considère que la subversion juive de la culture des pays indo-européens n’est pas due à un quelconque plan des Juifs [7] mais fait partie d’un processus plus large de dégénérescence dans lequel le caractère racial des Juifs ne joue qu’un rôle accessoire, bien que non négligeable. Seul un sursaut spirituel sera en mesure d’empêcher le facteur juif de prospérer sur la décadence qui se manifeste dans les sociétés occidentales. Les voies populistes, les déportations massives, etc. sont des façons plébéiennes d’envisager un problème qui est d’essence métaphysique.

Le fait qu’Evola ait écrit ce pamphlet juste avant ses conférences allemandes sur la question aryenne et la fusion de l’idéologie nationale-socialiste avec le fascisme semblent suggérer que ses visites en Allemagne n’étaient pas fortuites mais pressées du désir impérieux de modérer l’antisémitisme du Reich en soulignant ses éventuelles lacunes métaphysiques.

En 1941, Evola publie un ouvrage exposant sa propre idéologie raciale, Sintesi di dottrina della razza, il s’y livre à une déconsidération en règle du racialisme biologique, accordant la primauté aux notions de race spirituelle et d’âmes raciales. Dans ses développements sur les races dégénérées, il n’isole pas spécifiquement les Juifs, mais parle plus généralement des «Sémites» – qu’il place aux côtés des Subsahariens – et qu’il décrit comme des types raciaux inférieurs. Evola conclut en concédant que les doctrines raciales du national-socialisme sont à la rigueur comme un fanal dans la nuit, faisant briller l’espoir de la recréation possible de la race supérieure originelle qui hantait jadis les sphères supérieures de la Tradition. Mais ce faisant, il renvoie les «vraies» sources de la perfection raciale dans un éther si manifestement éloigné du monde réel qu’on ne voit pas comment il pourrait venir sauver ce dernier de la corruption. Les espoirs de régénérescence d’Evola, fichés dans un hypothétique royaume de la Tradition, paraissent donc assez chimériques.

À la fin des années trente et au début des années quarante, Evola entreprend de fréquents voyages en Allemagne, où il effectue des tournées de conférences, rencontre des responsables de la SS et participe à des congrès. Le point d’orgues de ses visites se situant en 1934 avec le discours qu’il prononce au Herrenklub de Berlin, le cercle politique conservateur qui s’est formé autour du livre de Moeller van den Bruck Das dritte Reich (1923) [8]. Comme il l’a raconté plus tard dans son autobiographie, «c’est là que j’ai trouvé mon habitat naturel. Dès lors, une amitié cordiale et fructueuse s’établit entre moi et le président du club, le baron Heinrich von Gleichen… Ce fut aussi la base de certaines activités en Allemagne, fondées sur des intérêts et des objectifs communs» [9]. Les éditions allemandes de ses œuvres parues à cette époque comprennent Heidnischer Imperialismus (1933) et Erhebung wider die moderne Welt (1935).

En outre, comme nous l’indique Staudenmeier,

En 1937, il participe à une convention internationale antisémite à Erfurt et rédige un rapport pour les lecteurs italiens. Au printemps 1941, Evola se rend à Munich, Stuttgart, Francfort, Cologne et Berlin pour une tournée de conférences. En avril 1942, il donne des conférences sur la race à Hambourg et à Berlin, décrivant un héritage aryen commun qui lie les Italiens et les Allemands [10].

Tout dans la doctrine d’Evola se fonde sur la primauté de l’esprit, de sorte que la question raciale, elle aussi, ne peut être déterminée par référence à des réalités biologiques, mais plutôt à des réalités spirituelles. Il considère que la race elle-même est d’abord une condition spirituelle, puis une question d’identité ethnique (l’âme raciale de Clauß), et enfin un phénomène biologique individuel. L’effort pour recréer la race idéale primitive, caractéristique du domaine originel de la tradition, doit être entrepris, selon Evola, non par la discrimination biologique, mais par l’élévation spirituelle.

Evola se montre plutôt réservé sur une éventuelle influence intrinsèquement délétère des Juifs. S’il est vrai qu’il a rédigé la préface de la traduction des Protocoles par Giovanni Preziosi en 1921 et qu’il a approuvé avec enthousiasme la campagne antisémite de Codreanu dans son article de 1938 intitulé La tragedia della ‘Guardia di Ferro‘ [11], il ne peut se résoudre à l’idée que tout Juif soit biologiquement voué à être un matérialiste dégénéré, tout comme il ne peut accepter que tout Aryen soit automatiquement un être supérieur – comme il l’a déclaré dans sa conférence de 1937, reproduite dans la présente édition [12].

Répétons-le : la race est l’élément secondaire, l’esprit et la tradition sont l’élément primaire car, au sens métaphysique, la race – avant de s’exprimer dans le sang – est dans l’esprit. S’il est vrai que, sans pureté raciale, l’esprit et la tradition sont privés de leurs moyens d’expression les plus précieux, il est tout aussi vrai que la race pure privée d’esprit est condamnée à devenir un mécanisme biologique et à s’éteindre. La dégénérescence spirituelle, l’affaiblissement éthique et la mort lente de nombreuses tribus qui n’ont pourtant commis aucun des péchés de sang signalés par une certaine doctrine raciale matérialiste en sont la preuve, et nous pensons ici non seulement aux primitifs, mais aussi aux Suédois et aux Néerlandais. Il s’ensuit que, sans la revivification de la force spirituelle supérieure latente dans le caractère nordique, même toutes les mesures de protection raciale biologique n’auraient qu’un effet très relatif et limité par rapport à notre tâche supérieure de reconstruction de l’Occident.

S’agissant de l’énumération des tactiques de subversion employées par les ennemis de la Tradition, Evola critique de manière cinglante ceux qui, comme les nationaux-socialistes, manifestent une hostilité monomaniaque à l’égard des Juifs et des francs-maçons. Le SS Obersturmbannführer Hancke résumait ainsi Evola dans son rapport de juin 1938:

Le national-socialisme, par sa concentration monomaniaque sur les Juifs et les francs-maçons en vient à négliger ses véritables adversaires.

C’est peut-être dans ce genre de passage qu’Evola frôle le plus dangereusement une  défense risquée du judaïsme et de la franc-maçonnerie.

Tandis qu’Evola ne cesse de prêcher aux Allemands l’union autour de la question de la civilisation nordico-aryenne et des inégalités raciales, il n’est pas sans provoquer chez lui, dans les milieux fascistes italiens, des ébats aussi intenses qu’hostiles. Comme le dit Staudenmaier, «ses longs séjours en Allemagne lui ont valu les appréciations les plus contradictoires. Certains le considèrent comme un fasciste peu fiable en raison de sa position fortement pro-allemande, tandis que d’autres le jugent excessivement critique à l’égard de la politique nazie au point d’en être désobligeant pour le partenaire de l’Axe» [13].

Les Allemands eux non plus ne voyaient pas Evola d’un très bon œil, le rapprochement au plan philosophique entre le national-socialisme et le fascisme n’avait d’ailleurs toujours pas abouti au moment de l’incorporation précipitée de l’Italie en 1943, et c’est de force que des mesures antisémites strictes semblables à celles qui avaient cours dans le Reich y ont été mises en place. Pendant cette période de la République sociale italienne, Evola reste principalement en contact avec Giovanni Preziosi, qui est comme lui un antisémite spirituel, et Roberto Farinacci, dont les lois raciales de 1938 ne reposaient pas non plus sur un racialisme biologique [14].

Dans les milieux officiels de la SS, les conférences d’Evola font l’objet d’un examen minutieux et d’une évaluation plus ou moins négative. Selon Goodrick-Clarke [15], dès le début de l’année 1938, les SS commencent à passer au crible ses idées et Karl Maria Wiligut (également connu sous le nom de Weisthor lorsqu’il a rejoint les SS en 1933) – le voyant qui est devenu le «gourou» spirituel d’Himmler – a été invité à commenter une conférence donnée par Evola à Berlin en décembre 1937.  Trois autres conférences furent données par Evola en juin 1938 et Himmler renvoya à nouveau la question à Weisthor, en lui demandant de revoir le livre d’Evola sur l’impérialisme païen dans la perspective des traditions allemandes. Comme le raconte Goodrick-Clarke, Weisthor répondit que:

Evola partait du concept d’aryanité vu comme fondamental, mais ignorait tout des institutions germaniques préhistoriques et de leur signification. Il a également observé que ce défaut était représentatif des différences idéologiques entre l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie et qu’il pouvait en fin de compte porter préjudice à la permanence de leur alliance [16].

Sur la base du rapport de Wiligut et des rapports présentés dans cette édition, les SS ordonnaient que les activités d’Evola dans le Troisième Reich soient découragées.

Désormais, Evola se heurtait à l’opposition aussi bien des Allemands que des Italiens. Ainsi, comme le raconte Staudenmaier, lorsqu’Evola a proposé à Mussolini et à ses contacts allemands, en 1941, de fonder une revue bilingue sur les questions raciales, Werner Hüttig, le spécialiste des sciences raciales, «présentait en septembre 1942, une critique serrée des théories raciales d’Evola, en éreintant la façon dont Evola abordait les questions scientifiques avec un mélange hétéroclite de sources insolites allant de l’ancienne tradition aryenne à l’ésotérisme moderne» [17] En Italie également, les aspects occultes du racisme spirituel d’Evola ont été source de controverses. Des dénonciations anonymes envoyées à la direction fasciste mettaient en garde depuis des années contre «l’épidémie d’ésotérisme» qui frappait l’Italie. Dans une lettre adressée à Mussolini en mars 1942, Telesio Interlandi, le scientifique racialiste, s’insurge contre les perversions «occultistes» de l’idée raciste. Le prêtre jésuite Pietro Tacchi Venturi insiste lui aussi sur le fait que «le projet d’Evola entraînerait des problèmes avec l’Église, qui considère les questions spirituelles comme son domaine légitime et désapprouve les connotations païennes de l’approche d’Evola». [18]

Les critiques d’Evola, qui considère le christianisme comme une corruption sémite de l’ordre traditionnel, devaient fatalement se trouver en butte à l’opposition des ecclésiastiques. De même, les nationalistes allemands mettaient en garde contre la subversion pernicieuse du Reich que constituait la doctrine traditionaliste d’Evola, décourageant  son intégration aux programmes idéologiques et politiques.

Fondamentalement, le système politique d’Evola est idéaliste et établit une dichotomie radicale entre la société «traditionnelle» et les sociétés historiques. La première est une condition idéale, tandis que les secondes ne sont que des déviations de plus en plus corrompues de la première qui culminent dans les horreurs de la modernité. La race qui se rapproche le plus du monde idéal de la tradition est, selon Evola, l’Aryenne. Bien qu’il ait d’abord célébré la culture méditerranéenne comme la plus élevée, en 1933, il modifiait considérablement son point de vue pour l’adapter à la montée du parti racialiste d’Hitler. À partir de là, Evola n’a eu de cesse de marier les deux concepts de suprématie nordique et romaine dans ses représentations de l’organisation sociale idéale telle qu’elle serait apparue au cours de l’histoire. Ainsi, l’Empire romain et l’Empire gibelin devenaient des modèles pour l’Occident moderne.

Les meilleurs moyens de comprendre et de faire revivre le monde originel de la tradition dans la vie moderne sont, selon Evola, les mythes et les symboles. C’est en eux que l’on reconnaît les modèles idéaux à suivre. D’où en particulier l’intérêt d’Evola pour le mythe du Graal, la quête du Saint Graal, au cœur de la légende, ne serait autre que la recherche de la restauration de l’Empire idéal des origines. Le penchant mythologique de la pensée d’Evola est évidemment d’une valeur pratique douteuse, aucune politique ne saurait se réguler en permanence par un recours aux mythes anciens, fût-ce à titre de symboles.

Champion de l’impérialisme spirituel, Evola s’est particulièrement opposé aux nationalismes tels que ceux mis en vigueur par les forces libérales en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles, car il estime qu’ils entravent la réalisation d’une spiritualité universelle. Comme le souligne Hancke:

Pour E., l’idée de nation appartient, de par son origine récente au XVIIIe siècle, à l’idéologie moderne dont est issu notre monde dégénéré. Elle doit donc être dépassée dans le sens supranational, c’est-à-dire impérial, de telle sorte que la race aryenne d’origine germano-romaine ait la primauté.

Outre la dangereuse proximité de cette doctrine avec des projets universalistes tels que ceux de la théosophie et de la franc-maçonnerie, son caractère utopique n’a pas manqué d’être relevé par Hancke:

Ce qui le distingue particulièrement de la vision du monde national-socialiste, c’est sa négligence radicale des données historiques concrètes de notre passé racial au profit d’une utopie abstraite, spirituelle et fantaisiste.

Plassmann/Sievers, dans leur réponse aux conférences d’Evola reproduites dans cette édition, ont également précisé que:

Evola ne semble pas avoir conscience des forces politiques pragmatiques en jeu et il a donc pu facilement s’égarer de bonne foi dans des voies qui prétendaient servir l’idéologie raciale mais qui en fait se retournait contre elle(Othmar Spann) [19] ou n’avaient aucun dynamisme politique propre (Goga). [ 20]  En général, lorsqu’on tente de mettre en pratique une telle idée [la fin des nations], il y a immédiatement le danger d’un idéal cosmopolite aux conséquences imprévisibles.

Outre le nationalisme, Evola dénonce également la tendance à la démagogie populiste qui s’est manifestée tant dans le fascisme italien que dans le national-socialisme. Evola propose au contraire un «Ordre» d’élite qui représenterait le monde de la Tradition et affirmerait son autorité innée sans tenir compte des masses. Comme le dit Hancke:

Après avoir rejeté l’idée du Volk, E. se fait aujourd’hui le défenseur d’une «communauté ethnique» qui, en tant que principe de réalisation spirituelle, va à l’encontre de toute collectivité. La véritable communauté, en revanche, est pour E. la caste des dirigeants, une élite de l’esprit, liée dans la lutte pour la Tradition contre le monde moderne.

Ces objections aux thèses politiques d’Evola ne signifient pas pour autant que le travail missionnaire d’Evola au nom du traditionalisme était totalement dépourvu de valeur intellectuelle. Sa notion de spiritualité universelle, qui ne serait pas l’apanage d’une seule religion, est un idéal qui a une certaine allure. Par exemple, dans sa conférence de décembre 1937, reproduite dans cette édition, il suggère ce qui suit:

Il est nécessaire de parvenir à une solidarité qui soit aussi forte dans son spiritualisme transnational que, par exemple, le communisme bolchevique l’est dans son matérialisme antinational. La première et indispensable condition préalable est toutefois la détermination d’une vision universelle du monde dont les principes et les valeurs devraient être valables en tant qu’axe uniforme, partagé et immuable pour tous ceux qui se déclarent contre les ennemis que nous avons dénoncés.

Cependant, il est clair qu’une politique aussi idéaliste étendue à l’échelle mondiale est frappée d’impraticabilité. Outre la difficulté de mettre en œuvre une telle spiritualité parmi les divers peuples du monde, l’acceptation d’une hégémonie spirituelle aryenne nordique sur le monde est également plus que douteuse. Pourtant, Evola précise dans sa conférence de 1937 que son aryanisme n’est pas limité par les différences biologiques:

La tradition nordique n’est pas une notion naturaliste, c’est-à-dire que même si elle ne doit être conçue que sur la base du sang et du sol, elle est avant tout comme une catégorie culturelle, comme une forme d’esprit primordiale et transcendante dont le type nordique, la race aryenne et l’éthos indo-germanique général ne sont que des formes phénoménales externes. L’idée de race elle-même est, selon sa signification supérieure, liée à la tradition, quelque chose qui ne peut pas et ne doit pas avoir de rapport avec les idées rationalistes de la biologie moderne et de la science ordinaire. La race est avant tout une attitude fondamentale, un pouvoir spirituel, quelque chose de formateur d’une manière primordiale, dont les formes extérieures, positivement tangibles, ne sont qu’un dernier écho.

[FG: Passage peu clair parce que Julius Evola fait mine d’apporter une précision alors qu’il continue de tourner autour du pot – le politiquement correct, déjà. Quelle est donc cette notion d’aryanité, à la fois totalement idéale, immatérielle, et qui pourtant passe obligatoirement par la biologie du sang aryen? Réponse: la beauté.

Exemples féminins: Estella Blain, Eva Bartok, Anna Karina, Mylène Demongeot, Claudine Auger, Bulle Ogier, Claude Jade, Caroline Cellier, Stéphane Audran, Marie Dubois, Laure Deschanel, Brigitte Fossey, Françoise Dorléac, Catherine Deneuve, Mireille Darc, Françoise Brion, Marie-Christine Descouard, Nathalie Delon, Catherine Alric, Anne Canovas, Olga George Picot, Irina Demick, Martine Sarcey, Danièle Delorme, Dyan Canon,

Angie Dickinson, Lee Remick, Anne Margret, Faye Dunaway, Erin Gray, Samantha Eggar, Catherine Spaak, Senta Berger, Tisa Farrow, Nadine Nabokov, Marisa Mell, Jane Fonda, Bibi Anderson, la Maman de Boule, la nièce de Bourdon, la femme d’Agecononix, Eva Germeau …

Exemples masculins: Louis Jourdan, Serge Marquand, Claude Titre, Claude Rich, Alain Delon, Bernard Giraudeau, Marc Porel, Ric Hochet, Lefranc, Alix …]

Avec une définition aussi relâchée de l’aryanisme nordique, le christianisme peut lui aussi être régénéré s’il est réorienté vers la spiritualité originelle du domaine de la tradition «nordique hyperboréenne»:

Il est possible d’intervenir de manière créative contre le christianisme si l’on a accompli les tâches déjà mentionnées, c’est-à-dire si l’on a élevé l’idée nordique et l’idée du Reich à un niveau de vraie spiritualité universelle et solaire, alors nous aurions vraiment quelque chose de plus authentique que le christianisme, englobant l’héroïque et le sacral, le mondain et l’autre, le royal et le spirituel, c’est-à-dire quelque chose qui mène de manière décisive au-delà de toute vision du monde qui n’est que religieusement chrétienne. Notre principe devrait d’ailleurs toujours être de ne pas rejeter, mais de dépasser. Même en ce qui concerne la question catholique et païenne, la tâche de la nouvelle élite devrait consister à fixer les grands principes de la vision générale du monde issue de l’esprit nordique à un niveau pleinement métaphysique et objectif, donc «supra-religieux». Ces principes seraient alors en mesure d’extraire, de clarifier et d’intensifier ce qui est valable dans la tradition chrétienne elle-même.

La société idéale d’Evola est une société héroïque fondée sur ce qu’il appelle le caractère solaire et viril de la tradition «aryenne nordique», qui s’oppose à la qualité lunaire et féminine de la tradition «sémite»:

Deux attitudes fondamentales sont possibles face à la réalité supra-naturelle. L’une est solaire, virile, affirmative, correspondant à l’idéal du pouvoir royal sacré et de la chevalerie. L’autre est l’attitude lunaire, féminine, religieuse, passive, correspondant à l’idéal sacerdotal. Si la seconde attitude est surtout caractéristique des cultures méridionales sémitiques, le chevalier nordique et indo-germanique, en revanche, a toujours été solaire; l’asservissement de la création et le pathos de son altérité fondamentale du Tout-Puissant lui étaient totalement inconnus. Il sentait que les dieux étaient comme lui, il se considérait d’une race céleste et du même sang qu’eux. De là naît une conception de l’héroïque qui ne s’épuise pas dans le physique, le militaire, voire le tragico-chorégraphique, et une conception de l’homme supérieur qui n’a rien à voir avec la caricature nietzschéenne-darwiniste de la belle bête blonde, car cet homme supérieur nordique présente à la fois des traits ascétiques, sacrés et supra-naturels et culmine dans le type du souverain olympien, de l’Aryen Chakravarti comme commandant des deux pouvoirs et roi des rois.

Cette classification des Aryens comme étant solaires et des Sémites comme étant lunaires est toutefois vague et ne repose pas sur une réalité historique, puisque les Akkadiens sémites orientaux vénéraient le dieu soleil, Shamash, au troisième millénaire avant J.-C., bien avant qu’un culte solaire ne soit attesté chez les Indo-Européens.

Plus important encore, Evola rejette fermement tout panthéisme immanentiste et toute glorification pseudo-philosophique de la science et de la technologie:

Nous devons donc nous libérer de tout mysticisme de ce monde, de tout culte de la nature et de la vie, de tout panthéisme. En même temps, nous devons rejeter ce sens de l’Aryen conçu par ce dilettante qu’est Chamberlain [21] et qui est lié à un éloge purement rationaliste et à la glorification de la science et de la technologie d’ici-bas.

L’élite d’Evola doit être capable de remonter l’histoire jusqu’aux origines de la corruption et de reconstruire l’Occident de manière traditionnelle:

Et cela devrait d’abord être l’œuvre d’une élite qui, avec le désintéressement et la rigueur d’un ordre ascétique, élève les principes et les symboles de la tradition nordique primordiale à un niveau de spiritualité, d’universalité et de connaissance claire et mette fin à toute interprétation dilettante, mythique et déformante.

En conclusion, nous pouvons dire que si le projet d’une spiritualité universelle servie par une élite éclairée peut sembler louable, les tendances mythologiques de la pensée d’Evola et sa réticence à traiter des réalités concrètes de la question juive sapent les compromis pratiques sur lesquels tout projet politique doit s’appuyer.

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[FG: quelque remarques après cette passionnante traversée en compagnie d’Evola et du Reich.

1 – Tant qu’à faire, il ne faut pas s’arrêter à l’histoire, lorsqu’un peuple, au sens organique du terme, vit dans la tradition, il n’a pas non plus besoin de sociologie ni de psychologie.

