Le rôle des intellectuels juifs dans la réforme des lois de l’immigration aux États-Unis

Kevin MacDonald

Department of Psychology, California State University–Long Beach, Long Beach, CA, USA

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En bref:

Le rôle de l’activisme juif dans les bouleversements qui se sont produits en Occident au cours des dernières décennies continue d’être controversé. Je réponds ici à plusieurs questions réputées liées à l’influence juive, en particulier «l’hypothèse par défaut» selon laquelle le QI et la concentration dans les zones urbaines expliquent l’influence et le rôle de la communauté juive dans la promulgation de la loi sur l’immigration de 1965 aux USA.

L’ère nouvelle qui s’est ouverte après la Seconde Guerre mondiale a vu l’émergence en Amérique d’une élite essentiellement juive qui a exercé une influence sur tout un faisceau de questions convergentes telles que l’immigration, les droits civiques et la sécularisation de la culture américaine permettant de dégager un consensus quasi unanime là où on s’y serait attendu le moins.

L’activisme juif dans le mouvement pro immigration était tous azimuts, allant des mouvements intellectuels niant l’importance de la race dans les affaires humaines au recrutement et au financement des organisations antirestrictionnistes; il s’agissait, en exerçant une influence dominante sur le Congrès et l’exécutif de faire tomber l’objectif d’un statu quo ethnique jugé trop favorable au maintien d’une société blanche relativement homogène.

Mots-clés: influence juive – loi d’immigration de 1965 – Ethnocentrisme – Antisémitisme

[NdT: le début de l’article est sauté pour arriver le plus vite possible au sujet principal, le rôle l’intelligentsia juive dans l’ouverture des vannes de l’immigration et du métissage dont voici l’historique:

1900 – Naissance de l’anthropologie antiraciste boasienne, auteur Franz Boas, un Juif ashkénaze né en Allemagne et parti aux USA: ses émules seront en majorité Juifs.

1924 – Première loi restrictive sur l’immigration, elle repose sur un principe de quotas proportionnels au poids des ethnies déjà en place, le but de la loi est de maintenir le statu quo ethnique à prédominance blanche, les Juifs sont contre ce système qui bloque à la fois le niveau de l’immigration et sa composition ethnique.

1952 – Instauration de la PCiN, commission présidentielle sur la naturalisation et l’immigration, instaurée par Truman, les Juifs y prédominent, le but est clairement de faire sauter le système des quotas et donc le statu quo ethnique, le danger se précise.

1952 – Deuxième loi, toujours d’inspiration restrictive: le système des quotas s’ouvre à d’autres pays, mais les quotas sont limités, et le système lui-même est préservé, victoire d’arrière-garde des restrictionnistes.

1958 – Kennedy publie son livre A Nation of Immigrants – le livre est en réalité écrit par un Myer Feldman, un intellectuel juif.

1961 – Première grave entorse au système des quotas, le regroupement familial (family unification en américain), le regroupement familial marche même si le quota est déjà atteint, de plus, il est en cascade: un proche fait venir un proche qui fait venir un proche …

1965 –  Le système des quotas tombe, il n’y a plus qu’un quota global, régi par le principe du premier arrivé, premier servi.]

1 – La montée d’une élite essentiellement juive dans l’Amérique d’après-guerre et son influence sur la politique d’immigration.

Concernant l’anthropologie Boasienne, comme le faisait remarquer Gelya Frank (1997: 731), «La prépondérance des intellectuels Juifs dans les premières années de l’anthropologie boasienne, puis parmi les anthropologues des générations suivantes, a été constamment occulté par l’histoire officielle de la discipline». Boas et ses étudiants en majorité Juifs sont à l’origine des théories anti-raciales et de leur emprise dominante sur les campus des universités américaines. En 1919, Boas pouvait affirmer que désormais «la plupart des recherches anthropologiques contemporaines menées aux États-Unis étaient le fait de ses étudiants de l’université Columbia» (in Stocking, 1968:296). De fait, à partir de 1926, tous les grands départements d’anthropologie étaient tenus par des émules de Boas, la grande majorité d’entre eux étant Juifs.

2 – L’identité Juive à la poursuite de ses intérêts propres

L’analyse de l’influence juive passe nécessairement par la reconnaissance d’une identité juive à la poursuite de ses intérêts propres comme principe moteur de ses courants  et organisations.