2 – On peut quand même se demander sir l’Histoire est forcément dégénérescence. Par exemple, l’histoire, en Occident, est présente dans un domaine qui en principe relève typiquement de la tradition: l’art. Or, on a plutôt l’impression que l’histoire avec ses étapes a plutôt été grandement bénéfique à la musique, la peinture, la littérature, et que si l’art souffre de quelque chose aujourd’hui, c’est bien d’une sorte de «fin de l’histoire». Ce à quoi Nietzsche pourrait répondre qu’en réalité, l’histoire n’a fait que consumer le stock de signification porté par la tradition, en étant incapable de créer de sens nouveaux, dans cette optique, l’histoire de l’art s’est simplement arrêtée quand il n’y a plus rien eu à brûler.

3 – Au plan politique, l’histoire est tellement dominée par – s’articule tellement autour de – l’Occident, qu’on peut se demander si l’histoire n’est pas finalement plus constitutive de l’Occident que la tradition. On peut penser à une formule comme: «l’Occident a une tradition, l’émancipation» – n’était-ce que ce genre de formule pseudo synthétique est plus hilarante qu’éclairante et qu’elle ne satisfait personne, ni les tenants de la race (blanche) et de la tradition, ni ceux de l’émancipation].

Source

New Book: Julius Evola in the Third Reich – The Occidental Observer


[1]Vita Italiana, November 1933, 544-9.

[2] I am indebted in this summary to Peter Staudenmaier, ‘Racial Ideology between Fascist Italy and Nazi Germany: Julius Evola and the Aryan Myth, 1933-43,’ Journal of Contemporary History, Vol. 55, No. 3 (2020), 473-491.

[3]Rassegna Italiana, January 1934, 11-16.

[4] Staudenmaier, ibid. 

[5] “After Wagner, in the late 1870s and early 1880s, Nietzsche developed intense relationships with several ethnic Jews, all of them atheists, and made explicitly positive pronouncements about Jews.” Nietzsche even wrote: “The Jews, however, are beyond any doubt the strongest, toughest, and purest race now living in Europe.” (Soros, Alex. “Nietzsche’s Jewish Problem: Between Anti-Semitism and Anti-Judaism, by Robert Holub.” Intellectual History Review 28, No. 2 (2018): 344-348.)

[6] Cf. Nietzsche, Beyond Good and Evil, 52: “The Jewish ‘Old Testament,’ the book of divine justice, has people, things, and speeches in such grand style that it is without parallel in the written works of Greece and India … Perhaps he will still find the New Testament, the book of mercy, more to his liking (it is full of the proper, tender, musty stench of true believers and small souls).” (Tr. Judith Norman)

[7] Cf. Nietzsche, Beyond Good and Evil, 251: “The fact that the Jews, if they wanted (or if they were forced, as the anti-Semites seem to want), could already be dominant, or indeed could quite literally have control over present-day Europe — this is established. The fact that they are not working and making plans to this end is likewise established.” (Tr. Judith Norman).

[8] See Ferraresi, Franco. “Julius Evola: Tradition, Reaction, and the Radical Right.” European Journal of Sociology/Archives Européennes de Sociologie 28, No. 1 (1987): 107-151.

[9]Il cammino del cinabro (1963), 137.

[10] Staudenmaier, ibid.

[11] In La vita italiana, 309 (December 1938).

[12] The present edition by Gerd Simon (http://www.gerd-simon.de). presents the December 1937 lecture of Julius Evola as well as the commentaries of Joseph Plassmann/Wolfram Sievers and Kurt Hancke on Evola’s 1938 lectures in Germany.

[13]Ibid.

[14] See A. James Gregor, Mussolini’s Intellectuals: Fascist Social and Political Thought, Princeton, NJ, 2005, p.258n.

[15] See Nicholas Goodrick-Clarke, The Occult Roots of Nazism: The Ariosophists of Austria and Germany 1890-1935, Wellingborough, 1985.

[16]Ibid.

[17] Staudenmaier, op.cit.

[18]Ibid.

[19] Othmar Spann (1878-1950) was an Austrian philosopher who developed an idealistic doctrine of ‘universalism’ to counter the individualism of liberal sociology and economics. As an Austrian nationalist and Catholic, he was not fully favoured by the German National Socialists.

[20] Octavian Goga (1881-1938) was a Romanian politician and man of letters. He was a member of the Romanian National Party in Austro-Hungary and joined forces in 1935 with A.C. Cuza’s anti-Semitic National-Christian Defence League to form the National Christian Party. In 1937 Goga served briefly as Prime Minister of Romania and enacted several anti-Semitic measures to maintain the electoral support of Corneliu Codreanu’s Iron Guard.

[21] Houston Stewart Chamberlain (1855-1927) was a British philosopher who became a naturalised German and wrote many works extolling the spiritual superiority of the Aryan race and of the Germanic peoples in particular.

 

La Course à l’Atome, Cause ou Conséquence de la Seconde Guerre mondiale?

On pense généralement que les guerres d’importance sont des accélérateurs de progrès techniques, la Seconde Guerre mondiale est justement très souvent citée à ce titre, mais qu’arrive-t-il si une percée technologique majeure que tout le monde sait, espère ou craint imminente se profile, une percée qui déboucherait sur une arme absolue capable de renverser complètement les équilibres géopolitiques en place?

Et si, pour le dire clairement, c’était la bombe atomique qui avait été à l’origine de la Seconde Guerre mondiale au lieu d’en être simplement à sa conclusion?

La lecture du livre de Rainer Karlsch La Bombe d’Hitler, dont la traduction française est parue en 2007 chez Calmann-Lévy permet de relever les points importants suivants.

I – Découverte des principes de l’énergie nucléaire

1931 – Découverte de l’eau lourde (D2O) par l’Américain Harold C. Urey. p.59

1932 – Première expérience de fusion nucléaire à Cambridge dirigée par Ernest Rutherford assisté de Paul  Harteck (Autrichien) et de Mark Oliphant (Australien). P.39

1938 – Peu avant Noël, Otto Hahn et Frtitz Strassmann, réalisent la première fission de l’atome d’uranium. Ils avaient voulu créer du radium en bombardant de l’uranium avec des neutrons, mais au lieu de détacher quelques particules d’uranium, ils en avaient scindé les atomes en deux parties. Otto Hahn était considéré comme le meilleur radiochimiste de l’époque, prix Nobel de chimie en 1944 pour sa découverte de la fission. p.38

1939 – 6 janvier, Hahn et Strassmann publièrent les résultats de leur série d’essais. Leurs découvertes sensationnelles se propagèrent dans la communauté mondiale des physiciens. L’élément le plus fascinant de cette réaction nucléaire d’un nouveau genre était la grande quantité d’énergie qu’elle libérait, 200 millions d’électronvolts – un chiffre gigantesque, c’est une partie de la masse du noyau qui partait en chaleur et en lumière. P.32.

1939 – 22 avril, Jean-Frédéric Joliot Curie confirme dans la revue Nature, la réaction en chaîne: plusieurs neutrons rapides sont émis lors de la fission du noyau de l’atome d’uranium par un neutron lent. p.32

II – Prise de conscience politico-militaire

1939 – Wilhelm Hanle tient une conférence sur «la création d’énergie à partir d’une machine à fission de l’uranium». Il expliqua que celle-ci devait être construite à partir d’une combinaison d’uranium et d’eau lourde ou de graphite [l’eau lourde ou le graphite doivent ralentir les neutrons rapides libérés par la fission du noyau d’uranium pour augmenter la probabilité qu’ils rencontrent à leur tour un noyau d’uranium pour une nouvelle fission]. Hanle et Georg Joos, son mentor, écrivirent une lettre au ministre de l’Éducation du Reich, Bernhard Rust, dans laquelle ils présentèrent les conséquences possibles de l’énergie atomique. L’idée d’un explosif nucléaire en faisait partie. p.33

1939 – 24 avril, deux jours seulement après la publication de Joliot-Curie, le professeur Paul Harteck, de l’université de Hambourg, et son assistant Wilhelm Groth signalaient au ministère de la Guerre que la mise au point d’explosifs nucléaires était possible: «Le premier pays qui fera usage de la fission du noyau, possédera sur les autres une supériorité irrattrapable». p.33

1939 – 2 août, USA,  Albert Einstein, Enrico Fermi, Leo Szilard et Eugene Wigner écrivent à au président Roosevelt en soulignant le fait que les bombes à uranium auraient la possibilité de détruire des villes entières. p.69

1940 – Mars, en Grande-Bretagne, Otto Frisch et Rudolf Peierls rédigent à l’attention des autorités gouvernementales deux brefs mémorandums sur la construction d’une superbombe.p.69

1940 – URSS, Flerov et Petrzak, deux élèves d’Igor Kourtchatov, établissent qu’il existe dans la nature une fission spontanée de l’uranium. Curieux de voir comment ses collègues en Occident réagiraient à cette découverte, Georgi Flerov publia sur ce point un article dans la Physical Review. À son grand étonnement, il n’eut aucun écho. Ayant un bon sens du danger imminent, il sut interpréter correctement le silence de ses collègues: la recherche sur l’uranium était devenue une affaire militaire top secret. p.69

Il vaut également la peine de noter que Frédéric Joliot-Curie était communiste, membre du PCF dont on connaît les liens avec Moscou.

III – Un nouveau regard sur la logique des premières conquêtes territoriales du Reich

1938 – 12 mars, Anschluss, la communauté scientifique de Vienne arrive en renfort, ceci débouchera en 1942 sur la fondation de l’Institut du neutron sous la direction de Georg Stetter, c’était l’un des centres de physique nucléaire les mieux pourvus en personnel et en matériel de toute la zone d’influence allemande. p.42

1938 – 29 septembre, accords de Munich et annexion des Sudètes. Les mines de Joachimstahl, les plus anciennes et les plus importantes mines d’uranium européennes, passèrent ainsi sous contrôle allemand. Elles ne fournirent plus désormais que les producteurs allemands. p.59

1940 – 9 avril, invasion de la Norvège. Depuis 1934, l’eau lourde était produite par l’entreprise norvégienne Norsk Hydro; c’était un produit secondaire de la fabrication d’hydrogène par électrolyse. Pour obtenir un gramme d’eau lourde, il fallait utiliser 1000 kWh d’énergie. Un moyen aussi coûteux ne pouvait servir que de procédé secondaire, mais en Norvège, l’énergie hydraulique était bon marché. Aucun autre pays au monde ne disposait avant la guerre d’une installation comparable. p.60

1940 – 10 mai invasion de la Belgique.  L’union minière de Bruxelles, l’un des plus grands producteurs d’uranium au monde, fut intégrée dans le projet uranium allemand.p.59

1940 – 22 juin, armistice en France. Le cyclotron de Paris passe sous contrôle allemand, il reste à Paris, mais une semaine sur deux, ce sont les Allemands qui s’en servent, et une semaine sur deux les Français. Le cyclotron est un accélérateur de particules extrêmement important pour la recherche fondamentale en physique nucléaire. Aux États-unis il y en avait déjà une trentaine avant la guerre, mais aucun en Allemagne. Le cyclotron parisien était de loin  la source de neutrons la plus puissante dont disposait le Reich. p.62

Erich Schumann et Kurt Diebner, à la tête du projet atomique allemand, avaient visité l’installation et étudié les documents de recherche confisqués à l’armée et aux services secrets français. La guerre avait forcé les Français à interrompre leurs expériences dans le domaine des réacteurs, sans cela, ils auraient vraisemblablement été les premiers à construire un réacteur fonctionnant en autoallumage. Dans leur brevet, on trouvait l’idée d’utiliser l’uranium dans un réacteur en forme de sphère ou d’épi. Diebner la reprendrait deux bonnes années plus tard. p.63.

Kurt Diebner reprendra aussi l’idée de Joliot-Curie de l’uranium en dés plutôt qu’en plaques, c’est-à-dire, en sorte que l’uranium du réacteur soit entouré par l’eau lourde dans les trois dimensions. p.107

Bien sûr, l’Allemagne n’a pas conquis la France pour un cyclotron – ce n’est d’ailleurs pas l’Allemagne qui a attaqué la France, en revanche, si ce cyclotron avait été installé à Lyon ou à Marseille, cela aurait sans doute modifié le tracé de la ligne de démarcation.

IV – Les voies et réalisations de l’Allemagne vers la bombe

Trois voies s’offraient à l’Allemagne, la bombe à fission d’uranium, la bombe à fission de plutonium et la bombe à fusion (hydrogène). Il y avait aussi, dès 1940, le concept de bombe à réacteur – ou bombe sale, mais il n’était pas question pour l’armée de faire exploser un réacteur, on rejeta aussitôt cette idée. p.272.

La bombe à fission d’uranium était totalement hors de portée de l’Allemagne, l’enrichissement de l’uranium à un niveau militaire requiert des installations industrielles pharaoniques et une consommation d’énergie phénoménale, cette vidéo en donne une excellente idée.

La bombe à fission de plutonium, l’avantage, c’est que le plutonium est produit dans un réacteur qui utilise un uranium faiblement enrichi. Lors de la réaction en chaîne, l’uranium naturel 238U (non fissile) peut capter un neutron libéré par la fission d’un 235U. Le nouvel isotope d’uranium se désintègre en neptunium, le neptunium, à son tour, peut fixer un neutron et se désintégrer en plutonium. Le 17 juillet 1940, Carl Friedrich von Weizsäcker rédigeait un rapport qui s’arrêtait au neptunium. p.74.

En août 1941, Fritz Houtermans rédigeait un deuxième rapport qui allait jusqu’au plutonium.  p.78

De plus, Houtermans comprit le rôle des neutrons rapides pour une réaction en chaîne incontrôlée (pour une explosion atomique, donc).

En février 1945, à Gottow, Werner Heisenberg et son groupe parvenaient à quelques mètres du but, les instruments montraient une multiplication des neutrons qui atteignait presque le décuple, mais cela ne suffisait pas pour autoalimenter une réaction en chaîne, il aurait fallu que l’expérience se déroule dans une forme non pas cylindrique mais sphérique, ou bien que l’on utilise du matériau supplémentaire, or, celui-ci se trouvait à Stadtilm. p.150.

La bombe à fusion: c’est celle-là qui est allé jusqu’à l’essai, réussi, mais pas transformé militairement.

Début mars 1945, la SS organisait en Thuringe, sur le terrain d’Ohrdruf, la première explosion d’une arme nucléaire au monde, et c’était une bombe à fusion et non une bombe à fission. En utilisant le principe de la charge creuse, les Allemands avaient réussi à créer une bombe H tactique qui se passait d’allumage atomique. Une sphère contenant de l’hydrogène était placée dans un cylindre, à chaque extrémité du cylindre une charge explosive classique (chimique), les deux charges étaient activées simultanément, et, selon le principe de la charge creuse, l’énergie des explosions se dirigeait spontanément dans la direction de moindre résistance, vers la sphère d’hydrogène, l’onde de choc créant au centre une pression et une température suffisante pour la fusion. p. 253.

L’auteur a entrepris des mesures sur place pour retrouver les traces de l’explosion:

ayant pris connaissance de tous les indices et résultats des mesures – l’activité accrue du césium 137 et du cobalt 60, la présence de 238U et de 235U, des particules issues d’un processus de fusion à haute température -, les scientifiques que nous avons consultés ont conclu  à la présence à Ohrdruf de traces d’un événement nucléaire.  p. 270.

Il y a aussi le rapport du GRU, le service de renseignements de l’Armée rouge qui a dûment rapporté l’expérience à Staline: le GRU disposait bien sûr d’un agent double sur place. p. 261

En réalité, cet essai n’était sans doute pas le premier, on a aussi eu le témoignage, de Luigi Romersa, un journaliste du Corriere della Serra, émissaire de Mussolini auquel il a rapporté  une expérience qui se serait déroulé le 10 octobre 1944, à Peenmünde, l’île aux fusées de von Braun.  p. 209.

L’Allemagne était donc bel et bien sur la voie de l’arme miracle, une tête nucléaire ajustée sur une V2 aurait pu constituer cette Wunderwaffe. Wernher von Braun a nié y avoir pensé, mais c’était dans l’ordre des choses, lorsqu’on conçoit des fusées intercontinentales, ce n’est pas pour envoyer des grenades, du reste, dès 1946, von Braun présenta à ses hôtes Américains, à peine arrivé à Fort Bliss, le projet d’une fusée à très grande portée, équipée d’une tête nucléaire, la «Comet»  p. 349

V – Leçon tirée pour la coopération technique internationale

Sans la guerre, les diverses puissances du monde étaient toutes susceptibles de percer dans le domaine des armes nucléaires, même au Japon on parlait de ces armes miracles, le danger de rupture d’équilibre irréversible était sérieux, d’où peut-être l’escalade vers la guerre.

De nos jours, on a peut-être tiré la leçon, ce n’est sans doute pas pour rien que le projet ITER est international, à notre avis, ce n’est pas tellement pour des raisons de financement ou pour nécessité de compétences nombreuses et variées, mais parce qu’un projet comme ITER peut aussi déboucher sur une percée technologique qui viendrait remettre en cause les équilibres: avec une coopération internationale, on sait que cette percée sera partagée par tout le monde.

Francis Goumain

GOOGLE, les Névrosés et les Psychopathes

Si les médias nous manipulent, il faut bien se dire que ce n’est pas par nos bons côtés, ce n’est pas par nos côtés sains, lumineux et forts qu’on peut nous mener par le bout du nez, c’est forcément par nos mauvais côtés, nos mauvais penchants, notre versant sombre, nos points faibles et inavouables.

D’autre part, puisqu’il s’agit de manipulations de masse, il est clair que lesdits penchants si affreusement terribles et inquiétants ne sont pas l’apanage d’une minorité de tueurs glauques comme dans Psychose de Hitchcock ou dans le Silence des Agneaux, ces failles souterraines qui minent les personnalités doivent au contraire être répandues absolument partout, chez tout le monde.

C’est assez simple, il y essentiellement deux pôles: la névrose et la psychopathie, le moins qu’on puisse dire, c’est que nous voilà en bonne compagnie.

Et l’avantage des Google, Twitter et autres, c’est qu’ils peuvent assez facilement analyser pour chacun de nous notre pôle dominant et nous envoyer les bons messages pour nous faire prendre la bonne décision au moment d’une élection ou d’un achat, c’est l’énorme avantage de ces nouveaux médias par rapport à la télévision qui touchait uniformément tout le monde.

Voici comment ça marche:

Sous conditions de stress, les personnes fortement névrosées ont tendance à se montrer conformistes, à se regrouper comme des moutons quand la queue du loup apparaît.

Dans les mêmes conditions de stress, les psychopathes, de faible empathie, ont au contraire tendance à se rebeller.

Par conséquent, un parti politique qui veut qu’un maximum de personnes adhèrent à son programme cherchera à bombarder les névrosés avec des messages les plus stressants possible tandis qu’ils aspergeront leurs cibles psychopathes de messages rassurants.

On l’a bien vu avec la communication Covid, les névrosés, apparemment de loin les plus nombreux, ont été terrifiés par les images de malades sous respirateurs, les projections alarmistes sur le nombre à venir de décès, les compteurs de suivi des malades et des morts, en conséquence, ils ont tout gobé, les masques, les confinements, les vaccins. Dans le même temps, les psychopathes, apparemment moins nombreux, se sont rebellé contre toutes ces mesures.

Certains, très rares, sont parvenus à rester calmes et indifférents, ceux qui se sont rappelé que l’être humain était sensible à la beauté, qu’il capte toutes les vérités qui se trouvent à sa portée, qu’il existe en lui une loi morale intangible qui lui fait choisir le bien plutôt que le mal, ceux qui ont la foi et l’espérance, ceux qui se sentent des individus forts au sein d’une nation forte, ceux qui sont restés des Français fidèles à la France, ceux qui ont une discipline intérieure héritée de leurs ancêtres.

Ceux-là n’intéressent pas du tout Google, mais remarquez comme les GAFAM n’ont de cesse de miner tous ces piliers, la beauté se trouve engloutie par l’immigration et le métissage, une urbanisation et un bétonnage hideux, la vérité devient toute relative, la raison semble complètement dépassée par l’ampleur du chaos qui explose de partout et à vrai dire, on se demande si la raison elle-même n’est pas passée du côté du désordre, la morale est totalement inversée, encore, une inversion rigoureuse aurait au moins le mérite d’avoir conservé un certain ordre, en réalité l’intérêt  et l’anarchie des passions a remplacé la morale partout, quant à la religion et à la ferveur patriotique, il n’en reste plus grand-chose.

En l’absence de tous ces transcendantaux, le beau, le vrai, le bien, la nation, Dieu, nous voilà entièrement livrés aux aléas de nos équilibres psychiatriques, or, on l’a bien compris, notre santé psychiatrique ne réside pas dans l’absence de penchant négatif, tout ce que nous pouvons espérer au mieux, c’est un équilibre entre les deux pôles majeurs, la névrose et la psychopathie, un équilibre que ne nous ne qualifierions pas d’harmonieux ou de complémentaire comme peut l’être l’équilibre homme-femme, mais que nous qualifiions plutôt d’antagoniste, avec l’instabilité qui va avec: qu’un des deux pôles faiblisse, aussitôt l’autre n’est plus neutralisé et peut s’exprimer à plein régime.

D’où la prolifération dans notre monde psychotique de tous ces messages et garde-fous: «éloignez-vous de la bordure du quai», «en cas de colis suspect», «attention à la marche», «tenez la rampe», les alertes pollens, les alertes UV, les mises en garde sur les emballages des produits alimentaires, sur les paquets de cigarettes, les ceintures de sécurité, les ralentisseurs, les radars, les gilets fluo, les détecteurs de monoxydes etc.

Nous vivons dans un asile de fous à ciel ouvert dont les fous ont pris le contrôle.

Francis Goumain

Source

Stregoneria Politica: Comunicazione politica non convenzionale

Guido Taietti
Rome: Altaforte Edizione, 2021

Political Communication for Dissidents – The Occidental Observer

 

L’Inquisition, une guerre raciale d’éviction, les combats souterrains chez les Jésuites en Espagne: l’attaque.

Original Article: Andrew Joyce: “Review: The Jesuit Order as a Synagogue of Jews.

Saint Ignace de Loyola, fondateur de la compagnie de Jésus le 27 septembre 1540 à Montmartre: on se demande de qui ce tableau célèbre la gloriam, Dieu ou Loyola.

“Les frères de la circoncision ont perverti tout l’édifice de la Société [de Jésus]. En tant que fils de ce monde [donc du Diable] experts dans l’art de séduire leurs semblables avides de nouveautés [semblables «en apparence» = les chrétiens], ils n’ont pas de mal à exciter les passions et à détruire l’unité et le gouvernement de l’âme [de l’Ordre de Jésus]»
Lorenzo Maggio, Curie Jésuite de Rome, 1586.

À ce jour, le cadre théorique le plus propice à la compréhension des formes cryptiques du judaïsme a été formulé par Kevin MacDonald dans un ouvrage qui a fait date: Separation and Its Discontents: Toward and Evolutionary Theory of Anti-Semitism. L’essentiel de son quatrième chapitre (1998/2004: 121–132) est consacré au «racisme réactif à l’époque de l’inquisition espagnole». MacDonald y avance l’idée selon laquelle l’Inquisition ibérique au cours des XVe et XVIe siècles était une lutte raciale d’éviction, institutionnelle et violente, motivée par la compétition sur les ressources avec les Juifs et en particulier les cryptos Juifs se faisant passer pour des chrétiens. Le contexte historique est celui de la conversion forcée des Juifs d’Espagne en 1391, à l’issue de laquelle ces «nouveaux chrétiens» (ou conversos) se sont assuré (ou plutôt, ont maintenu) une domination dans les domaines tels que la justice, la finance, la diplomatie, l’administration publique et tout un éventail d’activités économiques. MacDonald estime qu’en dépit d’une conversion de façade, ces nouveaux chrétiens «doivent être considérés comme une communauté historiquement juive» qui a simplement fait en sorte de pouvoir poursuivre son intérêt ethnique propre. C’est à ce titre qu’on a vu des Juifs aisés acheter des charges ecclésiales pour leur progéniture, ce qui a eu  pour conséquence que nombre de prélats en Espagne étaient en fait d’ascendance juive.

Indirectement, et sans doute involontairement, ce cadre théorique de MacDonald se retrouve en grande partie dans le The Jesuit Order as a Synagogue of Jews (2010) de Robert Aleksander Maryks du Boston College, qui confirme à son tour que l’entrée des Juifs dans la première Compagnie de Jésus suit le modèle classique de népotisme ethnique et de tartuferie religieuse qu’on leur connaît. Reprenant l’examen de la même aire géographique durant la même période, Maryks offre un panorama des premières années de la Compagnie de Jésus durant lesquelles une lutte sans merci s’est jouée pour le contrôle de l’âme et de la destinée de l’Ordre entre un crypto-bloc juif très puissant et un  réseau rival composé de chrétiens Européens.

Dans un livre de facture un peu brute mais intéressant, Maryks éclaire ce conflit sur la base de documents jusqu’ici ignorés, mettant au passage en lumière certaines des caractéristiques les plus récurrentes génératrices d’antisémitisme réactif: l’ethnocentrisme, le népotisme, la tendance à tout monopoliser et la recherche d’alliance stratégique avec l’élite blanche. Mais peut-être le plus original dans ce travail, c’est l’accent mis sur les contre-mesures juives aux efforts des Européens visant à étouffer leur influence, certaines d’entre elles étant remarquables par leur proximité avec des exemples récents de propagande apologétique juive. À ce titre, The Jesuit Order as a Synagogue of Jews est hautement recommandé à quiconque cherche à se faire une idée, via une étude de cas historique facile à digérer, de la dynamique du conflit ethnique entre les Juifs et les Européens.

L’ouvrage se décompose en quatre chapitres bien rythmés. Le premier présente au lecteur le «contexte historique de la discrimination par la pureté du sang (1391 – 1547)», une introduction détaillée à la nature du problème posé par «les nouveaux chrétiens» dans la péninsule ibérique, elle se suffit à elle-même, mais elle gagne à être lue en parallèle du travail de MacDonald sur le même thème. Le deuxième chapitre concerne «la politique proconverso des débuts (1540 – 1572)», il met en exergue l’intensité du noyautage des postes clés de l’ordre jésuitique par les crypto-juifs, ces derniers, adaptant leurs positions idéologiques à leurs intérêts, parvenant à établir un quasi-monopole au sommet de la hiérarchie qui s’étendra jusqu’au Vatican. Le troisième chapitre, «Discrimination envers les Jésuites d’ascendance juive (1573 – 1593)», traite de l’apparition d’un mouvement de réaction à la stratégie des chrétiens-circoncis, on y trouve une présentation de ses grandes figures et une analyse de leurs motivations. Le quatrième chapitre, «l’opposition jésuitique à la discrimination par la pureté du sang (1576 – 1608)», passe en revue les efforts des jésuites crypto-juifs pour contrecarrer la stratégie de riposte européenne, on y retrouve souvent les mêmes tactiques et positions qui nous sont si familières aujourd’hui comme marque de fabrique des courants intellectuels juifs.

Cette séquence interne à l’Ordre jésuitique est exactement parallèle à celle de l’Inquisition en général: des nouveaux chrétiens s’établissant aux postes-clés de la politique, des affaires et de la culture espagnole, une riposte des chrétiens européens visant à reprendre le pouvoir, riposte elle-même suivie d’une contre-attaque juive contre l’Inquisition et le gouvernement espagnol en général, ce dernier jouant à l’époque un rôle de premier plan sur la scène internationale.

L’un des points forts de cette enquête haletante de Maryks, c’est qu’elle a l’avantage de pouvoir s’appuyer sur des découvertes généalogiques relativement récentes qui prouvent sans aucun doute possible que nombre d’individus jadis simplement «accusés» d’être des crypto-juifs l’étaient incontestablement. Maryks peut donc s’avancer avec assurance dans cette période où la lignée, tout en étant vitale, était plongée dans un brouillard d’accusations, de démentis et de contre-accusations. Selon les mots de l’auteur (xxix), «les tensions raciales ont joué un rôle central dans l’histoire de l’Ordre jésuitique à ses débuts.

En ouverture de son livre, Maryks se rappelle comme à la suite d’un article sur l’influence des conversos chez les Jésuites, il a reçu un e-mail de quelqu’un originaire de la péninsule ibérique, l’e-mail témoignait de l’étonnante survivance de pratiques crypto-juives dans la famille de l’expéditeur:

Du vendredi soir au samedi soir, son grand-père masquait l’image du petit Jésus d’une reproduction de saint Antoine qu’il avait chez lui. En fait, il s’agissait d’une boîte à musique repliable. Le vendredi soir, il appuyait sur un bouton pour rembobiner le rouleau en sorte de faire disparaître le haut de l’image, celle-ci montrant Jésus bébé dans les bras de Saint Antoine. Le samedi, il appuyait de nouveau sur le bouton pour que Jésus ressorte de sa cachette, niché dans les bras du saint. En tant que fils aîné, l’histoire a été transmise à mon correspondant par son père qui lui demandait de ne manger que de la nourriture casher. (xv)

La persistance d’une forme aussi naïve, et dans ce cas inoffensive, de cryptojudaïsme au cours de ce qu’on imagine être le début du XXe siècle pourrait sembler anodine, rien d’autre qu’une curiosité socio-historique, en réalité, il s’agit d’un vestige modeste mais significatif de ce qui fut autrefois un puissant moyen de préserver la stratégie évolutionnaire de groupe des Juifs de la péninsule ibérique après 1391 —  un environnement hautement hostile. Dans un contexte politique, social et religieux dépourvu de synagogue et des signes les plus ostentatoires du judaïsme, ces menus rituels – comme masquer l’image de Jésus ou l’observation discrète des règles alimentaires – devenaient des moyens vitaux de maintenir la cohésion de groupe.

Pendant longtemps, ces méthodes se sont avérées essentielles à la continuité du judaïsme au nez et la barbe de la société christianisée hôte. Mieux, elle a permis aux conversos d’étendre le monopole de leur népotisme à tout un éventail de domaines civils ou religieux (chrétiens). Gare toutefois si ce petit jeu était découvert, les conséquences pouvaient être terribles. Mais comme l’indique Maryks (xxii), de sa fondation en 1540 à 1593 l’Ordre jésuite était sans méfiance et ne prévoyait pas de règles discriminatoires à l’encontre de ses membres d’ascendance juive, durant ces années, au contraire, les conversos jésuites «ont pu occuper les plus hautes fonctions administratives et présider à son développement institutionnel et spirituel». Ce n’est que progressivement qu’une forte résistance à ce monopole a commencé à se développer et de 1593 à 1608 on assiste à une féroce lutte de pouvoir qui s’achève par la défaite du bloc crypto-juif et l’établissement  de règles prohibant l’entrée de candidat de «sang impur». Ces règles sont restées en vigueur jusqu’en 1946 et exigeaient l’examen de l’arbre généalogique en remontant cinq générations en arrière.

Aux Origines Juives des Jésuites

Le15 août 1534, Ignatius de Loyola (né Íñigo López de Loyola), un Basque originaire de la ville de Loyola en Espagne, et ses six compagnons, tous étudiants à l’université de Paris, se réunissaient à l’extérieur de la ville, à Montmartre, dans une crypte sous l’église Saint-Denis pour prononcer leurs vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Les six compagnons d’Ignatius étaient: François Xavier de Navarre (dans l’Espagne actuelle), Alfonso Salmeron, Diego Laínez, Nicolás Bobadilla de Castille, Pierre Favre de Savoie, et Simão Rodrigues du Portugal. À ce stade, ils se désignaient en «compagnon de Jésus» (Compañía de Jesús), ou indifféremment,  Amigos en El Señor (les amis du Seigneur). Le «Compañía» est devenu en latin «societas», qui vient de «socius» – partenaire ou  camarade. Ceci va vite se changer en «Société de Jésus» ou «Compagnie de Jésus» et c’est sous cette dénomination qu’ils vont se faire connaître. En 1537, les sept faisaient le voyage de Rome pour rechercher l’aval papal. Paul III fit leur éloge et leur permis d’être ordonnés prêtres. La fondation officielle de la Compagnie de Jésus eut lieu en 1540.

Dès l’origine, le poids des conversos dans la Compagnie de Jésus était fort. Des sept membres fondateurs, il ressort des éléments fournis par Maryks que quatre étaient indubitablement d’ascendance juive: Salmeron, Laínez, Bobadilla, et Rodrigues. Loyola lui-même était bien connu pour son fort philosémitisme et dans une thèse récente, des arguments sont avancés qui tendent à prouver que ses grands-parents maternels étaient «sang  pour sang» conversos (son grand-père, le Dr. Martín García de Licona, était commerçant et conseiller à la Cour) [1], ce qui rend notre noble Basque halakhiquement Juif. Pour l’universitaire et spécialiste de l’Inquisition, Henry Kamen — lui-même Juif et qui a pu soutenir que l’Inquisition n’était qu’une «arme d’épuration sociale», principalement destinée à assurer l’éviction des Conversos de la compétition socio-économique — Loyola était «spirituellement un Sémite profondément sincère». [2]

Que «spirituellement»? Voire, il est à craindre que Kamen ne se laisse berner par l’omniprésence de la propagande des conversos. Comme l’explique fort bien Maryks, la réputation d’un Loyola fervent admirateur des Juifs repose principalement sur une série d’anecdotes et de citations qu’on lui attribue  — dont beaucoup sont tirées de biographies rédigées juste après sa mort par des Jésuites conversos cherchant à promouvoir et à défendre leur propre intérêt. Par exemple, la seule source dont on dispose pour affirmer que Loyola aurait par-dessus tout désiré avoir une origine juive pour pouvoir se considérer comme «un parent du Christ et de sa mère», c’est la toute première biographie officielle de Loyola — laquelle a été rédigée de la main de Pedro de Ribadeneyra, un converso. Or, Ribadeneyra est décrit par Maryks comme un «converso masqué» qui ne s’est pas gêné pour déformer ou cacher des faits maintenant bien établis, et notamment que l’Inquisition d’Alcalá avait accusé Loyola d’être un crypto-juif. (43) C’est l’un des aspects importants de la biographie Ribadeneyra, sa ligne générale même, l’idée qu’être Juif était un bon point particulièrement recherché  — le philosémitisme de Loyola(réel ou imaginé) étant destiné à créer des émules. Par contre les aspects moins avouables du cryptojudaïsme et leur répression par l’Inquisition étaient complètement occultés.

Que Loyola soit en fait un crypto-Juif ou qu’il soit vraiment un Européen animé d’un fort désire d’être Juifs reste à déterminer au moment où nous écrivons ces lignes. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il s’est entouré de nombre de conversos et qu’il était opposé à toute discrimination envers eux au moment de l’entrée des candidats dans la Compagnie de Jésus. Maryks estime que philosémitisme et jeux cryptiques mis à part, Loyola était «motivé par le soutien financier sur lequel il savait pouvoir compter du réseau des conversos en Espagne»(xx). Si on suit Maryks dans cette lecture, Loyola était par conséquent bien conscient de la position des conversos au sein de l’élite de la société espagnole, et il était prêt à accepter leur argent en échange d’une politique non discriminatoire dans l’accès à la gouvernance de l’ordre.

Toute la question reste bien sûr de savoir pourquoi une élite crypto-juive voudrait bien soutenir financièrement et en personnel un ordre religieux chrétien. Le point important qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que dans cette Europe de l’ère moderne balbutiante, religion et politique étaient intimement intriquées. Au travers des liens entre les congrégations religieuses et l’élite politique, même des ordres ayant fait vœux de pauvreté comme les Franciscains pouvaient exercer une forme d’influence socio-politique loin d’être négligeable. Cela était encore plus évident pour les ordres à forte vocation missionnaire qui jouaient souvent un rôle pionnier dans le développement économique des colonies.

William Caferro note que dans l’Italie de la Renaissance «l’élite politique Florentine entretenait des liens étroits avec l’Église, souvent, les mêmes personnes faisaient partie des deux hiérarchies, l’une et l’autre se renforçant mutuellement. [3]. Faire partie d’un ordre était donc un aspect essentiel, une extension obligée de l’influence politique et socio-culturelle.

Il n’est donc pas étonnant de retrouver des crypto-Juifs grenouillant dans les réseaux inextricables de l’administration royale, de la bureaucratie civile et de l’Église. Pour ne citer que quelques exemples, Michael Baigent et Richard Leigh relèvent dans leur histoire de l’Inquisition:

En 1390 le rabbin de Burgos se convertissait au catholicisme. À la fin de sa vie il terminait évêque de Burgos, légat du Pape et tuteur d’un prince de sang. [Son fils deviendra un actif Converso comme on va le voir plus bas]. Il n’était pas le seul dans son cas. Dans les plus grandes villes, les municipalités étaient dominées par des familles de conversos. Au moment même de la formation de l’inquisition, le trésorier du roi Ferdinand était issu du milieu conversos. En Aragón, les cinq plus hauts postes de l’administration du royaume étaient occupés par des conversos.  En Castille, on comptait au moins quatre évêques conversos. Trois des secrétaires de la reine Isabelle étaient des conversos tout comme l’était le chroniqueur officiel de la Cour. [4]

Pour l’élite crypto-juive de cette Espagne moderne naissante, la fondation d’un puissant ordre religieux dirigé par un philosémite (si ce n’est d’un crypto-Juif de la bande), dont l’équipe dirigeante était composée essentiellement de conversos, qui dans ses statuts étaient ouverte aux candidatures conversos, représentait incontestablement une perspective alléchante. Qu’il existât une sorte de marché entre Loyola et ses parrains crypto-juifs, la nature de la constitution jésuite originelle, comme indiqué ci-dessus, le suggère, tout comme les premières correspondances au sujet de l’admission des candidats d’ascendance juive. La fondation de l’Ordre a coïncidé avec la montée généralisée en Espagne d’une atmosphère anticonversos qui a connu son paroxysme en 1547, «avec la promulgation par la plus haute autorité ecclésiale du pays, l’Inquisiteur général d’Espagne et archevêque de Tolède, Silíceo, de la législation sur la pureté du sang, El Estatuto de limpieza de sangre, (xx)». Le pape Paul IV et l’ancien élève de Silíceo, le rois Philippe II, ratifiaient les statuts de l’évêque en 1555 et 1556, respectivement, mais Ignatius de Loyola et son successeur converso, Diego Laínez (1512–1565), se dressaient vent debout contre les prétentions de l’Inquisiteur d’empêcher les conversos de se joindre aux jésuites. À  tel point que dans une lettre adressée au jésuite Francisco de Villanueva (1509–1557), Loyola écrivait «En aucun cas la Constitution jésuite n’intégrera la politique de l’archevêque» (xxi).

Cherchant à apaiser les tensions, Loyola dépêchait en février 1554 son émissaire plénipotentiaire, Jerónimo Nadal (1507– 1580), auprès de l’Inquisiteur. Nadal maintenait fermement que la constitution jésuite ne faisait pas de discrimination en fonction de la lignée des candidats et reconnaissait à titre personnel avoir admis des conversos durant son séjour dans la péninsule. Lors d’un débat tendu avec l’Inquisiteur au sujet de l’admission de l’un d’eux, Nadal répliquait: «Nous autres [Jésuites] avons plaisir à accueillir ceux d’ascendance juive». Ce qui est frappant, c’est de voir comme on peut reconnaître en l’occurrence un schéma qui deviendra classique: des arguments pro conversos [pro migrants] défendus par des crypto-Juifs qui prétendaient être des Espagnols de souche. Maryks note au passage que ses recherches historiques montrent que Nadal «était plus que probablement un descendant de Juifs Majorquins» (77).

À l’époque où Nadal jouait les intercesseurs auprès de l’Inquisiteur, les pratiques judaïques visant à changer de l’intérieur les conceptions que les chrétiens avaient d’eux étaient déjà courantes. Un parfait exemple en est l’ouvrage d’Alonso de Santa María de Cartagena (1384–1456) — Defensorium unitatis christianae [En défense de l’unité ce la chrétienté] (1449–1450). Alonso de Cartagena avait reçu le baptême (à l’âge de cinq ou six ans) de son père, Shlomo ha-Levi, ex grand rabbin de Burgos, devenu Pablo de Santa María (c. 1351–1435) suite à sa conversion juste avant les émeutes antisémites de 1391, il sera élu évêque de Cartagena (1402) puis de Burgos (1415). Le fait que sa femme restée juive n’ait pas été une gêne pour sa carrière épiscopale est pour le moins intéressant à noter.

Son fils Cartagena, donc, comme bien d’autres conversos, suivait à l’université de Salamanque des études de droit et de droit canon qui lui ont ouvert une carrière prestigieuse à la croisée des sphères royales, civiles et religieuses. Il a été Nonce apostolique et chanoine à Burgos. Le roi Juan II en fit son envoyé spécial au concile de Bâle (1434 – 1439), au cours duquel il participa à la rédaction d’un décret sur «le caractère régénérateur du baptême sans considération de race». (4). Toutefois, comme d’autres exemples de propagande conversos, Cartagena dans ses arguments allait au-delà d’un simple appel à la «tolérance». Selon lui, «la foi apparaît dans toute sa splendeur dans la chair israélite», les Juifs possèdent une «noblesse innée» et c’est aux rustres Espagnols de prendre exemple sur leur complexion pétrie «d’exquise urbanité». (14, 17)

C’est ainsi que dans les écrits des premiers crypto-Juifs, les Conversos ressortent comme supérieurs aux chrétiens ordinaires, plus aptes à se voir confier les charges de responsabilités (et le statut qui va avec), loin de mériter l’opprobre et l’hostilité dont ils sont l’objet, ils sont les seuls sans taches, innocents et doux comme des agneaux. On est frappé de la similarité avec les  arguments qu’on connaît à notre époque, surtout si on considère que pour Cartagena, l’antisémitisme ne tient qu’à la «malveillance des envieux».  (20)

À  l’encontre de tout ce verbiage apologétique, Maryks démontre – intentionnellement ou non – que l’Ordre des Jésuite à ses débuts n’était qu’une courroie de transmission de l’influence politique et idéologique des conversos. Loyola en était littéralement entouré en permanence, tout au long de son «règne». (55). C’est par exemple à un fils de Juif Portugais Enrique Enríques, qu’on doit en 1591 le premier manuel jésuite de morale et de théologie, Theologiae moralis summa. (65) Pour Maryks, la confiance de Loyola dans les aspirants d’origine juive était sans limite, il cite le cas de l’admission en 1551 de Giovanni Battista Eliano (Romano), petit-fils du célèbre grammairien et poète le rabbin Elijah Levita (1468–1549) …. «Il est entrée dans la Compagnie à l’âge de 21 ans, trois mois seulement après son baptême». (66)

Avec tout l’étalage que Maryks fait du laxisme bienveillant de Loyola envers les candidats conversos et de l’envahissement de l’Ordre par les crypto-Juifs que cela signifiait, il est étrange qu’il ne défende pas plus l’idée que la fondation des Jésuites résultait d’un marchandage avec l’élite des conversos, lui préférant une théorie basée sur une «confiance» dont on ne comprend pas très bien l’origine. C’est malheureusement souvent le cas avec l’historiographie juive, les faits et les conclusions d’un même texte se situant sur des trajectoires inverses. Dans la même veine, son explication selon laquelle l’Ordre était inondé de crypto-Juifs parce que Loyola, avant de fonder sa Compagnie, avait un grand nombre de contacts dans les milieux des commerçants et des religieux conversos paraît relever d’une contextualisation plutôt sommaire et à côté de la plaque.

En dépit des plans soigneusement établis par Loyola et ses acolytes, 32 ans à peine après sa fondation, la Société de Jésus allait être soumise à un vent de fronde soufflant des profondeurs contre cette élite unilatéralement crypto-juive. Les traits de figure de cette révolte en font un cas d’école dans l’étude de la nature réactive de l’antisémitisme. Les chapitres deux et trois du livre dans lesquels Maryks raconte la façon dont deux groupes ethniques rivaux, se sont affronté pour l’avenir de l’Ordre de Jésus constituent un pur moment de bravoure. C’est vers la stratégie de contre-attaque des Européens que nous tournons maintenant notre attention.