Voici par exemple un petit échantillon des vues de Freud au sujet de l’identité juive comme  source du courant psychanalytique (Kevin MacDonald – Culture of Critic [CofC]:111). Dans une lettre de 1931, il se décrivait comme «passionnément – fanatiquement – Juif». Ailleurs, il écrit qu’il trouve «l’attraction du judaïsme et des Juifs proprement irrésistible avec toutes ses puissances obscures, d’autant plus puissantes qu’elles ne se laissent pas saisir par des mots. Il évoque les «pulsions inavouables liées à son identité et la forte conscience d’une identité intérieure secrètement partagée» (in Gay, 1988: 601).

…  Gay (1988: 601) pense que Freud était animé d’une croyance selon laquelle son identité résultait de son héritage phylogénétique [formée au cours de l’histoire vue comme un processus interne lamarckien – et non simplement parce que les autres le considéraient comme Juif] … Freud et ses condisciples avaient le sentiment d’une proximité raciale entre eux et d’une altérité radicale avec les non-Juifs (Klein, 1981: 142; voir aussi Gilman, 1993: 12f).

Il me semble que tout ceci témoigne bien de sa judéïté. Concernant son sens de l’intérêt juif, Freud faisait part de ses espoirs messianiques de voir se concrétiser un jour une «compréhension entre les Juifs et les antisémites sur la base de la psychanalyse» (in Gay, 1988: 231), une citation qui montre à l’évidence que la psychanalyse était vue par son fondateur comme un moyen de mettre un terme final à l’antisémitisme. Ce genre de considérations messianiques était courant chez les Juifs de cette Vienne fin de siècle qui cherchaient à faire advenir un monde «supranational et supra ethnique» (Klein, 1981: 29). Ces intellectuels «maquillaient ainsi souvent sous les traits d’un humanitarisme universel leur propre conception selon laquelle les Juifs étaient responsables du sort de l’humanité au XXe siècle» (Ibid.: 31).

3 –  Mariage Mixte [FG: passage sauté, il s’agit de faire remarquer que les Juifs évitent le mariage mixte plus que n’importe quelle autre ethnie aux USA, on sait d’ailleurs qu’il est légalement découragé en Israël, voir Israël, lois de citoyenneté et de protection du sang]

4 – Hypocrisie juive?

Naturellement, chacun comprendra que ces généreux principes universels sont susceptibles d’adaptation bien comprise au contexte et qu’il ne peut être question de les appliquer sans égard pour les éventuelles conséquences. L’ADL [Anti-Defamation League = assiciation juive équivalent de la Licra]  a ainsi récemment condamné Tucker Carlson, une personnalité du monde des médias américains, pour avoir évoqué le fait que les électeurs américains étaient remplacés par des immigrés, jugeant que ces propos relevaient «d’une position suprématiste selon laquelle la race blanche serait mise en danger par une marée inexorable de non blanc, une position particulièrement raciste, antisémite et toxique» (voir Moore, 2021). Carlson répliqua à brûle-pourpoint en dénonçant l’attitude de l’ADL sur le conflit israélo-palestinien et l’éventuelle solution à un seul État. Là comme par hasard, il est apparu de simple bon sens à l’ADL de déclarer que compte tenu des réalités présentes et du passif des antagonismes historiques, une solution à un État était  vouée à l’échec. Avec une natalité prolifique chez les Palestiniens, ajoutée à un éventuel retour des réfugiés et de leur descendance éparpillée dans le monde, les Juifs seraient rapidement mis en minorité dans leur propre pays, dans une telle situation, ils deviendraient politiquement – voire, physiquement – vulnérables. Il n’est donc pas réaliste et acceptable de s’attendre à ce que l’État d’Israël subvertisse de lui-même sa souveraineté et son identité sur son propre sol (ADL, n.d).

Étant donnée la longue histoire des tensions raciales en Amérique, la recrudescence actuelle des violences interraciales, la prééminence de courants de pensée critiques de la théorie des races qui passent leur temps à pathologiser les blancs dans les médias et le système éducatif, (DiAngelo, 2018; Kendi, 2019), il pourrait pourtant paraître tout aussi raisonnable de penser que la population blanche est également en train de devenir une minorité vulnérable.

5 – Le rôle des Juifs dans l’élaboration de la politique migratoire U.S.