L’Inquisition, une guerre raciale d’éviction, les combats souterrains chez les Jésuites en Espagne: la riposte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«Étant les enfants de ce monde, hautains, rusés, fourbes, égoïstes, etc., il est certain qu’ils convenaient aussi peu que possible à la vie religieuse et qu’on ne pouvait plus rester ensemble. Si ceux de ce sang sont faits supérieurs [de l’Ordre], ils utilisent presque tout leur pouvoir à des choses externes: ils promeuvent très peu la mortification et les saines vertus, ils ont l’air de marchands, ils cherchent les premières places et aiment se faire appeler rabbin; ils ne sont guère désireux de rechercher la perfection décrite dans les parties 5 et 6 des Constitutions; ils laissent facilement entrer des personnes indignes pourvu qu’elles soient de leur sang».

Manuel Rodrigues, curie jésuite de Rome.

Les griefs des Espagnols de souche de la Compagnie de Jésus à l’encontre de l’élite crypto-juive présentent une remarquable uniformité. Ce qui prédomine dans leurs préoccupations, c’est la tendance des Juifs à l’accaparement du pouvoir, au népotisme, à l’arrogance, à l’ambition effrénée, et cet air de désinvolture dans la pratique du christianisme. Le comble aux yeux des plaignants, c’est que la branche espagnole de l’ordre était en train de devenir une caisse de résonance de l’influence juive qui s’étendait ainsi jusqu’à toucher le saint des saints au cœur de Rome.

La citation de Manuel Rodrigues en épigraphe reprend l’ensemble de ces thèmes, certains d’entre eux ayant reçu une ample confirmation empirique. Déjà, rien que le corpus de recherche constitué par Maryks et présenté dans la première partie suffirait à étayer l’accusation selon laquelle les crypto-Juifs «laissent facilement entrer les personnes de leur sang». Il y aussi ce Benedetto Palmio, un Italien secrétaire de deux supérieurs généraux Européens de l’Ordre (Francisco de Borja et Everard Mercurian), qui se plaint de «la prolifération et de l’insolence des néophytes Espagnols» qu’il juge «pestilentielle» (133). Enfonçant le clou, il ajoute «partout où on tombe sur un nouveau chrétien, il est impossible d’avoir la paix … ceux qui sont envoyés à Rome sont presque tous des néophytes et ce ne sont pratiquement que ce genre de personne qui sont admises en Espagne». (133) C’est ainsi que Philippe II d’Espagne vers 1570 en est venu à parler des Jésuites comme d’une «véritable synagogue». (133)

L’autorité crypto-juive était jugée particulièrement despotique par Palmio, à Rome, disait-il, «ils ne se comportaient pas en frères mais en maîtres»(135). Dans la droite ligne de leur sempiternelle solidarité ethnique, il y avait de fortes disparités dans les promotions vers les hautes fonctions, d’après Palmio «les néophytes voulaient dominer partout et c’est pourquoi l’Ordre était en permanence traversé de tempête de discorde et d’acrimonie».  (138). Les conversos étaient «dévorés par l’ambition, insolents, prétentieux, despotiques, fourbes, avide de pouvoir ils arboraient en permanence l’infâme masque de Janus». (142) Lorenzo Maggio, un Italien de la Curie jésuite de Rome, se plaignait de ce que «Les frères de la circoncision avaient perverti tout l’édifice de la Société [de Jésus]». (117)

Inconscient de la réalité des origines de l’Ordre de Jésus – dès le départ infesté de Juifs en quête d’influence politique, nombre d’Européens semblent avoir perçu la Société de Jésus comme un authentique mouvement religieux, qui partait d’un pieux sentiment mais qui avait été progressivement corrompu par l’infiltration de crypto-Juifs avides de pouvoir. Il est d’ailleurs important de comprendre qu’une telle perception n’était pas propre à la Société de Jésus. À peu près au même moment où l’agitation se développait au sein de l’Ordre, l’évêque Diego de Simancas de Zamora exhortait ses paroissiens à se défier des machinations des conversos et à combattre leurs manœuvres «destinées à leurrer le Pape et ses ministres». (31). Il concluait comme Rodrigues, Palmio, et Hoffaeus, que les conversos étaient volontiers «ambitieux, conspirateurs et avides de pouvoir» comme en témoignait le fait «qu’ils avaient accaparé tous les postes importants de l’ Église de Tolède». (34–5)

Pour combattre le népotisme des crypto-Juifs et leur solidarité ethnique sans failles, les Jésuites Européens – c’est passionnant à observer –  ont eu recours à des stratégies tout à fait symétriques. Ici encore, le modèle qui se dégage de la nature réactive de l’antisémitisme peut être replacé dans la perspective des analyses du Separation and Its Discontents de Kevin MacDonald, en particulier du chapitre clé dans lequel il voit le National Socialisme comme une stratégie miroir. En l’occurrence, dans les débuts de leur mouvement de révolte, les Jésuites Européens n’ont rien fait d’autres, que de créer leurs propres réseaux souterrains, également animés de la même volonté d’éviction raciale en faveur de leur ethnie propre.

Le rideau s’est levé sur la scène de la confrontation en 1572, à la mort du troisième supérieur général, Francisco de Borja. Jusqu’à cette date, les Européens ont souffert en silence la direction philosémitique de Loyola puis le népotisme rampant du converso  Diego Laínez. Borja lui-même était réputé pour sa protection des conversos alors que les tensions étaient en train de s’exacerber (115). La mort de Borja a déclenché une crise ouverte, tant sa succession apparaissait jouée d’avance par l’élite crypto-juive en faveur du converso Juan Alphonse de Polanco (xxv). Polanco avait déjà été nommé secrétaire de la Société par Loyola en 1547 avant de devenir doyen de la curie générale de Rome. Rompu aux jeux d’influence, «plus éminente figure de la Société de Jésus» sa sélection n’aurait dû être qu’une formalité. Mais comme l’explique Maryks, à cette date «un fort courant anti-converso [principalement composé de représentants Jésuites hors d’Espagne] avait pris pied dans la Société». (xxv)

En dépit d’une présence significative des pro converso à la Congrégation Générale [ = la plus haute instance législative de la Société de Jésus, elle est composée des délégués à la tête des diverses provinces et de représentants locaux élus], un bloc Italo-Portugais gagnait du terrain au sein de l’assemblée et s’est montré assez habile pour contrer l’élection de Polanco et défaire son parti de conversos. (120)

En plus de la formation d’un bloc sur un principe ethnique, la stratégie de riposte s’inspirait à nouveau des tactiques crypto-juives en faisant appel au sommet, au Pape. La délégation portugaise emmenée par Leão Henriques «emportait en grand secret à Rome une lettre datée du 22 janvier 1573 du pénitent d’Henriques, le Cardinal Infant Henry du Portugal (1512– 1580), qui s’adressait au pape Grégoire XIII.  Dans cette lettre, le Grand Inquisiteur du Portugal et futur roi (1578– 1580) demandait que ni un converso ni un pro converso soit élu Supérieur Général de la Société de Jésus, la lettre mettait en outre en garde que si rien n’était fait contre le péril converso, la Société courait à sa perte». (121)

Grégoire XIII ne tarda pas à dévoiler son soutien en faveur d’une alternative non espagnole à Polanco, lequel, à son tour, indiqua qu’il acceptait de démissionner mais qu’il refusait d’interdire à d’autres candidats «Espagnols» de se présenter à cette élection. À l’ouverture de la congrégation, Grégoire XIII s’enquit des procédures, du nombre d’Espagnols parmi les votants, et de l’origine nationale des précédents supérieurs généraux. Le pape «fit remarquer que quelqu’un devait être pris en dehors de la délégation espagnole», et, en dépit des protestations élevées par Polanco contre la limitation de la liberté de conscience des électeurs, il suggéra spécifiquement le nom du Wallon Éverard Mercurian, puis pris congé de la congrégation avec une bénédiction. (122) En conséquence, «même si ce fut le converso Antonio Possevino qui eut l’honneur de prononcer le discours d’ouverture, ce discours tomba à plat, le Cardinal Gallio de Côme arrivant et informant benoîtement la congrégation qu’il était là pour représenter la volonté du Pape d’empêcher l’élection d’un candidat Espagnol». (122) Le lendemain, l’assemblée choisissait pour être son prochain Supérieur Général, dès le premier tour et à une majorité de 27 voix, Éverard Mercurian.

À peine entré en fonction, Mercurian procédait, selon ses propres termes, «au grand ménage de la maison». Il éloignait de Rome (et sans doute d’Italie ou même d’Europe) nombre de jésuites conversos». (123) Polanco, après presque 30 ans passés au sommet du pouvoir, «se retrouvait expédié en Sicile, une mesure jugée trop sévère même par son principal ennemi, Benedetto Palmio». (123)

Mais ce nettoyage ne s’est pas fait sans ultimes répliques telluriques, notamment sur la plaque espagnole de la Société de Jésus, un nouveau mouvement y voyait le jour: les memorialistas ou mémorialistes. Le groupe tire son nom de «mémoire» au masculin, terme qui désigne à l’époque un genre littéraire dans lequel un exposé des faits est suivi d’une pétition adressée à l’autorité royale ou religieuse. Les memorialistas se sont fait un nom en envoyant «des mémoires secrets à la Cour d’Espagne, à l’Inquisition et au Saint-Siège pour demander la réforme de l’Ordre jésuite et en particulier qu’une autonomie soit accordée aux provinces espagnoles». (125–6) Ces mémoires se voulaient très subversifs, cherchant à provoquer la scission de la Société et permettre aux conversos de récupérer leur base de pouvoir en Espagne.

Mais il ne s’agissait au fond que d’un combat d’arrière-garde de l’élite crypto-juive. Chassés de Rome et tenus en méfiance par les Portugais, le but était pour les conversos de limiter les dégâts en tentant de préserver leur pouvoir en Espagne et de prévenir d’autres assauts contre leurs positions tenues de longue date. Comme dit Maryks «il faut reconnaître que la plupart d’entre eux [des mémorialistes] avaient une origine converso». (125) Les mémorialistes étaient clairement perçu par leurs contemporains comme un mouvement de revanche juif et Maryks n’y trouve rien à redire. L’un de leurs principaux chefs de file était Dionisio Vázquez, un converso, et Maryks de remarquer: «on peut estimer que le rôle actif de Vázquez’s au sein des memorialistas est une sorte de vengeance contre la politique discriminatoire de Mercurian». (126) Le très anti-converso Benedetto Palmio n’a quant à lui «jamais douté que les conversos étaient derrière ce mouvement revanchard». (128)

Tandis que la lutte se prolongeait, en 1581 un autre anti-converso était élu en succession de Mercurian, l’Italien Claudio Acquaviva. Acquaviva nommait un certain nombre d’anti-converso d’envergure à des postes clés à Rome (dont Manuel Rodrigues, Lorenzo Maggio, et le Rhénan Paul Hoffaeus), les chargeant d’étendre les mesures de Mercurian au-delà du cercle de Rome et de viser l’ensemble du réseau Jésuite. Maryks écrit que le travail de longue haleine d’Hoffaeus, de Maggio, et de Rodrigues, «a effectivement conduit à une diminution graduelle des entrées dans la Société des candidats d’ascendance juive». (146)

Mais il est intéressant de voir comme toutes ces activités se sont déroulé de manière feutrée, dans le secret des coulisses, les aspects ethniques de la lutte étant toujours savamment occultés, de nouveau à l’image des stratégies des conversos lorsqu’ils cherchaient à étendre leur influence. Par exemple, en 1590 Acquaviva envoyait des «instructions confidentielles» aux provinces espagnoles dirigées par des Jésuites Européens – ou «vrais chrétiens» – dans lesquelles il insistait sur la nécessité de la discrétion:

En ce qui concerne les charges de direction, nous devons nous garder de confier à ces gens [les conversos] les postes clés… En ce qui concerne les admissions, en revanche, il ne s’agit pas de provoquer l’amertume de beaucoup dans la Société et éviter en conséquence une interdiction trop systématique des entrées aux gens affublés de cette sorte de tare. Il faut faire preuve de plus de doigté et de discernement dans les admissions.… En tout état de cause, [les enquêtes généalogiques] doivent se faire dans la discrétion, et si quelqu’un doit être exclu, il serait bon de fournir certaines justifications opportunes afin qu’on ne puisse pas affirmer avec certitude que la personne a été refusée en raison de sa lignée. (147).

Confronté à une sourde hostilité interne des Jésuites espagnols, Acquaviva durcissait encore sa position avec un nouveau décret quelques années plus tard disant que:

Ils s’avèrent que ceux qui descendent de parents récemment christianisés sont une source permanente de problèmes et de difficultés de tous ordres pour la Société (ainsi qu’en témoigne notre expérience quotidienne)… L’ensemble de la congrégation décide par le présent décret qu’en aucun cas une personne de cette sorte, c’est-à-dire de souche hébraïque ou sarrasine, ne pourra dorénavant être admise dans la Société. Et si par erreur une telle personne était admise, elle devrait être renvoyée aussitôt le manquement connu, sans attendre la prochaine profession, après en avoir avisé le Supérieur Général et attendu sa réponse. (149)

Maryks estime que c’est à ce stade que «la saison de la chasse aux origines s’ouvre» et que «le renvoi systématique des personnes d’ascendance juive de la Société de Jésus débute pour de bon».

Aux Sources de l’Apologétique Juive Moderne

Marginalisés la défaite consommée, l’élite crypto-juive n’a guère eu d’autres ressources que de se rabattre sur une longue série de mémoires qui par bien des aspects ne sont pas sans rappeler la propagande moderne distillée par leurs officines les plus en vue comme l’ADL. Comme je l’ai noté dans un précédent essai, on retrouve par exemple la ficelle dialectique grossière qui consiste à déplacer «l’altérité» de la judéité dans la société hôte sur le mouvement nationaliste qui s’oppose à eux [ = l’antisémitisme n’est pas français]:

[…] Kevin MacDonald nous rappelle que «les organisations juives d’Allemagne durant la période 1870 -1914 [celle des antisemitismusstreit] soutenaient que l’antisémitisme était une menace pour l’ensemble de l’Allemagne parce qu’il était fondamentalement non-germanique. [1] À l’époque en Allemagne, l’antisémitisme était dénoncé par les Juifs comme étant d’importation française.

Inversement, Paula Hyman constate que confronté à la montée de l’antisémitisme en France à la même époque [affaire Dreyfus] les Juifs propageaient le message selon lequel l’antisémitisme n’avait rien de français et qu’il était d’importation allemande. [2]

Thorsten Wagner rapporte que le couplet était également classique au Danemark: «une importation allemande qui ne saurait avoir aucune racine dans la tradition locale».[3]

Mais la ficelle était déjà utilisée par les mémorialistes conversos, prenons le cas d’Antonio Possevino, un diplomate de haut rang débarqué par Mercurian et exilé en Suède: depuis les contrées septentrionales glacées, il prenait la plume sur des pages et des pages pour dire que c’était des figures comme Benedetto Palmio qui étaient réellement non chrétiennes – pour ne pas dire franchement païennes. (164–5) Poussant plus loin la chutzpah, Possevino allait jusqu’à attribuer les dissensions internes de la Société de Jésus à «l’ambition démesurée des Jésuites Portugais». (171–2) Alors qu’il était bien placé pour savoir à quoi s’en tenir, il mentait effrontément dans sa prose sur la nature des mémorialistes, insinuant que le mouvement était une «conspiration portugaise pour miner l’unité jésuite». (171–2). Maryks renvoie Possevino dans les cordes, constatant simplement que la majorité des mémorialistes étaient en réalité «indéniablement des conversos». (172)

Enfin, l’apologétique de Possevino préfigure la propagande moderne par un autre aspect:  la conviction que les Juifs ont une vocation naturelle à constituer l’élite morale et à s’imposer à des masses rurales jugées méprisables. Il s’en prend aux «envieux sans talent des milieux ruraux» (168) qui sèment la discorde contre les conversos «qui par leur vertu et leur  dévouement représentent pourtant l’élite de la Société de Jésus». (172)

Andrew Joyce

Traduction Francis Goumain.

Source

Review: The Jesuit Order as a Synagogue of Jews – Part One – The Occidental Observer

et

Review: The Jesuit Order as a Synagogue of Jews — Part Two – The Occidental Observer

On peut aussi télécharger le livre de Maryks gratuitement.

Note partie I

[1] See Kevin Ingram, Secret lives, public lies: The conversos and socio-religious non-conformism in the Spanish Golden Age. Ph.D. Thesis (San Diego: University of California, 2006), pp. 87–8.

[2] Quoted in Maryks, The Jesuit Order as a Synagogue of Jews, p.xx.

[3] W. Caferro, Contesting the Renaissance (Oxford:Wiley-Blackwell, 2010), p.158.

[4] M. Baigent & R. Leigh, The Inquisition (London: Viking Press, 1999), pp.75-6.

Note partie II

[1] K. MacDonald, Separation and Its Discontents: Toward and Evolutionary Theory of Anti-Semitism (1st Books, 2004), 232.

[2] A. Lindemann & R. Levy (eds.), Antisemitism: A History (Oxford University Press, 2010), 136.

[3] T. Wagner,’Belated Heroism: The Danish Lutheran Church and the Jews, 1918-1945,’ in K. Spicer (ed), Antisemitism, Christian Ambivalence, and the Holocaust (Indiana University Press, 2007), 7.

 

Le rôle des intellectuels juifs dans la réforme des lois de l’immigration aux États-Unis

Kevin MacDonald

Department of Psychology, California State University–Long Beach, Long Beach, CA, USA

                                        ……

En bref:

Le rôle de l’activisme juif dans les bouleversements qui se sont produits en Occident au cours des dernières décennies continue d’être controversé. Je réponds ici à plusieurs questions réputées liées à l’influence juive, en particulier «l’hypothèse par défaut» selon laquelle le QI et la concentration dans les zones urbaines expliquent l’influence et le rôle de la communauté juive dans la promulgation de la loi sur l’immigration de 1965 aux USA.

L’ère nouvelle qui s’est ouverte après la Seconde Guerre mondiale a vu l’émergence en Amérique d’une élite essentiellement juive qui a exercé une influence sur tout un faisceau de questions convergentes telles que l’immigration, les droits civiques et la sécularisation de la culture américaine permettant de dégager un consensus quasi unanime là où on s’y serait attendu le moins.

L’activisme juif dans le mouvement pro immigration était tous azimuts, allant des mouvements intellectuels niant l’importance de la race dans les affaires humaines au recrutement et au financement des organisations antirestrictionnistes; il s’agissait, en exerçant une influence dominante sur le Congrès et l’exécutif de faire tomber l’objectif d’un statu quo ethnique jugé trop favorable au maintien d’une société blanche relativement homogène.

Mots-clés: influence juive – loi d’immigration de 1965 – Ethnocentrisme – Antisémitisme

[NdT: le début de l’article est sauté pour arriver le plus vite possible au sujet principal, le rôle l’intelligentsia juive dans l’ouverture des vannes de l’immigration et du métissage dont voici l’historique:

1900 – Naissance de l’anthropologie antiraciste boasienne, auteur Franz Boas, un Juif ashkénaze né en Allemagne et parti aux USA: ses émules seront en majorité Juifs.

1924 – Première loi restrictive sur l’immigration, elle repose sur un principe de quotas proportionnels au poids des ethnies déjà en place, le but de la loi est de maintenir le statu quo ethnique à prédominance blanche, les Juifs sont contre ce système qui bloque à la fois le niveau de l’immigration et sa composition ethnique.

1952 – Instauration de la PCiN, commission présidentielle sur la naturalisation et l’immigration, instaurée par Truman, les Juifs y prédominent, le but est clairement de faire sauter le système des quotas et donc le statu quo ethnique, le danger se précise.

1952 – Deuxième loi, toujours d’inspiration restrictive: le système des quotas s’ouvre à d’autres pays, mais les quotas sont limités, et le système lui-même est préservé, victoire d’arrière-garde des restrictionnistes.

1958 – Kennedy publie son livre A Nation of Immigrants – le livre est en réalité écrit par un Myer Feldman, un intellectuel juif.

1961 – Première grave entorse au système des quotas, le regroupement familial (family unification en américain), le regroupement familial marche même si le quota est déjà atteint, de plus, il est en cascade: un proche fait venir un proche qui fait venir un proche …

1965 –  Le système des quotas tombe, il n’y a plus qu’un quota global, régi par le principe du premier arrivé, premier servi.]

1 – La montée d’une élite essentiellement juive dans l’Amérique d’après-guerre et son influence sur la politique d’immigration.

Concernant l’anthropologie Boasienne, comme le faisait remarquer Gelya Frank (1997: 731), «La prépondérance des intellectuels Juifs dans les premières années de l’anthropologie boasienne, puis parmi les anthropologues des générations suivantes, a été constamment occulté par l’histoire officielle de la discipline». Boas et ses étudiants en majorité Juifs sont à l’origine des théories anti-raciales et de leur emprise dominante sur les campus des universités américaines. En 1919, Boas pouvait affirmer que désormais «la plupart des recherches anthropologiques contemporaines menées aux États-Unis étaient le fait de ses étudiants de l’université Columbia» (in Stocking, 1968:296). De fait, à partir de 1926, tous les grands départements d’anthropologie étaient tenus par des émules de Boas, la grande majorité d’entre eux étant Juifs.

2 – L’identité Juive à la poursuite de ses intérêts propres

L’analyse de l’influence juive passe nécessairement par la reconnaissance d’une identité juive à la poursuite de ses intérêts propres comme principe moteur de ses courants  et organisations.

Voici par exemple un petit échantillon des vues de Freud au sujet de l’identité juive comme  source du courant psychanalytique (Kevin MacDonald – Culture of Critic [CofC]:111). Dans une lettre de 1931, il se décrivait comme «passionnément – fanatiquement – Juif». Ailleurs, il écrit qu’il trouve «l’attraction du judaïsme et des Juifs proprement irrésistible avec toutes ses puissances obscures, d’autant plus puissantes qu’elles ne se laissent pas saisir par des mots. Il évoque les «pulsions inavouables liées à son identité et la forte conscience d’une identité intérieure secrètement partagée» (in Gay, 1988: 601).

…  Gay (1988: 601) pense que Freud était animé d’une croyance selon laquelle son identité résultait de son héritage phylogénétique [formée au cours de l’histoire vue comme un processus interne lamarckien – et non simplement parce que les autres le considéraient comme Juif] … Freud et ses condisciples avaient le sentiment d’une proximité raciale entre eux et d’une altérité radicale avec les non-Juifs (Klein, 1981: 142; voir aussi Gilman, 1993: 12f).

Il me semble que tout ceci témoigne bien de sa judéïté. Concernant son sens de l’intérêt juif, Freud faisait part de ses espoirs messianiques de voir se concrétiser un jour une «compréhension entre les Juifs et les antisémites sur la base de la psychanalyse» (in Gay, 1988: 231), une citation qui montre à l’évidence que la psychanalyse était vue par son fondateur comme un moyen de mettre un terme final à l’antisémitisme. Ce genre de considérations messianiques était courant chez les Juifs de cette Vienne fin de siècle qui cherchaient à faire advenir un monde «supranational et supra ethnique» (Klein, 1981: 29). Ces intellectuels «maquillaient ainsi souvent sous les traits d’un humanitarisme universel leur propre conception selon laquelle les Juifs étaient responsables du sort de l’humanité au XXe siècle» (Ibid.: 31).

3 –  Mariage Mixte [FG: passage sauté, il s’agit de faire remarquer que les Juifs évitent le mariage mixte plus que n’importe quelle autre ethnie aux USA, on sait d’ailleurs qu’il est légalement découragé en Israël, voir Israël, lois de citoyenneté et de protection du sang]

4 – Hypocrisie juive?

Naturellement, chacun comprendra que ces généreux principes universels sont susceptibles d’adaptation bien comprise au contexte et qu’il ne peut être question de les appliquer sans égard pour les éventuelles conséquences. L’ADL [Anti-Defamation League = assiciation juive équivalent de la Licra]  a ainsi récemment condamné Tucker Carlson, une personnalité du monde des médias américains, pour avoir évoqué le fait que les électeurs américains étaient remplacés par des immigrés, jugeant que ces propos relevaient «d’une position suprématiste selon laquelle la race blanche serait mise en danger par une marée inexorable de non blanc, une position particulièrement raciste, antisémite et toxique» (voir Moore, 2021). Carlson répliqua à brûle-pourpoint en dénonçant l’attitude de l’ADL sur le conflit israélo-palestinien et l’éventuelle solution à un seul État. Là comme par hasard, il est apparu de simple bon sens à l’ADL de déclarer que compte tenu des réalités présentes et du passif des antagonismes historiques, une solution à un État était  vouée à l’échec. Avec une natalité prolifique chez les Palestiniens, ajoutée à un éventuel retour des réfugiés et de leur descendance éparpillée dans le monde, les Juifs seraient rapidement mis en minorité dans leur propre pays, dans une telle situation, ils deviendraient politiquement – voire, physiquement – vulnérables. Il n’est donc pas réaliste et acceptable de s’attendre à ce que l’État d’Israël subvertisse de lui-même sa souveraineté et son identité sur son propre sol (ADL, n.d).

Étant donnée la longue histoire des tensions raciales en Amérique, la recrudescence actuelle des violences interraciales, la prééminence de courants de pensée critiques de la théorie des races qui passent leur temps à pathologiser les blancs dans les médias et le système éducatif, (DiAngelo, 2018; Kendi, 2019), il pourrait pourtant paraître tout aussi raisonnable de penser que la population blanche est également en train de devenir une minorité vulnérable.

5 – Le rôle des Juifs dans l’élaboration de la politique migratoire U.S.

L’objet principal de la CofC [Culture of Critique = la trilogie de Kevin MacDonald], c’est l’éclosion durant les premières années de l’ère qui s’est ouverte avec la fin de la Seconde Guerre mondiale d’une nouvelle élite de centre-gauche, essentiellement juive, qui investit progressivement tout le champ médiatique, universitaire et politique — ce dernier n’étant pas seulement influencé par les deux premiers, mais aussi par les largesses d’une puissance financière juive à son apogée. La destitution de l’ancienne élite White Anglo-Saxon Protestant (WASP) est un thème traité par Eric Kaufmann dans The Rise and Fall of Anglo-America (2004) (critiqué par MacDonald, 2015–16), et également traité par David Hollinger (1996: 4) dans une note sur «the transformation of the ethnoreligious demography of American academic life by Jews in the period from the 1930s to the 1960s» (la transformation de la démographie ethno-religieuse de la vie universitaire américaine par les Juifs de 1930 à 1960) et dans une note sur le poids de l’influence juive sur la tendance à la sécularisation de la société américaine et sur son évolution vers un idéal cosmopolite (11); Hollinger (1996: 160) souligne que «l’un des protagonistes majeurs de cette guerre culturelle qui faisait rage dans les années 40, c’était une intelligentsia sécularisée, essentiellement juive, résolument de centre-gauche, solidement retranchée dans les départements de philosophie et des sciences sociales».

Lipset et Ladd (1971), se fondant sur les données d’une enquête de 1969 portant sur 60 000 universitaires montrent que les années 60 auront été une période décisive qui a vu la montée d’une élite juive sur les campus des plus prestigieux établissements, une élite bien plus marquée à gauche que le reste des professeurs [non-Juifs]. Les Juifs représentaient environ 12 % des professeurs en général, mais environ 25 % des professeurs les plus jeunes (moins de 50 ans) dans les universités de l’Ivy League, des pourcentages bien plus élevés qu’au cours des décennies précédentes. De plus, ils étaient 75% à se déclarer de gauche ou «liberal» contre 40% pour les professeurs non-Juifs. Les professeurs Juifs approuvaient à une large majorité (59,1 %) l’activisme radical des étudiants des années 60, ils n’étaient que 40% chez les professeurs non-Juifs. Les universitaires Juifs étaient également plus susceptibles d’être en faveur d’un assouplissement des critères de sélection pour ouvrir l’université aux professeurs et étudiants des minorités.

Les universitaires Juifs étaient aussi plus largement publiés que les autres, dénotant une plus grande influence. Ce point est particulièrement important quand on sait que l’université est une institution fortement hiérarchisée: ceux qui tiennent le haut du pavé forment la génération suivante et ont la haute main sur la sélection des nouveaux professeurs (MacDonald, 2010). Par exemple, Herskovits (1953: 23) notait que «les quarante années sous la férule de Franz Boas à l’université Columbia ont assuré une continuité dans l’enseignement qui lui a permis de former une cohorte d’étudiants qui ont constitué le noyau dur de l’anthropologie américaine, lesquels, parvenus à maturité, ont dirigé tous les grands départements de leur discipline. À leur tour, ils ont formé des étudiants … qui ont continué d’essaimer dans la même veine.

CofC décrit en détail les composantes les plus significatives de cette nouvelle élite intellectuelle et universitaire de centre-gauche. L’analyse de la montée en puissance d’une telle vague ne peut pas se limiter à une seule question – fût-ce la politique d’immigration, cette vague affecte tout un ensemble de questions convergentes d’importance vitale pour les politiques publiques et qui ne peuvent être abordées séparément telles que: les droits civiques des Africains-Américains, les droits des femmes, la religion dans l’espace public (Cf.Hollinger secularization of American society), la légitimité de l’identité raciale blanche et de ses intérêts, le cosmopolitisme, la politique étrangère au Moyen-Orient et bien d’autres sujets encore en plus de l’immigration.

En réalité, toutes ces questions tournent autour d’un point central, la race, ont un cadre de discussion, la scène médiatique et universitaire et vont déboucher sur une victoire sans partage avec la promulgation des droits civiques en 1964 et les lois libérales sur l’immigration de 1965.

CofC retrace le rôle des intellectuels Juifs dans le radical changement de marée des opinions académiques liées à la race (Ch. 2) et la manière dont l’idéologie boasienne est devenue dominante dans les débats du Congrès de 1965 sur l’immigration (Ch. 7); comme indiqué ci-dessous, c’est au cours de cette période clé que cette idéologie raciale est devenue dominante dans les médias (Andrew Joyce, 2019)  –  à une époque où toutes les chaînes de télévision et les studios hollywoodiens appartenaient aux Juifs, marquant un tournant à 180 degrés par rapport à ce qui s’était passé dans les années 1920 qui avaient au contraire vu la victoire des arguments restrictionnistes basés sur la race, ces arguments étant alors portés et défendus par les magazines de premier plan et dans les livres grand public.

De la même façon, l’influence juive a été déterminante dans le mouvement des droits civiques durant les années critiques 1954-1968 (voir ci-dessous) et dans la sécularisation de la culture américaine: «Les organisations juives de défense des droits civiques ont eu un rôle historique dans les évolutions législatives et sur la politique de l’exécutif d’après-guerre» (Ivers, 1995: 2).

La seule chose qui pourrait sérieusement venir remettre en cause un pan important de ce que Cofnas [qui est Juif] appelle «le narratif antijuif», c’est tout ce qui concerne le rôle des Juifs dans la réorientation des lois d’immigration américaines. Il est tout à fait logique et légitime pour Cofnas, à la suite Hugh Davis Graham (2003), de replacer ces lois dans un contexte plus large, mais, comme indiqué ci-dessus et développé ci-dessous, ce contexte a tout autant été influencé par l’activisme juif. C’est d’ailleurs bien la thèse défendue par Graham (2003: 57) qui déclare: «La réforme de l’immigration n’est jamais que l’aboutissement d’un travail de longue haleine qui remonte aux années vingt de la part des organisations juives qui se sont constamment opposées à la logique des quotas ethniques …  Les responsables politiques Juifs de New York, en particulier le gouverneur Herbert Lehman, ont fait œuvre de  pionniers dans les années 1940 en faisant adopter par leur État une législation antidiscrimination sur un point crucial [en raison des dispositions sur les origines nationales de la loi de 1924 donnant la préférence à l’immigration en provenance du nord-ouest de l’Europe], en ajoutant «l’origine nationale» à la race, la couleur et la religion à la liste des motifs de discrimination inadmissibles».

De même, Otis Graham (2004) notait que «le noyau politique de la nébuleuse en faveur d’un assouplissement du régime d’immigration était composé de lobbyistes ethniques… prétendant parler au nom de toutes les nationalités qui avaient migré avant la loi sur les origines nationales de 1924, ce noyau était en réalité dominé par des Juifs d’Europe centrale et orientale, profondément inquiets de la montée du fascisme et de l’antisémitisme sur le continent et en quête permanente d’un refuge sûr» (voir aussi Graham, 2004: 67).

Ainsi, toute critique du travail de MacDonald sur l’immigration (CofC: Ch. 7) doit considérer si les Juifs ont eu ou non une influence importante sur le contexte élargi dont parle Graham (2003). Or, Cofnas ignore le rôle des intellectuels Juifs dans les bouleversements  des conceptions universitaires sur les races, il ignore la manière dont l’idéologie Boasienne est devenue dominante dans les débats au Congrès, il ignore toutes les pièces au dossier sur l’activisme juif en faveur de l’immigration entre 1890 et 1965 (CofC: 259–293), et il ignore tout de la synthèse de MacDonalds sur l’engagement des Juifs dans le mouvement pour les droits civiques des années cinquante et soixante (CofC: 255–258).

Justement, les pièces présentes dans  CofC sur l’activisme juif précédant la promulgation  de la loi sur l’immigration de 1924 ont été récemment corroborés par Daniel Okrent [un Juif]. La communauté des Juifs en provenance d’Allemagne, déjà installée en Amérique depuis un certain temps, malgré le dégoût que lui inspiraient ses propres cousins d’Europe méridionale et orientale, a joué un rôle majeur pour que la législation sur l’immigration leur reste favorable même alors que le grand public n’en voulait plus. C’est ainsi que le sénateur Henry Cabot Lodge, chef des restrictionnistes, a pu écrire à un ami durant la deuxième présidence de Grover Cleveland (1893-1897, 22e et 24e président des États-Unis): «Des influences [sur Grover Cleveland] ont été exercées hier que je vous expliquerai lors de notre rencontre et qui étaient très difficiles à déjouer»; il expliquait à un autre que «ces forces ne représentaient ni des entreprises ni des courants politiques (Cf. Okrent, 2019: 72). Pour Okrent il s’agissait «presque à coup sûr de membres de la riche et influente communauté juive en provenance d’Allemagne comme Jacob Schiff, lequel avait personnellement exprimé une demande à Grover Cleveland pour faire barrage au test d’alphabétisation» (Ibid). (Avant de se focaliser franchement sur les origines nationales, les restrictionnistes défendaient l’idée d’un test de langue comme moyen de juguler l’immigration). 

Un quart de siècle durant, l’IRL [Immigration Restriction League], avec à sa tête le sénateur Henry Cabot Lodge, a dû batailler pied à pied contre tout une série de puissantes organisations dominées par des riches Juifs d’Allemagne: «L’émergence dans les années 1890 de Juifs organisés, riches et largement pourvus en entregent qui avaient embrassé la cause des immigrants a représenté pour Lodge et ses partisans une opposition comme peu de Boston Brahmins avaient eu affaire jusque-là». (Okrent, 2019: 72, 73). [FG: Brahmanes de Boston = Super caste de Boston, héritière des premiers colons].

C’est sans doute en raison de cette opposition acharnée qu’il a fallu, en dépit d’une opinion publique qui se faisait de plus en plus pressante à partir de 1905, attendre les années vingt pour que l’immigration soit enfin régulée (Neuringer, 1971: 83).

Comme le rapporte Cohen (1972: 40f), les efforts de l’AJCommittee contre la restriction de l’immigration au début du XXe siècle constituent un exemple flagrant de la capacité des organisations juives à influencer les politiques publiques tout en ne constituant que l’infime couche supérieure de leur communauté.

De toutes les ethnies susceptibles d’être affectés par la législation sur l’immigration de 1907, ce sont les Juifs qui avaient le moins à gagner en termes de nombre d’immigrants potentiels, mais ce sont eux qui ont – et de loin – joué le plus grand rôle dans l’élaboration de la législation (Cohen, 1972: 41); les autres communautés d’immigrés n’étaient pas aussi organisées et revendicatives, ne serait-ce que parce que leur position sur le sujet était bien plus ambivalente (Neuringer, 1971: 83).

Dans la période qui a suivi et qui devait, suite à un nouvel assaut au Congrès des restrictionnistes qui n’avaient pas désarmé, déboucher sur la législation encore relativement inoffensive de 1917, «seuls les Juifs se sont mobilisés» (Cohen, 1972: 49).  

Il est important de bien comprendre que cette influence a joué alors que l’emprise juive n’avait encore rien à voir avec ce qu’elle sera après la Seconde Guerre mondiale et, a fortiori, avec ce qu’elle sera au moment des débats sur l’immigration des années 1960, époque à laquelle l’ancienne élite WASP n’était déjà plus que l’ombre d’elle-même, quasiment évincée par la nouvelle élite.

S’agissant de la bataille pour les droits civiques reconnue décisive par Hugh Davis Graham (2003) pour le passage des lois de 1965 sur l’immigration, l’activisme juif y a joué un rôle prépondérant. Durant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, c’est tout l’aréopage des organisations juives qui s’est mis en branle sur les questions afro-américaines, notamment l’AJCommittee, le Congrès juif américain (ci-après, AJCongress) et l’ADL. «Disposant d’un personnel professionnel, de bureaux parfaitement équipés, d’un savoir-faire éprouvé dans le domaine des relations publiques, elles avaient tout ce qu’il fallait pour faire la différence» (Friedman, 1995: 135). Au cours des années soixante, les associations de défense des droits civiques étaient financées aux deux tiers ou aux trois quarts par les Juifs (Kaufman, 1997: 110): «Leur soutien juridique et financier a été à l’origine de toute une série de victoires en faveur du mouvement des droits civiques». Il n’y a guère d’exagération dans les propos de cet avocat de l’AJCongress selon lesquels «La plupart de ces lois ont en fait été rédigées dans les locaux des agences juives, par des Juifs, mises à l’ordre du jour par des législateurs Juifs et votées sous la pression des électeurs Juifs» (Levering-Lewis, 1984: 94). » (CC : 256).

Il s’agissait d’un effort aux multiples facettes: contestation devant les tribunaux pour discrimination en matière de logement, de scolarité ou d’emploi public, propositions de loi en veillant à leur adoption par les organes législatifs et l’exécutif au niveau fédéral et au niveau des différents États, rédaction des messages à diffuser par les médias [voir aussi Joyce, 2019], programmes d’enseignement pour les étudiants et les professeurs, remodelage du discours universitaire. Comme souvent lorsque les Juifs font campagne sur les campus ou dans les instances politiques, la prépondérance de leur implication est masquée (par exemple, Svonkin, 1997: 45, 51, 65, 71-72). (CC : 257).

Couvrant la période de 1945 à 1965, les documents présentés dans CofC sont particulièrement édifiants quant à l’importance de l’activisme juif dans la création d’un contexte favorable à la remise en cause des dispositions de la loi de 1924 sur les origines nationales et dans le triomphe final du vote de la loi de 1965 qui ouvre les vannes de l’immigration (CC : 273–292). Je reprends ici brièvement ces documents en les organisant par thème et en les enrichissant des dernières recherches.

Remettre en cause les façons de penser sur les races

Les Juifs et leurs organisations ont été à la pointe du combat intellectuel visant à nier l’importance des différences raciales et ethniques dans les affaires humaines. Se plaçant dans la roue du succès de l’anthropologie boasienne qui dominait l’American Anthropological Association depuis les années 1920, ils vont façonner le contexte intellectuel qui va présider au succès de la loi de 1965 (CofC: Ch. 2; voir ci-dessus). De fait, «De par son message et de par son but, l’anthropologie boasienne était explicitement une science antiraciste» (Frank, 1997: 741).  

Comme John Higham (1984) le notait, l’ascendant pris par ces conceptions aura été capital dans la victoire finale contre le restrictionnisme. Commentant les débats de 1965, un journaliste du New York Times faisait remarquer que «les membres du Congrès ne voulaient pas avoir l’air de racistes» (dans Graham, 2004: 92).

Le nativisme avait été «dépouillé de sa respectabilité intellectuelle» (Bennett, 1995: 285). Il n’est donc pas surprenant que les idées boasiennes sur la race aient occupé une place importante dans les débats sur l’immigration entre 1945 et 1965.

Par exemple, dans une déclaration de 1951 au Congrès, l’AJCongress déclarait: «Les découvertes de la science doivent forcer même les plus bornés à admettre, comme ils le font de la loi de la gravité, que l’intelligence, la moralité et le caractère n’ont aucun rapport que ce soit à la géographie ou au lieu de naissance» (Déclaration de AJCongress, Joint Hearings Before the Subcommittees of the Committees on the Judiciary, 82nd Congress, 1st Sess., on S. 716, H.R. 2379, and H.R. 2816. 6 mars – 9 avril 1951, 391).

La déclaration se poursuivait par des citations de certains des écrits les plus connus de Boas et de son protégé, le professeur de Princeton, Ashley Montagu, sans doute l’opposant le plus en vue à l’époque du concept de race (Déclaration de l’ AJCongress, Joint Hearings Before the Subcommittees of the Committees on the Judiciary, 82nd Cong., 1st Sess., on S. 716, H.R. 2379, and H.R. 2816. 6 mars – 9 avril 1951, 402–403).

Montagu, dont le nom à l’origine était Israel Ehrenberg, se permettait de professer dans la période qui a immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale [au cours de laquelle 70 à 85 millions de personnes ont été tuées] que les humains sont naturellement coopératifs et dépourvus d’agressivité, qu’il existe une fraternité universelle entre eux (voir Shipman, 1994, 159f).

En 1952, Margaret Mead, autre protégée de Boas, témoignait devant la Commission présidentielle sur l’immigration et la naturalisation (ci-après PCIN) (1953: 92) que «tous les êtres humains dans toutes les sociétés ont les mêmes potentialités. … que les recherches anthropologiques les plus avancées démontrent que toutes les collectivités humaines présentent à peu près la même répartition de potentialités.

Un autre témoin déclarait que le conseil exécutif de l’American Anthropological Association avait approuvé à l’unanimité la proposition selon laquelle «toutes les preuves scientifiques indiquent que tous les peuples sont intrinsèquement capables d’acquérir ou de s’adapter à notre civilisation» (PCIN, 1953: 93).

En 1965, le sénateur Jacob Javits [un Juif] (Congressional Record 111, 1965: 24469) pouvait annoncer en toute sérénité au Sénat lors du débat sur le projet de loi sur l’immigration que «Tant les impératifs de notre conscience que les théories sociologiques nous disent que l’immigration, telle qu’elle est abordée dans le système des quotas par origine nationale, est fautive et qu’elle ne repose sur aucun fondement rationnel ou factuel, nous savons bien qu’il est absurde de prétendre qu’un homme vaut mieux qu’un autre à cause de la couleur de sa peau». La révolution intellectuelle et sa traduction dans les politiques publiques étaient parvenues à leur terme (CofC: 253–254).

De plus, même la stratégie anti-restrictionniste d’Oscar Handlin, l’éminent historien de Harvard et intellectuel discuté plus en détail ci-dessous, intégrait à sa manière la révolution raciale en sciences sociales, il maintenait certes «qu’il était possible et nécessaire de faire la distinction entre les «races» d’immigrants qui réclamaient l’admission aux États-Unis » (Handlin, 1952: 4) – mais en encadrant de guillemets prophylactiques le mot «races», dans le droit fil des vues boasiennes, sapant par là toute base intellectuelle de l’ethnocentrisme blanc (Une priorité majeure de l’École de Francfort [CofC: Ch. 5]).