L’objet principal de la CofC [Culture of Critique = la trilogie de Kevin MacDonald], c’est l’éclosion durant les premières années de l’ère qui s’est ouverte avec la fin de la Seconde Guerre mondiale d’une nouvelle élite de centre-gauche, essentiellement juive, qui investit progressivement tout le champ médiatique, universitaire et politique — ce dernier n’étant pas seulement influencé par les deux premiers, mais aussi par les largesses d’une puissance financière juive à son apogée. La destitution de l’ancienne élite White Anglo-Saxon Protestant (WASP) est un thème traité par Eric Kaufmann dans The Rise and Fall of Anglo-America (2004) (critiqué par MacDonald, 2015–16), et également traité par David Hollinger (1996: 4) dans une note sur «the transformation of the ethnoreligious demography of American academic life by Jews in the period from the 1930s to the 1960s» (la transformation de la démographie ethno-religieuse de la vie universitaire américaine par les Juifs de 1930 à 1960) et dans une note sur le poids de l’influence juive sur la tendance à la sécularisation de la société américaine et sur son évolution vers un idéal cosmopolite (11); Hollinger (1996: 160) souligne que «l’un des protagonistes majeurs de cette guerre culturelle qui faisait rage dans les années 40, c’était une intelligentsia sécularisée, essentiellement juive, résolument de centre-gauche, solidement retranchée dans les départements de philosophie et des sciences sociales».

Lipset et Ladd (1971), se fondant sur les données d’une enquête de 1969 portant sur 60 000 universitaires montrent que les années 60 auront été une période décisive qui a vu la montée d’une élite juive sur les campus des plus prestigieux établissements, une élite bien plus marquée à gauche que le reste des professeurs [non-Juifs]. Les Juifs représentaient environ 12 % des professeurs en général, mais environ 25 % des professeurs les plus jeunes (moins de 50 ans) dans les universités de l’Ivy League, des pourcentages bien plus élevés qu’au cours des décennies précédentes. De plus, ils étaient 75% à se déclarer de gauche ou «liberal» contre 40% pour les professeurs non-Juifs. Les professeurs Juifs approuvaient à une large majorité (59,1 %) l’activisme radical des étudiants des années 60, ils n’étaient que 40% chez les professeurs non-Juifs. Les universitaires Juifs étaient également plus susceptibles d’être en faveur d’un assouplissement des critères de sélection pour ouvrir l’université aux professeurs et étudiants des minorités.

Les universitaires Juifs étaient aussi plus largement publiés que les autres, dénotant une plus grande influence. Ce point est particulièrement important quand on sait que l’université est une institution fortement hiérarchisée: ceux qui tiennent le haut du pavé forment la génération suivante et ont la haute main sur la sélection des nouveaux professeurs (MacDonald, 2010). Par exemple, Herskovits (1953: 23) notait que «les quarante années sous la férule de Franz Boas à l’université Columbia ont assuré une continuité dans l’enseignement qui lui a permis de former une cohorte d’étudiants qui ont constitué le noyau dur de l’anthropologie américaine, lesquels, parvenus à maturité, ont dirigé tous les grands départements de leur discipline. À leur tour, ils ont formé des étudiants … qui ont continué d’essaimer dans la même veine.

CofC décrit en détail les composantes les plus significatives de cette nouvelle élite intellectuelle et universitaire de centre-gauche. L’analyse de la montée en puissance d’une telle vague ne peut pas se limiter à une seule question – fût-ce la politique d’immigration, cette vague affecte tout un ensemble de questions convergentes d’importance vitale pour les politiques publiques et qui ne peuvent être abordées séparément telles que: les droits civiques des Africains-Américains, les droits des femmes, la religion dans l’espace public (Cf.Hollinger secularization of American society), la légitimité de l’identité raciale blanche et de ses intérêts, le cosmopolitisme, la politique étrangère au Moyen-Orient et bien d’autres sujets encore en plus de l’immigration.

En réalité, toutes ces questions tournent autour d’un point central, la race, ont un cadre de discussion, la scène médiatique et universitaire et vont déboucher sur une victoire sans partage avec la promulgation des droits civiques en 1964 et les lois libérales sur l’immigration de 1965.

CofC retrace le rôle des intellectuels Juifs dans le radical changement de marée des opinions académiques liées à la race (Ch. 2) et la manière dont l’idéologie boasienne est devenue dominante dans les débats du Congrès de 1965 sur l’immigration (Ch. 7); comme indiqué ci-dessous, c’est au cours de cette période clé que cette idéologie raciale est devenue dominante dans les médias (Andrew Joyce, 2019)  –  à une époque où toutes les chaînes de télévision et les studios hollywoodiens appartenaient aux Juifs, marquant un tournant à 180 degrés par rapport à ce qui s’était passé dans les années 1920 qui avaient au contraire vu la victoire des arguments restrictionnistes basés sur la race, ces arguments étant alors portés et défendus par les magazines de premier plan et dans les livres grand public.