Écrivant dans Commentary (la revue de l’AJCommittee), Petersen (1955) citait un groupe de spécialistes des sciences sociales à prédominance juive dont les travaux, à commencer par le plaidoyer d’Horace Kallen (en 1915 et 1924) en faveur d’une société multiculturelle et pluraliste, «constituent un début de légitimation universitaire d’une politique d’immigration différente qui aura peut-être un jour force de loi»(86).

                              

Horace Kallen 1882 – 1974

Le cercle comprenait également l’historien de Harvard Richard Hofstadter qui a joué un rôle déterminant en donnant des populistes de l’Ouest et du Sud (dont le soutien était essentiel aux restrictionnistes en 1924 et 1952) l’image d’antisémites irrationnels; il  condamnait leur volonté de «maintenir une civilisation yankee homogène» (Hofstadter, 1955: 34) et il développa l’approche «consensuelle» de l’histoire, caractérisée par Nugent (1963: 22) comme «ayant dans leur collimateur tout mouvement populaire qui aurait la prétention de menacer la prééminence d’une intelligentsia ou d’une élite urbaine, souvent universitaire, et l’utilisation de concepts issus des sciences du comportement».

 Les intellectuels de New York étaient emblèmatiques de cette élite (CofC: Ch. 6). Par exemple, la très influente revue de gauche Partisan Review était la vitrine principale des «Intellectuels de New York, un groupe dominé par des rédacteurs et des contributeurs ayant une identité ethnique juive et une profonde aversion des institutions politiques et culturelles américaines» (Cooney, 1986 : 225f; Shapiro, 1989; Wisse, 1987) …

Ils se considéraient comme des réprouvés marginalisés – une version moderne de l’ostracisation des Juifs traditionnellement observée dans la culture des gentils. «Ils n’avaient pas le sentiment d’appartenir à l’Amérique ou que l’Amérique leur appartenait» (Podhoretz, 1967: 117; souligné dans l’original). C’était à tel point qu’un chroniqueur New-Yorkais a fini par demander (Podhoretz, 1967: 283) si le clavier de Partisan Review disposait d’une touche spéciale pour le terme «aliénation» (CofC: 216–217).


Enfin, Joyce en 2019, rapporte une campagne principalement à l’initiative de Samuel H. Flowerman, directeur de recherche de l’AJCommittee et affilié à l’Institut de recherche sociale de l’École de Francfort (voir CofC : Ch. 5), pour influencer l’opinion publique dans les médias américains après la Seconde Guerre mondiale. Flowerman a coédité avec Max Horkheimer (directeur de l’Institute for Social Research) la très influente série Studies in Prejudice [études sur les préjugés et les discriminations], publiée par l’AJCommittee. Il a en outre constitué tout un réseau d’intellectuels Juifs et de spécialistes des sciences sociales, dont beaucoup occupaient des postes importants dans les universités et les médias (à une époque où les studios d’Hollywood, toutes les chaînes de télévision américaines et les journaux influents [par exemple, le New York Times et le Washington Post] appartenaient à des Juifs).

Tous ses efforts visaient à dominer les communications de masse américaines afin de «chambouler les normes de l’endo-groupe blanc – de façon à ce que ce soit cet endo-groupe blanc lui-même qui commence à exercer une pression en son propre sein à l’encontre de l’ethnocentrisme de ses membres; c’était «une vaste entreprise collective juive qui avait pour unique objectif de faire sauter les verrous de l’opinion publique blanche américaine et de l’altérer du tout au tout» (Joyce, 2019:6, 11; voir, par exemple, Flowerman, 1947).

Organiser l’Antirestriction

Les associations juives ont organisé, dirigé, financé et réalisé la plupart des actions des grandes organisations antirestrictionnistes de 1945 à 1965, notamment la Ligue nationale libérale pour l’immigration, le Comité des citoyens pour les personnes déplacées, la Commission nationale sur l’immigration et la Citoyenneté, la Conférence conjointe sur la législation étrangère, la Conférence américaine sur l’immigration et le PCIN. «Toutes ces associations ont planché sur les lois sur l’immigration, diffusé des informations au public, présenté des témoignages au Congrès et planifié toutes sortes d’activités propices … Il n’y a eu aucun résultat immédiat ou spectaculaire, mais la campagne assidue [de l’AJCommittee] en collaboration avec des organisations partageant les mêmes idées a finalement poussé les administrations Kennedy et Johnson à agir (Cohen, 1972: 373).

Concernant le PCIN [President’s Commission on Immigration and Naturalization instaurée par Harry Truman le 4 septembre 1952, executive order 10392]:

L’AJCommittee s’est également fortement impliquée dans les délibérations du PCIN (instaurée par le président Truman), notamment en produisant des témoignages et en fournissant des documents aux personnes et organisations témoignant devant le PCIN (Cohen, 1972: 371).

Toutes ses recommandations ont été incluses dans le rapport final (Cohen, 1972: 371), y compris celles concernant une moindre pondération des compétences économiques comme critères d’immigration, l’abandon pur et simple du système des quotas par nationalité, l’ouverture de l’immigration à tous les peuples du monde en suivant une simple logique de «premier arrivé, premier servi», la seule entorse du rapport de la PCIN étant qu’elle a opté pour un niveau d’immigration global moindre que ce qui était préconisé par l’AJCommittee (CofC: 281). 

Le président du PCIN en était Philip B. Perlman [un Juif], la commission comportait en outre une forte proportion de Juifs, elle était dirigée par Harry N. Rosenfeld (directeur exécutif) assisté d’Elliot Shirk.

Son rapport a été approuvé sans réserve par l’AJCongress (voir Congress Weekly 12 janvier 1952: 3). Les actes ont été imprimés sous la forme du rapport Whom We Shall Welcome (PCIN, 1953) avec la coopération du représentant Emanuel Celler [Juif] et avec un essai d’Oscar Handlin, l’activiste universitaire Juif (voir ci-dessous).

Oscar Handlin

Enrôler des non Juifs dans le projet

Un effort particulier était consenti par ces organisations au recrutement de non Juifs sympathisants et bien en vue. Du fait que les Juifs ne constituent qu’une faible minorité dans les sociétés occidentales, ils veillaient en permanence, depuis au moins le début du XXe siècle, à s’associer des non Juifs puissants et influents pour leurs entreprises (MacDonald, 1998b/2003 : Ch. 6). Par exemple, en 1955, l’AJCommittee a monté un groupe de citoyens influents sous le nom de Commission nationale sur l’immigration et la citoyenneté, la plupart des membres étant des non Juifs, «afin d’apporter un certain prestige à la campagne» (Cohen, 1972: 373). «Pour porter les changements politiques, les associations juives ont lancé une campagne ambitieuse de parution et de diffusion (de livres ou de brochures) et pour enrôler des politiciens de premier plan favorables à une immigration soutenue» (Tichenor, 2002: 205).

Une de leurs plus grandes réussites aura été de s’attacher les services du sénateur et futur président John F. Kennedy qui mettra en 1958 son nom en couverture du célèbre A Nation of Immigrants. Autre recrue de choix, le sénateur et futur vice-président et candidat démocrate à la présidentielle, Hubert Humphrey, avec son livre paru en 1954: Stranger at Our Gate (Tichenor, 2002: 205).

Kennedy a été recruté par l’ancien directeur national de l’ADL Ben Epstein (Greenblatt, 2018), le livre a été publié par l’ADL qui a également fourni pour le projet l’historien Arthur Mann (doctorant d’Oscar Handlin à Harvard [Ngai, 2013]) (Graham, 2004: 82), le livre lui-même n’a pas été écrit par Kennedy mais par Myer Feldman, par la suite une des éminences grises de l’administration Kennedy/Johnson (Tichenor, 2002: 205).

Néanmoins, malgré son importance évidente pour la communauté juive engagée, les parrains les plus en vue de la loi de 1965 «ont tout fait pour minimiser son importance dans le discours public. Les responsables politiques nationaux étaient bien conscients que le grand public était opposé à une augmentation du volume ou de la diversité de l’immigration aux États-Unis … [Cependant,] en réalité, ces soi-disant petits ajustements législatifs du milieu des années 1960 ont reconfiguré du tout au tout les schémas d’immigration, et, du même coup, la nation. Les années qui ont suivi l’adoption de la loi voyaient une forte augmentation des admissions» (Tichenor, 2002: 218). Tichenor note que les avalanches migratoires (voir ci-dessous) et la diversité ethnique des immigrés ont modifié à jamais les États-Unis.

Rejeter le statu quo ethnique mis en place par les lois sur l’immigration de 1924 et 1952

Même en remontant à la bataille sur la loi sur l’immigration de 1924, on voit que les militants Juifs se sont en fait toujours explicitement opposés à un statu quo ethnique lors des audiences du Congrès. «À une époque où la population des États-Unis dépassait à peine les 100 millions d’habitants, [Louis Marshall, avocat influent associé à l’AJCommittee et chef des forces de lobbying anti-restrictionnistes] déclarait: «Il y a de la place dans ce pays pour dix fois sa population actuelle»; il préconisait l’accueil de tous les peuples du monde sans limite de quota, à la seule exclusion des individus qui «étaient mentalement, moralement et physiquement inaptes, hostiles au gouvernement organisé, ou encore, susceptibles de devenir des charges publiques» (CofC: 263).

       

Louis Marshall

De même, le rabbin Stephen S. Wise, représentant l’AJCongress et diverses autres organisations juives lors des audiences de la Chambre sur la loi de 1924, revendiquait «le droit de tout homme en dehors de l’Amérique d’être considéré de manière juste et équitable et sans discrimination» (Ibid. ).

Le rabbin  Stephen S. Wise

Graham (2004: 80) note que le lobby juif de l’immigration «ne visait pas seulement à ouvrir les portes aux Juifs, mais visait aussi à une diversification suffisante des flux pour en finir avec le statut majoritaire des Européens de l’Ouest et diminuer ainsi le risque d’un régime fasciste». Le rôle moteur de la peur et de l’insécurité était spécifique à la communauté juive, on ne le retrouvait pas dans d’autres milieux prônant la fin des dispositions sur les origines nationales des lois de 1924 et 1952; une telle vision impliquait de changer l’équilibre ethnique des États-Unis. On retrouve bien cette appréhension de la communauté juive dans ce qui suit:

Svonkin (1997:8f) montre qu’un sentiment de méfiance et d’insécurité continuait d’imprégner la communauté juive américaine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – même devant l’évidence que l’antisémitisme avait décliné au point de n’être plus qu’un phénomène marginal. La conséquence immédiate en était que «l’objectif principal des officines intracommunautaires [à savoir l’AJCommittee, l’AJCongress et l’ADL] après 1945 était … d’empêcher l’émergence d’un mouvement de masse réactionnaire antisémite aux États-Unis». (Svonkin, 1997: 8).

Écrivant dans les années 1970, Isaacs (1974: 14f) évoque une appréhension diffuse et une hypersensibilité chez les Juifs à propos de tout ce qui pourrait être considéré comme antisémite. Interviewant des «personnalités publiques» au sujet de l’antisémitisme au début des années 1970, Isaacs demandait: «Pensez-vous que cela pourrait arriver ici?» «Il n’a jamais été nécessaire de définir le «cela» en question». Presque toujours, la réponse était à peu près la même: «Si on connaît tant soit peu l’histoire, on ne peut que s’y attendre», ou «Ce n’est pas une question de si; c’est une question de quand» (Isaacs, 1974: 15).

Bien après l’adoption de la loi de 1965, l’éminent sociologue et militant Juif Earl Raab se montrait très satisfait du succès rencontré par la politique d’immigration américaine dans la modification du paysage ethnique des États-Unis. Il notait pour une revue communautaire que les Juifs y avaient joué un rôle de premier plan (Raab, 1993: 17). Enfonçant le clou, il faisait remarquer que «cette hétérogénéité ethnique toujours plus grande était un gage contre l’émergence d’un parti populiste extrémiste» (Raab, 1995: 91).

Cette crainte que les blancs puissent un jour se retourner contre les Juifs a donc persisté longtemps après l’adoption de la loi de 1965. Elliott Abrams (1999: 190) notait que «la communauté juive américaine ne démord pas de ce qui n’est au fond qu’une vision noire de l’Amérique: un terreau fertile sur lequel l’antisémitisme peut ressurgir à tout moment».

Earl Raab

En 1952, la PCIN faisait observer que si la législation de 1924 avait réussi à maintenir le statu quo racial, ce n’était pas tant en vertu du système des origines nationales, car il y avait déjà des niveaux élevés d’immigrants hors quota (principalement des réfugiés européens du communisme), tandis que dans le même temps, les pays d’Europe du Nord et de l’Ouest, eux, ne remplissaient pas les leurs. Le rapport estimait que le principal obstacle à la modification du statu quo racial était en réalité la limitation du niveau global de l’immigration.

Le [PCIN] considérait donc la modification du statu quo racial aux États-Unis comme un objectif souhaitable et, à cette fin, insistait sur l’urgence qu’il y avait à donner la priorité à  l’augmentation du volume d’ensemble de l’immigration. (PCIN, 1953: 42). Comme Bennett le note (1963:164), aux yeux de la PCIN [dont on a vu plus haut la composition], les restrictions de la législation de 1924 portant sur le nombre d’immigrants «étaient indéfendables étant donné qu’il était scientifiquement prouvé qu’une race n’était pas meilleure qu’une autre – que ce soit dans l’optique de l’obtention la citoyenneté américaine ou pour tout autre visée». En conséquence, les défenseurs de la législation de 1952 [restrictionnistes] ont détourné la question raciale en l’amenant sur le terrain des  antagonismes ethniques qu’il s’agissait d’éviter.

Le sénateur Pat McCarran déclarait que renverser le système des origines nationales «reviendrait à changer en une génération la composition ethnique et culturelle de cette nation» (dans Bennett, 1963: 185) – ce qui en effet n’a pas manqué d’arriver. (CC : 281)

[Voici une citation édifiante de Pat McCarran qu’on trouve sur Wiki:

«Je pense que cette nation est le dernier espoir de la civilisation occidentale, et si cette seule oasis qui reste au monde venait à être envahie, pervertie, contaminée ou détruite, alors c’est la flamme vacillante de la dernière chandelle de l’humanité qui s’éteindra. Je ne conteste pas ceux qui louent les contributions apportées à notre société par des personnes de différentes races, de croyances et de couleurs diverses. L’Amérique est en effet à la confluence de nombreux ruisseaux qui forment un fleuve puissant que nous appelons la voie américaine. Mais nous avons aujourd’hui aux États-Unis des blocs non assimilés, des noyaux durs qui ne se sont pas intégrés au mode de vie américain, qui, au contraire, en sont les ennemis mortels. Aujourd’hui, comme jamais auparavant, des millions de personnes prennent d’assaut nos portes pour être admises et ces portes menacent de céder sous la pression. La solution des problèmes de l’Europe et de l’Asie ne passera pas par une transplantation massive de ces problèmes aux États-Unis… Je ne veux pas jouer les prophètes, mais si les adversaires de ce projet de loi réussissaient à le tailler en pièces, ou à la dénaturer jusqu’à la rendre méconnaissable, ils auront alors contribué à précipiter la chute de cette nation plus que toute autre faction depuis que nous avons obtenu notre indépendance».]

Comme indiqué ci-dessus, Cong. Emanuel Celler [Juif] a participé à la publication du rapport Whom We Shall Welcome (PCIN, 1953) qui considérait le changement de l’équilibre ethnique des États-Unis comme un objectif souhaitable. Cofnas (2021) conteste cependant l’univocité sans nuances des intentions de la PCIN en relevant que «Même les rapporteurs de la loi ont été pris au dépourvu par certaines de ses conséquences immédiates. Selon Graham (2003: 94-95): «Emanuel Celler, lui-même, troublé par la forte baisse de l’immigration européenne, a présenté un projet de loi pour permettre une plus grande immigration en provenance d’Irlande, de Grande-Bretagne et des pays scandinaves, qui, selon lui, avaient été désavantagé» par son propre texte».

Cependant, étant donné la substance du rapport de la PCIN et l’implication de Celler dans sa publication, il est difficile de croire que Celler n’a pas lui aussi préconisé de modifier l’équilibre ethnique des États-Unis. Le fait que Celler ait voulu augmenter l’immigration en provenance de certaines parties de l’Europe n’est en rien incompatible avec cela.
On serait beaucoup plus convaincu si Celler avait préconisé une loi réaffirmant explicitement le statu quo ethnique – c’est ni plus ni moins ce que faisaient dans leur préambule les lois de 1924 et 1952, des lois auxquelles il s’est farouchement opposé pendant plus de quarante ans. Se débarrasser du système des quotas par origine nationale n’était qu’un préalable au changement du statu quo ethnique, Celler en était bien conscient. Il ne resterait plus aux successeurs qu’à relever le nombre absolu d’immigrants, tout comme le préconisait la PCIN, et c’est bien ce qui a fini par se produire.

Autre élément trahissant un consensus juif sur cette question, l’AJCongress, la plus grande organisation juive américaine à l’époque, témoignait lors des audiences du Sénat sur la loi de 1952 en affirmant que si la législation de 1924 avait réussi à préserver l’équilibre ethnique des États-Unis, «Cela ne lui donnait pas pour autant une quelconque valeur. Il n’y avait rien de sacro-saint dans la composition de la population en 1920. Il serait absurde de croire que nous avions atteint le sommet de la perfection ethnique cette année-là» (Joint Hearings Before the Subcommittees of the Committees on the Judiciary, 82nd Cong., 1st Sess., on S. 716, H.R. 2379, and H.R. 2816, 6 mars – 9 avril 1951, 410).

Dans le même temps le Congress Weekly, le bulletin de l’AJCongress, dénonçait régulièrement les dispositions relatives aux origines nationales comme fondées sur le «mythe de l’existence de souches raciales supérieures et inférieures» (17 oct 1955: 3) et prônait l’immigration «en fonction des besoins et sur des critères sans rapport avec la race ou l’origine nationale» (4 mai 1953: 3).

Le Dr Israel Goldstein (1952a: 6), président de l’AJCongress, écrivait que «le système des quotas nationaux était devenu scandaleux … alors que toute notre expérience nationale avait confirmé sans aucun doute possible que notre force réside dans la diversité de nos peuples» (Goldstein, 1952b: 5), une déclaration qui anticipait l’actuel mantra récité

par l’establishment tant universitaire que médiatique et politique américain: «La diversité est notre plus grande force».

De grandes figures juives connues du public, tels que Oscar Handlin, historien à Harvard, publiaient des livres et des articles proimmigration (par exemple, The Uprooted [1951/1973]). L’article de Handlin (1952), La lutte pour l’immigration ne fait que commencer, est paru dans Commentary (publié par l’AJCommittee) peu de temps après que le Congrès contrôlé par les démocrates ait annulé le veto du président Truman à la loi restrictive de 1952 [FG: situation complexe, Truman était Democrat, mais les Democrats étaient divisés en deux camps, celui emmené par le rapporteur de la loi Pat McCarran, très restrictionniste, et celui emmené par Emanuel Celler, le Juif auteur du rapport antirestrictionniste de la PCIN, la commission présidentielle mise en place par Truman sur l’immigration, Truman, évidemment, était du côté de la commission qu’il avait mise en place, d’où son veto à la loi restrictionniste de 1952]

Dans un commentaire bien révélateur du leadership juif des forces pro immigration et du relatif désintérêt des autres minorités arrivées au début du siècle (voir ci-dessus Neuringer, 1971: 83) Handlin se plaignait de l’apathie des autres «Américains à trait d’union», peu enclin à se joindre à la bataille de l’immigration [FG: «Américains à trait-d’union», par exemple,  Afro-Américain, Italo-Américain etc. mais justement, comme d’habitude, les Juifs ont exigé un traitement à part en refusant que soit placé un trait d’union entre Juif et Américain le commentaire de Handlin n’est donc pas tout à fait logique sur ce point!].

Handlin utilisait sans cesse un «nous» comme par exemple dans: «Si nous ne pouvons pas battre [Sen. Pat] McCarran et ses acolytes avec leurs propres armes, nous pouvons du moins nous arranger pour réduire à néant l’efficacité de ces armes» (4). Ce «nous» trahissait sa conviction que toute la communauté juive partageait un fort intérêt pour une libéralisation de la politique d’immigration et qu’elle devait rester optimiste et combative pour faire en sorte que la loi de 1952 s’émousse progressivement dans son application jusqu’à finalement être remplacée par une nouvelle. C’est cette érosion de la loi de 1952 qui est évoquée par Graham (2003) et utilisée par Cofnas comme cadre général de la loi de 1965. [FG: mais on le voit, ce «cadre général», se restreint en fait aux Juifs]

Handlin rejetait sans équivoque l’idée d’un statu quo ethnique, estimant qu’il était «illusoire [de s’attendre à] ce que la composition de la population américaine reste telle qu’elle est» (Handlin, 1947: 6). Jamais il ne s’est donné la peine de répondre aux justifications avancées par les restrictionnistes en 1924, voici comment il résumait leur position: «Les hordes de races inférieures, qui affluaient alors librement dans le pays au mépris total des dernières prescriptions de l’hygiène raciale [une référence aux théories de la différence raciale courantes parmi les élites et largement propagées par les médias populaires dans les années 1920], se mêlaient à tout va avec les Anglo-saxons, produisant inévitablement une détérioration de l’espèce» (1951/1973: 257).

Handlin laissait donc délibérément de côté le véritable argument utilisé par les restrictionnistes lors des débats du Congrès de 1924 – et selon lequel le système des quotas par origine nationale était équitable pour toutes les minorités du pays puisqu’il maintenait le statu quo ethnique (CofC: 263), avec l’idée sous-jacente, parfaitement défendable dans une perspective évolutive, que chaque minorité cherchera toujours à défendre ses propres intérêts en matière d’immigration: c’est ce qu’on observe dans les tiraillements entre Palestiniens et Juifs en Israël sur un droit de retour des Palestiniens).