De la même façon, l’influence juive a été déterminante dans le mouvement des droits civiques durant les années critiques 1954-1968 (voir ci-dessous) et dans la sécularisation de la culture américaine: «Les organisations juives de défense des droits civiques ont eu un rôle historique dans les évolutions législatives et sur la politique de l’exécutif d’après-guerre» (Ivers, 1995: 2).

La seule chose qui pourrait sérieusement venir remettre en cause un pan important de ce que Cofnas [qui est Juif] appelle «le narratif antijuif», c’est tout ce qui concerne le rôle des Juifs dans la réorientation des lois d’immigration américaines. Il est tout à fait logique et légitime pour Cofnas, à la suite Hugh Davis Graham (2003), de replacer ces lois dans un contexte plus large, mais, comme indiqué ci-dessus et développé ci-dessous, ce contexte a tout autant été influencé par l’activisme juif. C’est d’ailleurs bien la thèse défendue par Graham (2003: 57) qui déclare: «La réforme de l’immigration n’est jamais que l’aboutissement d’un travail de longue haleine qui remonte aux années vingt de la part des organisations juives qui se sont constamment opposées à la logique des quotas ethniques …  Les responsables politiques Juifs de New York, en particulier le gouverneur Herbert Lehman, ont fait œuvre de  pionniers dans les années 1940 en faisant adopter par leur État une législation antidiscrimination sur un point crucial [en raison des dispositions sur les origines nationales de la loi de 1924 donnant la préférence à l’immigration en provenance du nord-ouest de l’Europe], en ajoutant «l’origine nationale» à la race, la couleur et la religion à la liste des motifs de discrimination inadmissibles».

De même, Otis Graham (2004) notait que «le noyau politique de la nébuleuse en faveur d’un assouplissement du régime d’immigration était composé de lobbyistes ethniques… prétendant parler au nom de toutes les nationalités qui avaient migré avant la loi sur les origines nationales de 1924, ce noyau était en réalité dominé par des Juifs d’Europe centrale et orientale, profondément inquiets de la montée du fascisme et de l’antisémitisme sur le continent et en quête permanente d’un refuge sûr» (voir aussi Graham, 2004: 67).

Ainsi, toute critique du travail de MacDonald sur l’immigration (CofC: Ch. 7) doit considérer si les Juifs ont eu ou non une influence importante sur le contexte élargi dont parle Graham (2003). Or, Cofnas ignore le rôle des intellectuels Juifs dans les bouleversements  des conceptions universitaires sur les races, il ignore la manière dont l’idéologie Boasienne est devenue dominante dans les débats au Congrès, il ignore toutes les pièces au dossier sur l’activisme juif en faveur de l’immigration entre 1890 et 1965 (CofC: 259–293), et il ignore tout de la synthèse de MacDonalds sur l’engagement des Juifs dans le mouvement pour les droits civiques des années cinquante et soixante (CofC: 255–258).

Justement, les pièces présentes dans  CofC sur l’activisme juif précédant la promulgation  de la loi sur l’immigration de 1924 ont été récemment corroborés par Daniel Okrent [un Juif]. La communauté des Juifs en provenance d’Allemagne, déjà installée en Amérique depuis un certain temps, malgré le dégoût que lui inspiraient ses propres cousins d’Europe méridionale et orientale, a joué un rôle majeur pour que la législation sur l’immigration leur reste favorable même alors que le grand public n’en voulait plus. C’est ainsi que le sénateur Henry Cabot Lodge, chef des restrictionnistes, a pu écrire à un ami durant la deuxième présidence de Grover Cleveland (1893-1897, 22e et 24e président des États-Unis): «Des influences [sur Grover Cleveland] ont été exercées hier que je vous expliquerai lors de notre rencontre et qui étaient très difficiles à déjouer»; il expliquait à un autre que «ces forces ne représentaient ni des entreprises ni des courants politiques (Cf. Okrent, 2019: 72). Pour Okrent il s’agissait «presque à coup sûr de membres de la riche et influente communauté juive en provenance d’Allemagne comme Jacob Schiff, lequel avait personnellement exprimé une demande à Grover Cleveland pour faire barrage au test d’alphabétisation» (Ibid). (Avant de se focaliser franchement sur les origines nationales, les restrictionnistes défendaient l’idée d’un test de langue comme moyen de juguler l’immigration). 