Handlin était une figure clé des années qui ont précédé l’adoption de la loi de 1965. Ngai (2013) a souligné son importance en ces termes:

La pensée de Handlin aura été à la fois un reflet et un aiguillon de l’évolution de la politique d’immigration dans la période d’après-guerre. On peut lui attribuer le mérite d’avoir popularisé une nouvelle interprétation de l’histoire américaine, celle qui  faisait de l’immigration le cœur du développement économique et démocratique américain. En créant sa théorie normative de l’histoire, il fondait le cadre pour une réforme politique immédiate. Cette théorie n’est autre que celle que nous appelons communément «une nation d’immigrants» – elle a perduré pendant plusieurs générations dans le discours savant et populaire, et perdure sans doute encore aujourd’hui. (Ngaï, 2013, 62)

Ses contributions et ses efforts de longue haleine visant à abroger le système des quotas migratoires par origine ne doivent pas être sous-estimés. Ses écrits – universitaires ou journalistiques –  ont fourni une épistémè de la réforme, un cadre et une logique pour critiquer l’ancienne politique et définir les contours de la nouvelle.

Handlin n’a pas seulement donné voix et légitimité aux minorités ethniques euro-américaines en tant que telles, il leur a également donné une place centrale dans l’histoire américaine en soutenant que le pluralisme et ce qu’on appelle aujourd’hui «le vivre ensemble» étaient les piliers de la démocratie américaine. Le programme de réforme n’était donc pas seulement une question d’intérêt politique immédiat, c’était aussi une mission historique perçue comme le telos de la démocratie américaine et de l’américanisme après la Seconde Guerre mondiale. (Ngai, 2013, 65)

Grignoter le Statu Quo ethnique au cœur des lois migratoires de 1924 et 1952

Jusqu’à la loi de 1965, la plupart des migrants hors quota étaient des réfugiés du communisme. Ces migrants étaient majoritairement des non Juifs de Russie, de Pologne et de Tchécoslovaquie (Graham, 2003: 54), ils avaient profité de la soupape de sécurité que leur offrait «la loi des années 1920» – en cas de tension politique ou ethnique dans le pays d’origine, pour s’assimiler à la culture américaine. (Graham, 2003: 48).

Dans les années 1950, ces flux européens qui s’assimilaient au fur et à mesure n’étaient pas considérés comme modifiant l’équilibre démographique du pays – même s’il s’agissait  de réfugiés d’extrême gauche (également persécutés pa les communistes): dans les années vingt, l’Amérique se défiait de ces derniers comme de la peste (en particulier en ce qui concerne les immigrants Juifs [CofC: Chs. 3 & 7]).

Les Américains étaient heureux de les accueillir parce qu’ils étaient considérés comme affirmant la supériorité de la culture américaine sur le communisme pendant la guerre froide; par exemple, la persécution du cardinal hongrois József Mindszenty (qui a vécu à l’ambassade américaine à Budapest pendant 15 ans avant d’être exilé) a énormément touché les Américains, en particulier les catholiques.

Ainsi, en pratique, les flux migratoires des années cinquante auront été très éloignés du profil de l’immigration après 1965. Bien que l’immigration des années 50 reflétait une nette évolution des attitudes qui prévalaient dans les années 1920, la logique était loin de celle de l’immigration post-1965 dont la règle principale était qu’aucune justification n’était nécessaire – même les compétences nécessaires au pays n’avaient qu’une faible priorité.

Mais déjà en 1961, il y avait eu une loi qui était une sérieuse entorse au principe des quotas: la loi sur le regroupement familial [Family unifcation en américain]. Le concept n’était pas nouveau, le regroupement familial était au cœur des préoccupations juives sur l’immigration dès 1924 (Neuringer, 1971: 191)  —  un point bien souligné par le  Rep. Francis Walter, le chef des restrictionnistes à la Chambre lors des débats de 1952, en parlant du rôle particulier que les organisations juives avaient joué en tentant de favoriser le regroupement familial plutôt que les compétences spéciales comme base de la politique d’immigration américaine (Congressional Record 13 mars 1952 : 2284).

Au sujet du regroupement familial instauré par la législation sur l’immigration de 1961, Bennett (1963: 244) disait que «le principe du regroupement familial est devenu le «sésame ouvres-toi» de l’immigration».

Bennett (1963: 256) notait également que «l’extension indéfinie du statut hors quotas pour les immigrants des pays où ils étaient largement dépassés parce que fortement discriminés et pénalisés [par la loi McCarran-Walter de 1952], ajoutée aux dispenses administratives, à l’interprétation toujours plus large des statuts et aux projets de loi en cours d’élaboration suffisaient à accélérer et à rendre manifestement ineluctable un bouleversement du paysage ethnique de la nation (257).

La loi de 1961 était taillée sur mesure pour augmenter le nombre d’immigrants car elle autorisait la «migration en cascade» des membres de la famille en autorisant le regroupement familial sans limite de quotas [«en cascade»: on fait venir son épouse, l’épouse fait venir son frère etc.]. «La préférence familiale aura été un puissant levier pour les nouveaux arrivants qui laissait les Américains «de souche» désarmés et sans prise sur  l’avenir du pays – désormais passé aux mains des migrants. (Graham, 2004: 91) (Tout simplement parce que les citoyens dont la famille remontait à plus d’une génération ou deux – et a fortiori  les Américains de souche fondatrice – n’avaient  plus que peu ou pas de parents proches vivant à l’étranger).

Emprise sur le Congrès et l’Exécutif

Les Juifs étaient à la pointe du combat antirestrictionnistes au Congrès et ont joué un rôle important de par leur place dans l’exécutive. Au Congrès, parmi les personnalités les plus notables, on trouvait le Rep. Celler (également chef de file des forces antirestrictionnistes lors des débats du Congrès de 1924) et les Sen. Jacob Javits et Herbert Lehman, tous des membres éminents de l’ADL. Après avoir noté le leadership des Juifs au Congrès, Graham (2003: 57) note que «moins visibles, mais tout aussi importants, il y avait tout le travail des conseillers clés du personnel présidentiel et des agences. Ceux-ci comprenaient des conseillers politiques d’envergure tels que Julius Edelson et Harry Rosenfeld dans l’administration Truman, Maxwell Rabb à la Maison-Blanche du temps d’Eisenhower et l’assistant présidentiel Myer Feldman [qui, comme indiqué, était le nègre de Kennedy pour la rédaction du  A Nation of Immigrants], secrétaire d’État adjoint d’Abba Schwartz et procureur général adjoint de Norbert Schlei dans l’administration Kennedy-Johnson». Schlei était en outre le chef du bureau de l’avocat général du ministère de la Justice de 1962 à 1966 et le personnage le plus important dans la rédaction du projet de loi sur l’immigration de 1965 (New York Times, 2003). Graham (2004: 88) mentionne également Feldman, Schlei et Schwarz, comme des personnalités importantes dans les questions liées à l’immigration sous l’administration Kennedy-Johnson.

Consensus juif sur la politique d’immigration

Tout au long de cette période, les attitudes antirestrictionnistes étaient partagées par la grande majorité de la communauté organisée – «des croyants aux athées, de l’extrême droite à l’extrême gauche» pour reprendre les paroles du juge Simon Rifkind lors de son audition au Congrès en 1948 en tant que représentant d’une longue liste de groupes juifs nationaux et locaux

Cofnas (2018, 2021) soutient qu’en raison de leurs capacités intellectuelles, les Juifs ont toujours été fortement surreprésentés des deux côtés de diverses questions.

Ce n’était absolument pas le cas de l’immigration tout au long de la période critique qui s’est achevée en 1965 par l’abrogation des dispositions sur les origines nationales des lois de 1924 et 1952 – et même encore longtemps après. Jamais je n’ai trouvé d’organisation ou de personnalités juive à la tête des forces favorables aux lois de 1924 et de 1952 – ou opposées à la loi de 1965 au moment où elle a été promulguée.

Joyce (2021) montre le rôle puissant et continu des Juifs dans le combat pro immigration aux États-Unis dans la période contemporaine,  et, comme indiqué ci-dessus, qu’il existe encore à présent un substantiel consensus juif sur l’immigration.

 

Conclusion

J’en conclus que les Juifs à la tête de leurs organisations étaient une condition nécessaire pour faire passer la loi sur l’immigration de 1965. Comme toujours, l’activisme juif visait les institutions d’élite et les personnalités politiques, le changement se produisant finalement d’une manière descendante qui ne reflétait pas les attitudes de la plupart des Américains.

Comme le note Graham (2004: 88), «La question de l’immigration, a vu émerger un scénario désormais classique dans le débat public: des faiseurs d’opinion de l’élite choisissant un problème et une solution politique libérale, tandis que l’opinion populaire vent debout contre, mais informe et marginalisée, était vouée à la défaite.

6 – Questions annexes

Pourquoi les Juifs sont gauchistes?

[FG: passage sauté, il s’agit surtout pour Kevin MacDonald de contrer l’explication donnée de ce fait pour Cofnas:

Pour Cofnas, qui est Juif, les Juifs sont de gauche – malgré leur argent –  en tant qu’éternels opprimés, persécutés, rejetés etc.

Pour Kevin MacDonald, c’est quasiment tout le contraire, les Juifs sont gauchistes au sens révolutionnaire du terme parce qu’ils doivent forcément reformater les sociétés hôtes et en particulier casser les nationalismes et les peuples: voir tout ce qui précède dans l’article]

Le pourcentage de Juifs dans une société est-il essentiel au succès de leur activisme?

Cofnas (2021) note que les sociétés occidentales comme la Suède avec un très faible pourcentage de Juifs ont également ouvert leurs portes à l’immigration et adopté le multiculturalisme. Outre les militants qu’il cite (David Schwarz était particulièrement important), il faut également mentionner le rôle de la famille Bonnier, qui a longtemps eu une présence prépondérante dans les médias suédois (livres, magazines, journaux, télévision et film), (Groupe Bonnier , 2021).

Mais si on y regarde de plus près, l’image change du tout au tout.

Eckehart (2017) a dressé une liste de 17 débats sur l’immigration et la politique des minorités dans d’éminents journaux et magazines suédois entre 1964 et 1968, comprenant au total 118 articles. Schwarz en a personnellement écrit ou coécrit 37, soit 31% du total. C’est également lui qui est à l’origine de 12 des 17 débats.

Si on y ajoute les autres contributions juives, nous constatons que ce qui n’est qu’une minuscule minorité en Suède, moins de 1% de la population, était responsable de 46 articles, soit 39% du total. Tous les contributeurs Juifs étaient en faveur du multiculturalisme. De toute évidence, ils n’étaient pas présents des deux côtés de la barrière.

De plus, les minorités ont un avantage dans la compétition ethnique en étant plus capables de se mobiliser que les majorités, c’est-à-dire capables de faire des sacrifices pour une cause, par exemple en donnant de l’argent, du temps et du travail (Salter, 2006).

Même un petit groupe aux ressources limitées peut exercer une influence disproportionnée lorsque ses membres sont fortement mobilisés et que ses opposants, bien que supérieurs en nombre, sont indifférents.

C’est d’ailleurs bien la leçon générale qui ressort de tout ce que nous avons présenté plus haut sur la loi de 1965 sur l’immigration aux États-Unis. Dans le cas de l’Australie au cours des dernières décennies, Isi et Mark Leibler, dont les efforts ont été soutenus par de riches Juifs australiens, ont eu une très grande influence sur le gouvernement sur tout un éventail de questions, allant de la politique envers Israël à l’immigration, aux restrictions de la liberté d’expression (Cashman, 2020; Gawenda, 2020; Sanderson, 2021). Sanderson (2013) décrit également l’activisme efficace de Walter Lippmann dans la promotion d’une politique officielle de multiculturalisme en Australie dans les années 1970, motivée, au moins en partie, par la crainte que l’assimilation ne décime la communauté Juive.

De plus, l’influence des minorités est d’autant plus efficace qu’elle sévit dans les cultures individualistes, or, les sociétés scandinaves sont les cultures les plus individualistes qui soient au monde (Cf. les données sur la famille historique et la structure politique (MacDonald, 2018c, 2019). Les individualistes sont beaucoup plus susceptibles de voir les autres comme des individus plutôt que comme des membres de groupes concurrents, et ils sont relativement non ethnocentriques (Henrich, 2020 ; MacDonald, 2019, 2020, 2021).

En outre, la cohésion sociale de la culture individualiste est assurée par un «socle de valeurs morales» plutôt que par des identités fondées sur la parenté, la race ou l’ethnicité (MacDonald, 2019, 2021) – un socle en vertu duquel la dissidence, par exemple, de l’idéologie multiculturaliste dans l’Occident contemporain, conduit à la culpabilité et à d’éventuelles sanctions telles que l’ostracisme et la perte d’emploi.

Dans la culture occidentale contemporaine, ces communautés morales sont créées de manière descendante par une culture universitaire et médiatique d’élite dans laquelle les Juifs sont fortement surreprésentés (MacDonald, 2002b, 2019). Comme indiqué, un effort juif majeur après la Seconde Guerre mondiale aura été de créer une culture qui relègue l’ethnocentrisme blanc et la poursuite de ses intérêts aux marges politiques et sociales (voir aussi CofC: Ch.5).

En fin de compte, la Suède, en tant que société occidentale relativement petite et sans importance géopolitique, se trouve emportée par les tendances plus larges de l’Occident. Étant donné que les États-Unis sont le leader incontesté de l’Occident depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’est pas du tout surprenant que les tendances qui ont commencé aux États-Unis soient vues sous un jour positif par les intellectuels et les politiciens suédois.

C’est encore plus vrai de la culture universitaire occidentale, qui est internationale et hiérarchique, de sorte que, par exemple, une fois que la révolution boasienne s’est produite dans les universités d’élite aux États-Unis et qu’elle y est devenue la sagesse incarnée, il était inévitable qu’elle se propage aux milieux universitaires dans tout l’Occident et avec des conséquences sur la politique d’immigration similaires.

Ainsi, Sanderson (2013:7) montre que les idées boasiennes sur la race étaient «une arme essentielle pour ouvrir l’immigration australienne aux minorités non blanches», et il discute du rôle crucial des universitaires Juifs et d’autres militants dans la promotion de l’opposition à la tradition blanche. politique australienne, il cite en exemple un article de Dan Goldberg (2008), le rédacteur national de l’Australian Jewish News, reconnaissant fièrement que «Les Juifs ont joué un rôle déterminant dans la conduite de la croisade contre la politique de l’Australie blanche».

Face à cela, contrastant singulièrement avec cet individualisme, Rubenstein (Rubinstein, 1995:7) note que «politiquement, la communauté juive est fortement unie autour d’un nombre limité d’objectifs sur lesquels il existe un consensus ou un quasi-consensus, notamment le soutien à Israël, la lutte contre l’antisémitisme, l’adhésion au multiculturalisme – laquelle va de pair avec l’endiguement de l’assimilation par l’enseignement dans les écoles juives».

MacDonald (CofC: 294) note que «le changement radical dans la politique d’immigration dans le monde occidental s’est produit à peu près au même moment (1962-1973), et dans tous les pays, les changements ont reflété les attitudes des élites plutôt que celles de la grande masse des citoyens. … Un thème récurrent a été que la politique d’immigration a été formulée par des élites qui contrôlent les médias et que des efforts ont été faits par les dirigeants politiques de tous les grands partis pour conjurer la peur de l’immigration».

Comme indiqué ci-dessus en citant Graham (2004: 88), l’influence descendante sur les politiques publiques était au cœur de l’activisme juif sur l’immigration dans les années 1960 et a largement fait tache d’huile sur d’autres questions de politique publique. L’anti-populisme et le contrôle par les élites défendus par les intellectuels Juifs au cours des décennies précédentes avaient fait école (CofC : Ch. 5) .

[…]

7 – En résumé

[…]

  • Il n’y avait pas de Juif ou d’organisation juive parmi les restrictionnistes ou dans les mouvements populistes pendant la période couverte par CofC – une période de grandes mutations pour l’Occident. Tout au long de cette période, les organisations et militants Juifs ont été uniformément pro immigration et les mouvements intellectuels juif éreintaient à tour de bras le populisme.
  • Comme indiqué ci-dessus, «dans l’Amérique d’avant les années 1960… il serait difficile, voire impossible, de trouver des intellectuels ou des militants Juifs importants qui ne se seraient pas situés sur la gauche du spectre politique», et je note que Cofnas ignore ce sur quoi s’est focalisé la puissance de la communauté Juive. Il ignore également le fait que les néoconservateurs Juifs, de loin le courant le plus important chez les conservateurs Juifs américains, ont été favorables à l’immigration et ont tout fait pour tirer le parti républicain vers la gauche sur les questions sociales, conformément aux vœux de fortes majorités de la population juive américaine.
  • Dans les débats sur l’immigration en Suède dans les années 1960, tous les contributeurs Juifs ont favorisé la position multiculturaliste. De même, en ce qui concerne l’Australie, il y a eu un consensus juif sur le multiculturalisme et d’autres questions, «en particulier le soutien à Israël, la lutte contre l’antisémitisem, l’adhésion au multiculturalisme – laquelle va de pair avec l’endiguement de l’assimilation par l’enseignement dans les écoles juives» (Rubenstein, 1995: 7).
  • Dans l’analyse du poids de l’influence juive, on ne peut pas se limiter à une une analyse purement statistique et éviter une description de la dynamique interne et des motivations des mouvements d’influences créés et dominés par eux. Au contraire, c’est comprendre les motivations et la dynamique interne de ces mouvements qui devrait avoir la priorité.

Sans quoi, on coure le risque, comme Cofnas, de passer à côté dans tous ces domaines et d’aboutir à une vision très déficiente de l’histoire et de l’activisme juif.

Traduction Francis Goumain

Source

The “Default Hypothesis” Fails to Explain Jewish Influence: the Rise of a Substantially Jewish Elite in the United States after World War II and its Influence on Immigration Policy (kevinmacdonald.net)

kevin.macdonald@csulb.edu

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Tomislav Sunic Interdit par Twitter

Tomislav Sunic, TOO, 25.4.2023

Hier, j’ai été banni de Twitter, en même temps que Kevin MacDonald et James Edwards. Je suppose qu’aux Etats-Unis bien d’autres « gêneurs » ont été également bannis ce jour-là. Absolument aucune explication n’a été fournie pour ce blocage. Je dois avouer que je n’ai jamais écrit de tweets élogieux sur la diversité multiraciale du monde antifa. Je n’ai jamais non plus montré mon admiration pour les homélies du pape François agenouillé aux pieds des migrants extra-européens. Pourtant, je n’ai jamais publié non plus de propos haineux envers des individus en particulier, ni envers des groupes ethniques extra-européens.Cette décision de Twitter ne me surprend pas du tout ; il y a 30 ans que j’écris, notamment dans The Occidental Observer, que la censure aux États-Unis a pris la succession de celle de l’Union soviétique. Je suis bien placé pour le savoir. Dans l’ancienne Yougoslavie communiste, ma famille et moi avons vécu une existence de proscrits durant des décennies. Mon père, qui avait été avocat, a même purgé une longue peine de prison pour « propagation de littérature anticommuniste ». Aujourd’hui, nous assistons à des purges intellectuelles du même type, même si elles sont enrobées d’un discours lénifiant, fait d’euphémismes fantaisistes et démonologiques, comme « lutte contre les discours de haine » et « formation à la sensibilité ethnique ». Et cela se déroule aux États-Unis comme dans l’Union européenne, où semble ressusciter ce qu’était le Commissariat du peuple aux affaires intérieures de l’Union soviétique, c’est-à-dire le NKVD.Historiquement, ce sont des processus qui se développent lorsqu’un système est voué à l’implosion. On peut se remémorer la guerre civile entre Marius et Sulla au premier siècle avant J.-C., ou, plus tard, la « damnatio memoriae » quand on s’efforçait d’effacer le souvenir de certains empereurs romains. C’étaient des empereurs dont le règne ne durait souvent que quelques mois. On sent le chaos à nos portes.                                        

Le Judéo-Bouddhisme: se libérer d’être blanc, s’éveiller du Christ (mais dans le vrai bouddhisme, aucune race ne souffre plus qu’une autre et il faut savoir oublier)

 Traduction Francis Goumain 

Source: Jewish Crypsis in American Buddhism – The Occidental Observer

De façon quasi prémonitoire, cet article d’Andrew Joyce examine l’orientation imprimée au Bouddhisme moderne par les Juifs en Occident et dans le monde, influence qui semble culminer dans l’actualité avec la photo scandaleuse du Dalaï Lama avec un jeune garçon.

 «S’il y a bien une chose qui ressort de toutes mes conversations avec les fondateurs des centres bouddhistes, c’est qu’ils ne font pas mystère de leur culture juive comme fondement de leurs aspirations à la justice sociale».  — Emily Sigalow, American JewBu: Jews, Buddhists, and Religious Change, 2019.

 «Pour l’homosexuel dégénéré Ginsberg, ses penchants l’ont tout naturellement conduit à suivre la voie de Chögyam Trungpa, un moine Tibétain alcoolique et débauché dont la doctrine de la «sagesse débridée» professait pour les conventions un dédain ostentatoire. C’est bien sûr ce genre de bouddhisme qui a eu les faveurs de la culture gaucho-LSD en Occident.»

 Le cryptojudaïsme dans l’Église n’a jamais vraiment cessé, qu’on pense à Vatican II ou même à l’Église Anglicane avec à ce Giles Fraser, un prélat infiltré qui n’a pas volé les âpres discussions dont il a été l’objet dans nos milieux. Pour autant, l’idée m’est venue à l’esprit que le multiculturalisme pouvait lui aussi offrir pléthore de masques sous lesquels poursuivre le travail de sape du christianisme. C’est en tombant par hasard sur une série de «séminaires sur la blancheur» proposés par des organisations bouddhistes américaines, et en particulier en m’intéressant de plus près à l’une d’entre-elles, la BRJ (Buddhists for Racial Justice), que j’ai découvert le pot aux roses que je soupçonnais: l’omniprésence juive au sein d’une religion – autre que le christianisme –  mais toujours dans le but de servir l’intérêt communautaire, et une fois de plus, de manière cryptée. La Providence a voulu que mon enquête coïncide avec la publication en novembre 2019, aux presses universitaires de Princeton, du livre d’Emily Sigalow: American JewBu: Jews, Buddhists, and Religious Change. Ce sont les étonnantes découvertes de Sigalow, accompagnées de mes propres observations, que je présente dans cet essai.