Un quart de siècle durant, l’IRL [Immigration Restriction League], avec à sa tête le sénateur Henry Cabot Lodge, a dû batailler pied à pied contre tout une série de puissantes organisations dominées par des riches Juifs d’Allemagne: «L’émergence dans les années 1890 de Juifs organisés, riches et largement pourvus en entregent qui avaient embrassé la cause des immigrants a représenté pour Lodge et ses partisans une opposition comme peu de Boston Brahmins avaient eu affaire jusque-là». (Okrent, 2019: 72, 73). [FG: Brahmanes de Boston = Super caste de Boston, héritière des premiers colons].

C’est sans doute en raison de cette opposition acharnée qu’il a fallu, en dépit d’une opinion publique qui se faisait de plus en plus pressante à partir de 1905, attendre les années vingt pour que l’immigration soit enfin régulée (Neuringer, 1971: 83).

Comme le rapporte Cohen (1972: 40f), les efforts de l’AJCommittee contre la restriction de l’immigration au début du XXe siècle constituent un exemple flagrant de la capacité des organisations juives à influencer les politiques publiques tout en ne constituant que l’infime couche supérieure de leur communauté.

De toutes les ethnies susceptibles d’être affectés par la législation sur l’immigration de 1907, ce sont les Juifs qui avaient le moins à gagner en termes de nombre d’immigrants potentiels, mais ce sont eux qui ont – et de loin – joué le plus grand rôle dans l’élaboration de la législation (Cohen, 1972: 41); les autres communautés d’immigrés n’étaient pas aussi organisées et revendicatives, ne serait-ce que parce que leur position sur le sujet était bien plus ambivalente (Neuringer, 1971: 83).

Dans la période qui a suivi et qui devait, suite à un nouvel assaut au Congrès des restrictionnistes qui n’avaient pas désarmé, déboucher sur la législation encore relativement inoffensive de 1917, «seuls les Juifs se sont mobilisés» (Cohen, 1972: 49).  

Il est important de bien comprendre que cette influence a joué alors que l’emprise juive n’avait encore rien à voir avec ce qu’elle sera après la Seconde Guerre mondiale et, a fortiori, avec ce qu’elle sera au moment des débats sur l’immigration des années 1960, époque à laquelle l’ancienne élite WASP n’était déjà plus que l’ombre d’elle-même, quasiment évincée par la nouvelle élite.

S’agissant de la bataille pour les droits civiques reconnue décisive par Hugh Davis Graham (2003) pour le passage des lois de 1965 sur l’immigration, l’activisme juif y a joué un rôle prépondérant. Durant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, c’est tout l’aréopage des organisations juives qui s’est mis en branle sur les questions afro-américaines, notamment l’AJCommittee, le Congrès juif américain (ci-après, AJCongress) et l’ADL. «Disposant d’un personnel professionnel, de bureaux parfaitement équipés, d’un savoir-faire éprouvé dans le domaine des relations publiques, elles avaient tout ce qu’il fallait pour faire la différence» (Friedman, 1995: 135). Au cours des années soixante, les associations de défense des droits civiques étaient financées aux deux tiers ou aux trois quarts par les Juifs (Kaufman, 1997: 110): «Leur soutien juridique et financier a été à l’origine de toute une série de victoires en faveur du mouvement des droits civiques». Il n’y a guère d’exagération dans les propos de cet avocat de l’AJCongress selon lesquels «La plupart de ces lois ont en fait été rédigées dans les locaux des agences juives, par des Juifs, mises à l’ordre du jour par des législateurs Juifs et votées sous la pression des électeurs Juifs» (Levering-Lewis, 1984: 94). » (CC : 256).

Il s’agissait d’un effort aux multiples facettes: contestation devant les tribunaux pour discrimination en matière de logement, de scolarité ou d’emploi public, propositions de loi en veillant à leur adoption par les organes législatifs et l’exécutif au niveau fédéral et au niveau des différents États, rédaction des messages à diffuser par les médias [voir aussi Joyce, 2019], programmes d’enseignement pour les étudiants et les professeurs, remodelage du discours universitaire. Comme souvent lorsque les Juifs font campagne sur les campus ou dans les instances politiques, la prépondérance de leur implication est masquée (par exemple, Svonkin, 1997: 45, 51, 65, 71-72). (CC : 257).