Les Juifs dans le Lotus 

Si je vous disais que je me suis intéressé à l’enseignement de Ram Dass, Puma Chodron, Krishna Das, Bhikkhu Bodhi, Surya Das, du Maître Zen Bon Seong, Thubten Chodron et du grand Maître Zen Wu Kwang, certainement qu’il vous viendrait à l’esprit une cohorte d’images  faites de Tibétains chauves, d’Hindous barbus et de Chinois au regard impénétrable. Votre imagination voguerait vers des destinations exotiques, dans la pénombre de temple à l’éclairage incertain, loin des néons et du tohu-bohu des villes américaines. C’est ça la magie des noms. Si maintenant je vous dis les vrais noms, vous allez vite redescendre sur Terre: Richard Alpert, Deirdre Blomfield-Brown, Jeffrey Kagel, Jeffrey Block, Jeffrey Miller, Jeff Kitzes, Cheryl Greene et Richard Shrobe — des bons vieux Juifs gauchistes urbains qui se sont réinventé en fondateurs et grands mages du Judéo-Bouddhisme, des Jusqu’au Bouddhisme en quelque sorte. Ces figures n’étant que les derniers avatars d’une histoire qui a commencé à Chicago, en 1893, avec Charles T. Strauss, modeste chapelier de son état, le premier non asiatique à se convertir au bouddhisme aux États-unis. Aujourd’hui, selon les estimations les plus conservatrices, 30% des bouddhistes non asiatiques sont ethniquement juifs, la plupart en position dominante sur le reste des 70%, principalement d’ascendance européenne. [1] 

Pour être honnête, même s’il y a eu quelques précurseurs comme Strauss, le mouvement judéo-bouddhiste n’a pris son essor que vers la fin des années 50, au moment où il a commencé à gagner en popularité au sein de la contre-culture gauchiste. On peut dire que la vogue est concomitante du mouvement Beat et de sa figure de proue, le poète Gary Snyder (qui n’est pas Juif). Snyder était un amoureux de la nature qui aimait vaquer à des emplois forestiers, il était passionné d’écologie et d’environnement, autant de facteurs qui l’ont amené à se rapprocher des attitudes traditionnelles est-asiatiques, en particulier du bouddhisme Zen; personnellement, je suis un grand admirateur de ses écrits. C’est lui qui fera connaître le bouddhisme Zen à Jack Kerouac (un Canadien d’ascendance bretonne d’expression française et anglaise qui immortalisera sa rencontre avec Snyder dans son roman de 1958, The Dharma Bums – Les Clochards célestes) et à Allen Ginsberg. Le bouddhisme de Snyder était austère, contemplatif et prescrivait un retour à la nature, toute chose que ni Kerouac ni Ginsberg encore moins, n’étaient prêts à accepter. Chacun de leur côté, Kerouac et Ginsberg ont trouvé la forme de bouddhisme qui leur convenait le mieux. Pour l’homosexuel dégénéré Ginsberg, ses penchants l’ont tout naturellement conduit à suivre la voie de Chögyam Trungpa, un moine Tibétain alcoolique et débauché dont la doctrine de la «sagesse débridée» professait pour les conventions un dédain ostentatoire. C’est bien sûr ce genre de bouddhisme qui a eu les faveurs de la culture gaucho-LSD en Occident. 

Dans les années 60, c’est cette variété de bouddhisme vu comme permissif, ou du moins dépourvu de jugement moral, qui a proliféré dans la contre-culture gauchiste – toujours insatiable dans sa quête de conventions sociales à renverser. Les Juifs étaient bien sûr particulièrement à l’  aise et surreprésentés dans ce genre de milieux et nombre d’entre eux ont glissé vers le bouddhisme. Les raisons de cette dérive ont longtemps fait l’objet de débats acharnés sur les campus et dans les médias(voir par exemple ici et ici). La raison qui ressort le plus souvent est une certaine lassitude envers le judaïsme, lassitude qui ne va pas toutefois pas jusqu’à remettre en cause une franche hostilité au christianisme vu comme le fons et origo de l’antisémitisme. Sigalow cite par exemple cette jeune «JewBu» qui dit franchement que «le christianisme me donne envie de vomir». [2] 

Une autre lui déclarait à la fin des années 60: « Ça m’est difficile de m’asseoir dans un groupe de méditation tel que l’Unitarian Universalist church. … Je suis d’accord que toutes les religions se rejoignent à un certain niveau, mais le mot «église» me reste en travers de la gorge [en raison de ma culture juive]. [3] 

Il y a un fond de vérité à tout ça. Comme je vais le montrer plus bas, pour nombre de ces Juifs, il s’agit bel et bien de combler certaines déficiences des formes religieuses du judaïsme – mais tout en continuant par ailleurs à valoriser au plus haut point la judaïcité. Il n’est pas non plus douteux que dans l’ensemble, ils entretiennent une profonde aversion pour le christianisme qu’ils jugent pathologiquement et négativement orienté à leur égard.  Est-il nécessaire de préciser que même si toutes les religions voient d’un mauvais œil les apostasies, une conversion du judaïsme vers le christianisme serait autrement plus ma vu dans l’entourage qu’une simple évolution vers l’athéisme. Mais ces considérations ne sont que propitiatoires et ne rendent pas réellement compte de l’attrait positif pour le bouddhisme en tant que tel. Je fais ici l’hypothèse que c’est la souplesse du bouddhisme, qui n’oblige à rien, ni dans les pratiques ni dans les professions de foi, au moins dans certaines variétés du bouddhisme, qui a permis aux Juifs d’adopter superficiellement une religion et une identité culturelle parfaitement étrangère sans compromettre les relations intracommunautaires ni même certains des principes fondamentaux du judaïsme. Allen Ginsberg, par exemple, n’était pas le dernier à se voir «à la fois en Juif et en bouddhiste». [4] 

Il faut bien comprendre que le bouddhisme des années 50 et 60 était une grande nouveauté en Amérique, il était donc encore très malléable, taillable et corvéable à merci – et les Juifs ne s’en sont pas privé. C’est d’ailleurs l’aspect le plus remarquable de l’ouvrage de  Sigalow qui montre à quel point ce ne sont pas tant les Juifs qui se sont adapté au bouddhisme que eux qui l’ont adapté à leur propre image et identité. 

Le Gauchisme des Bouddhistes Juifs

 Sigalow remarque que non seulement les Juifs se sont imposé en tant que fondateur et maître à méditer du bouddhisme tibétain ou Zen en Occident [5], mais qu’ils l’ont imprégné d’un «activisme éthique» qu’on ne lui avait jamais connu nulle part ailleurs auparavant. [6] 

Dans un article pour The Tablet, Michelle Goldberg reconnaît que «le bouddhisme américain est essentiellement une création juive qui ne ressemble à rien de ce qu’on lui connaissait traditionnellement». Il est intéressant de noter comme des bouddhistes occidentaux contemporains ont pu relever et dénoncer cette tendance à la «justice sociale» du bouddhisme américain. Brad Warner, qui a suivi l’enseignement d’un monastère Zen au Japon, souligne dans ses vidéos (voir ici, ici, ou ici) que pour le vrai bouddhisme il n’y a nulle hiérarchie dans la souffrance (toutes les races souffrent, tous les peuples, et personne plus que d’autres) – ce qui vient  heurter de plein fouet le bouddhisme américain, obnubilé qu’il est par un gauchisme égalitaire qui souhaite ouvertement voir baisser la démographie blanche. Warner poursuit implacablement en disant que le bouddhisme apprend à se concentrer sur le présent et à laisser s’évanouir le passé, là encore, à l’encontre du bouddhisme américain qui voudrait faire passer un voyage Auschwitz pour une retraite Zen destinée à montrer comme «nous devrions être ouverts à la diversité». Sans surprise, cela lui a valu une volée de bois vert, avec des noms d’oiseaux tels que «supporter de Trump» (ce qu’il n’est vraiment pas) et neonazi (ce qu’il est, si possible, moins encore). 

La différence entre le bouddhisme de Warner et celui qui a cours aux USA, c’est que Warner a suivi l’enseignement et l’ascèse d’un vrai centre au Japon, et non celui d’imposteurs Juifs, des gauchistes déguisés en maître Zen. Sigalow estime que nombre de «gourous» Juifs «ont des liens profonds au judaïsme» «et intègrent au bouddhisme nombre de ses principes et concepts [FG: dont Auschwitz]». [7] 

Il faut quand même reconnaître aux Juifs le mérite d’avoir été les premiers à s’engouffrer massivement dans le mouvement bouddhiste naissant à la fin des années 50 et au début des années 60, c’est ce qui a permis à toute leur clique d’être derrière la fondation de la plupart des structures qu’on connaît en Amérique. On trouve par exemple dès 1975, la Insight Meditation Society, censée s’ancrer dans la tradition du Théravada, c’est aujourd’hui l’un des plus grands foyers du bouddhisme américain. Les fondateurs en sont Jack Kornfield, Sharon Salzberg, et Joseph Goldstein. Shambhala Publications, la plus éminente maison d’édition du bouddhisme américain a été créée par Samuel Bercholz.

 Autre institution particulièrement en vue, la Zen Community of New York, désormais la Zen Peacemakers, a été fondée en 1980 par Bernard Glassman. C’est cette institution qui est la plus en pointe dans l’offre de visite à Auschwitz, son site à ce sujet vaut le détour:

 «De nouveau nous pourrons éprouver la sinistre présence des clôtures barbelées, nous retrouver dans ces baraquements où, il fut un temps, des humains étaient entassés pire que du bétail, nous pourrons prier du fond de ces quadrilatères, sur le sol sur lequel tant et tant sont tombés simplement du fait de leur différence de religion, de nationalité, d’ethnie ou de préférence sexuelle. Ou prier juste parce que. Parce que nous avons toujours des boucs émissaires, quelqu’un sur qui porter le blâme au lieu d’accepter la responsabilité complexe de vivre pleinement en être humain. … En Pologne, il est illégal de parler de la complicité polonaise dans le meurtre des Juifs polonais. Démocratie et diversité sont devenus des gros-mots. Les spectres hideux du sectarisme et du fanatisme ont ressurgi, alimentant la peur des immigrés, des réfugiés, des familles en détresse, des minorités ethniques et religieuses … Aujourd’hui nous assistons à l’intersectionnalité des discriminations  — des individus ou des groupes sont marginalisés en raison, et de leur couleur, et de leur orientation sexuelle, et de leur classe, et de leur religion, le tout inextricablement mêlé. … Que signifie la diversité pour nous? Est-ce que nous sommes tous ensemble, ou seulement certains privilégiés admis et les autres dehors?  Qui est inclus, qui est exclu? Aujourd’hui plus que jamais il est crucial de porter le témoignage de ce qui arrive quand on laisse faire la xénophobie et le fanatisme. La retraite à Auschwitz-Birkenau en 2020 ne témoignera pas seulement du massacre et de la torture des Juifs, des Gitans, des intellectuels et journalistes Polonais à une époque où une vie non aryenne était jugée sans valeur … Nous appelons et nous accueillons cette diversité aujourd’hui tout particulièrement.  … Comment construire des ponts plutôt que des murs?»

S’il vous saute aux yeux que ce descriptif est totalement dépourvu du moindre contenu un tant soit peu bouddhiste  — sans la plus petite trace de ce qui pourrait ressembler même de loin à une sereine méditation Zen, que par contre ça fait fichtrement penser à un billet d’un affidé de l’ADL [LiCRA], rassurez-vous, vous n’êtes pas tout seul dans votre cas, c’est  juste que vous venez de vous heurter tête la première sur le «bouddhisme américain» avec sa fragrance si particulière qui n’est pas sans évoquer les confins du Sinaï. Vous êtes excusé si vous ne saviez pas que le Spirit Rock Meditation Center de Californie a aussi été fondé par Jack Kornfield avec l’aide de sa compagne de route «bouddhiste» Sylvia Boorstein. Aujourd’hui son équipe d’enseignants s’articule autour de grands noms du bouddhisme américain comme Howard Cohn, Will Kabat-Zinn, Wes Nisker, et Donald Rothberg. La plupart des plus grands centres de méditation Zen, pour ne pas dire tous, sont dirigés par des Juifs: l’Empty Gate Zen Center (Jeff Kitzes), le Nashville Mindfulness Center (Skip Ewing), le Chogye International Zen Center (Richard Shrobe), et le San Francisco Zen Center (David Zimmerman). De plus, ce sont aussi eux qui ont la haute main sur toute la communication bouddhiste, notamment sur la scène littéraire. Tout ceci n’étant jamais que le prolongement de leur présence massive à la tête du mouvement à ses débuts – à tel point que le gourou de Ginsberg, Chogyam Trungpa, se serait exclamé à l’époque: «mais c’est l’oy vey school du bouddhisme!». 

Si on réfléchit au phénomène «JewBu» dans une perspective cryptique, on est frappé de voir comme on retrouve un haut degré de cohésion ethnique et de coopération entre ces nouveaux convertis. Dans la grande majorité des cas, ils œuvrent main dans la main à l’édification de l’infrastructure du bouddhisme américain et se marient entre eux. En général, ils continuent de s’afficher peu ou prou dans leur identité religieuse d’origine. 

Glassman, par exemple, entre deux «retraites bouddhiques» à Auschwitz, se sert volontiers de «contes rabbiniques pour enseigner le dharma à ses ouailles». [8] 

Gary Laderman, de son côté, explique que Sylvia Boorstein «se vit à la fois en juive fidèle et en bouddhiste pratiquante … Ses livrent visent à faire la synthèse entre bouddhisme, judaïsme et psychothérapie». [9] 

Sigalow remarque que Goldstein et Kornfield se montrent «des plus inventifs dans leur enseignement», [10] ce qui dit-elle plus loin doit être compris comme la capacité a «reconfigurer le bouddhisme» [11] pour qu’il aille avec leurs goûts culturels, religieux et politiques d’origine. On peut dire que les Juifs se sont lancés dans une véritable «réorganisation doctrinale» du bouddhisme (et non du judaïsme) [12] qui consiste à le débarrasser de tous les éléments exotiques qui le rattachent à une tradition, notamment ceux monarchiques ou patriarcaux et bien sûr, tout ce qui est gênant pour le judaïsme. Sigalow note ques éléments «dogmatiques, doctrinaux ou mythologiques» ont été réduit au silence et que les cycles de réincarnation «sont virtuellement absents de l’enseignement». Le bouddhisme tibétain se trouve ainsi amputé de pans entiers qui faisaient partie intégrante de sa doctrine. [13] 

Non seulement il y a eu des amputations, mais il y a eu des prothèses de rajoutées. Pour Sigalow, les Juifs ont imprégné le bouddhisme de «vertus psychologiques et psycho thérapeutiques» qu’on ne lui connaissait pas. Michelle Goldberg confirme en disant que ce  sont bien eux qui sont derrière «la psychologisation du bouddhisme», cela se manifeste particulièrement dans l’insistance sur la «tolérance» et la «bienveillance». [14] 

Sigalow ajoute que l’influence la plus profonde exercée par les Juifs au début des années 60 aura été de le lui faire endosser une responsabilité dans les luttes pour l’émancipation et l’égalité qui travaillaient la société à l’époque.  … «S’il y a bien une chose qui ressort de toutes mes conversations avec les fondateurs des centres bouddhistes, c’est qu’ils ne font pas mystère de leur culture juive comme fondement de leurs aspirations à la justice sociale». [15] 

Ces inflexions vers le psychologique et le sociétal sont capitales puisque c’est sur leur base que les gourous Juifs — qui d’après Sigalow n’ont jamais mis les pieds dans une communauté bouddhiste asiatique —  infligent un endoctrinement à leurs disciples blancs lors d’interminables séances d’auto-critique, de pseudo analyses de la Blancheur, de leçons de tolérance à haute dose, de pluralisme, et d’apprentissage de pseudo commandements religieux sur la «justice raciale». Comme les Juifs sont les pionniers de la psychanalyse et des Whiteness Studies, qu’ils restent les plus ardents partisans du pluralisme racial, il est difficile de ne pas croire que le bouddhisme reformaté par eux ne soit pas autre chose qu’un moyen supplémentaire au service de la poursuite de leurs buts, un moyen plus cryptique il est vrai. Buddhists for Racial Justice, par exemple, devenue la North American Buddhist Alliance, n’est que l’un des vecteurs de cet activisme aux États-Unis, l’une de ses figures clés étant Joshua Goldberg une chauve transsexuelle devenue un chauve transsexuel.

Cette promotion d’une forme psycho thérapeutique du néo bouddhisme auprès des blancs peut aussi être considéré comme un prolongement des efforts de l’école de Francfort pour traiter chez les Blancs des pathologies culturelles largement imaginaire telles que le refoulement et l’anxiété. Sans ambages, The Tablet reconnaît que ce sont les Juifs qui sont à l’origine de toute l’industrie de l’éveil en ayant débarrassé le bouddhisme de ses éléments mythologiques et en grossissant ses éléments appelant à cultiver le détachement des émotions. En fait le JewBu se distingue par son apologie de la tolérance, du pluralisme et du détachement de soi au point de négliger la défense de ses intérêts. Ceci va directement à l’encontre du bouddhisme historique qui a connu des formes guerrières et autoritaires, et directement à l’encontre d’exemples contemporains comme en Birmanie où on voit les moines rameuter les foules pour défendre le pays contre les musulmans et l’islam.

 À la merci des Gourous Juifs

 En tant que maître «Zen», les Juifs peuvent bien entendu obtenir un haut degré de soumission de la part de leurs adeptes blancs tout en masquant la nature précise de leurs activités. Les changements de nom si fréquents chez eux – bouddhisme ou pas – viennent encore opacifier la nature de la hiérarchie, rendant moins évident le népotisme et la prédominance juive en son sein. Par exemple, qu’un Wu Kwang fasse monter en grade un Surya Das fera moins sourciller qu’un Joseph Goldstein assurant la promotion d’un Joshua Goldberg. C’est ainsi que contrairement à ce qui s’est passé avec l’Église au moment de l’inquisition, les Juifs ont pu pulluler dans la hiérarchie bouddhiste au détriment des blancs, sans éveiller la méfiance, sans examen de théologie, et sans faire de déclaration abjurant leur judaïsme, bref, sans avoir à franchir aucun des obstacles gênant existant dans le christianisme. Du fait de la nature décentralisée du bouddhisme et de son système de transmission de l’autorité par filiation entre un maître et son disciple, tout ce qu’un Juif avait à faire, c’était de s’insérer dans le bon lignage (avec le bon maître) et au bon moment (la «oy vey school des années 50 et 60) et il pouvait prétendre à son tour à la direction du bouddhisme américain, consolider son infrastructure, sélectionner ses futurs gourous dans son ethnie d’origine (qui recevront de lui le Dharma) et en éliminer les dissidents rétifs au programme anti-blancs. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des lignées bizarres dans le bouddhisme, avec un Zoketsu Norman Fischer, se déclarant maître Zen ayant hérité du Dharma de Sojun Mel Weitsman. 

Parfois, à l’occasion d’un scandale, le château de cartes s’écroule. Noah Levine est le fondateur du Against the Stream Meditation Center à Venice en Californie, il avait lui-même reçu le Dharma de Kornfield. Le centre se piquait «d’antisexisme et d’antiracisme» et s’est fait connaître en versant dans tout un folklore punk, il a joué un rôle important dans la promotion de la «woke» culture en donnant des cours «bouddhistes» sur le privilège blanc et le racisme.

Malheureusement pour Levine, en dépit de ses professions d’antisexisme, des accusations d’agression sexuelles sur les adeptes féminines du centre ont fait surface en 2019, forçant l’organisation à l’expulser. D’autres centres bouddhistes ont pris leurs distances avec lui et lui ont retiré ses certifications d’enseignement. Furieux, Levine a révélé le pot aux roses en disant que son père et ses collègues «Kornfield, Ram Dass, Joseph Goldstein, Sharon Salzberg» n’étaient que des imposteurs et que «ces types n’avaient aucune autorité pour enseigner, ils se la sont donnée à eux-mêmes». Ou pour le dire autrement, ils n’ont fait qu’inventer leur propre religion basée sur le détachement et la célébration de la diversité et ils l’ont appelé bouddhisme. 

Conclusion 

Profondément influencé par Arthur Schopenhauer, j’ai une sympathie naturelle pour les leçons du bouddhisme authentique sur la souffrance. On a aussi pu être frappé dans les milieux universitaires des parallèles entre le bouddhisme Zen et la philosophie de Nietzsche et de Heidegger, ce qui prouve qu’il n’est pas étranger aux oreilles des Occidentaux et qu’il peut toucher leur âme et leur esprit. Cela dit, la dérive de plus en plus marquée des Blancs vers le bouddhisme a de quoi inquiéter au vu de ce qui précède. Le bouddhisme américain s’avère n’être qu’un piège destiné à apprivoiser les Blancs et à promouvoir le multiculturalisme, autant d’objectifs contraires aux intérêts des Blancs  — ni plus ni moins les mêmes que ceux des activistes de la communauté juive en général.

 Notes 

[1] Sigalow,American JewBu: Jews, Buddhists, and Religious Change, 1.

[2] Ibid., 159.

[3] Ibid.

[4] Ibid., 59.

[5] Ibid., 57.

[6] Ibid., 58.

[7] Ibid.

[8] Ibid., 76.

[9] G. Laderman, Religion and American Cultures: Tradition, Diversity, and Popular Expression: 2nd Edition (Santa Barbara: ABC-CLIO), 57.

[10] Sigalow, 76.

[11] Ibid., 78.

[12] Ibid., 69.

[13] Ibid.

[14] Ibid., 70-71.

[15] Ibid., 73 & 76.