Couvrant la période de 1945 à 1965, les documents présentés dans CofC sont particulièrement édifiants quant à l’importance de l’activisme juif dans la création d’un contexte favorable à la remise en cause des dispositions de la loi de 1924 sur les origines nationales et dans le triomphe final du vote de la loi de 1965 qui ouvre les vannes de l’immigration (CC : 273–292). Je reprends ici brièvement ces documents en les organisant par thème et en les enrichissant des dernières recherches.

Remettre en cause les façons de penser sur les races

Les Juifs et leurs organisations ont été à la pointe du combat intellectuel visant à nier l’importance des différences raciales et ethniques dans les affaires humaines. Se plaçant dans la roue du succès de l’anthropologie boasienne qui dominait l’American Anthropological Association depuis les années 1920, ils vont façonner le contexte intellectuel qui va présider au succès de la loi de 1965 (CofC: Ch. 2; voir ci-dessus). De fait, «De par son message et de par son but, l’anthropologie boasienne était explicitement une science antiraciste» (Frank, 1997: 741).  

Comme John Higham (1984) le notait, l’ascendant pris par ces conceptions aura été capital dans la victoire finale contre le restrictionnisme. Commentant les débats de 1965, un journaliste du New York Times faisait remarquer que «les membres du Congrès ne voulaient pas avoir l’air de racistes» (dans Graham, 2004: 92).

Le nativisme avait été «dépouillé de sa respectabilité intellectuelle» (Bennett, 1995: 285). Il n’est donc pas surprenant que les idées boasiennes sur la race aient occupé une place importante dans les débats sur l’immigration entre 1945 et 1965.

Par exemple, dans une déclaration de 1951 au Congrès, l’AJCongress déclarait: «Les découvertes de la science doivent forcer même les plus bornés à admettre, comme ils le font de la loi de la gravité, que l’intelligence, la moralité et le caractère n’ont aucun rapport que ce soit à la géographie ou au lieu de naissance» (Déclaration de AJCongress, Joint Hearings Before the Subcommittees of the Committees on the Judiciary, 82nd Congress, 1st Sess., on S. 716, H.R. 2379, and H.R. 2816. 6 mars – 9 avril 1951, 391).

La déclaration se poursuivait par des citations de certains des écrits les plus connus de Boas et de son protégé, le professeur de Princeton, Ashley Montagu, sans doute l’opposant le plus en vue à l’époque du concept de race (Déclaration de l’ AJCongress, Joint Hearings Before the Subcommittees of the Committees on the Judiciary, 82nd Cong., 1st Sess., on S. 716, H.R. 2379, and H.R. 2816. 6 mars – 9 avril 1951, 402–403).

Montagu, dont le nom à l’origine était Israel Ehrenberg, se permettait de professer dans la période qui a immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale [au cours de laquelle 70 à 85 millions de personnes ont été tuées] que les humains sont naturellement coopératifs et dépourvus d’agressivité, qu’il existe une fraternité universelle entre eux (voir Shipman, 1994, 159f).

En 1952, Margaret Mead, autre protégée de Boas, témoignait devant la Commission présidentielle sur l’immigration et la naturalisation (ci-après PCIN) (1953: 92) que «tous les êtres humains dans toutes les sociétés ont les mêmes potentialités. … que les recherches anthropologiques les plus avancées démontrent que toutes les collectivités humaines présentent à peu près la même répartition de potentialités.

Un autre témoin déclarait que le conseil exécutif de l’American Anthropological Association avait approuvé à l’unanimité la proposition selon laquelle «toutes les preuves scientifiques indiquent que tous les peuples sont intrinsèquement capables d’acquérir ou de s’adapter à notre civilisation» (PCIN, 1953: 93).

En 1965, le sénateur Jacob Javits [un Juif] (Congressional Record 111, 1965: 24469) pouvait annoncer en toute sérénité au Sénat lors du débat sur le projet de loi sur l’immigration que «Tant les impératifs de notre conscience que les théories sociologiques nous disent que l’immigration, telle qu’elle est abordée dans le système des quotas par origine nationale, est fautive et qu’elle ne repose sur aucun fondement rationnel ou factuel, nous savons bien qu’il est absurde de prétendre qu’un homme vaut mieux qu’un autre à cause de la couleur de sa peau». La révolution intellectuelle et sa traduction dans les politiques publiques étaient parvenues à leur terme (CofC: 253–254).

De plus, même la stratégie anti-restrictionniste d’Oscar Handlin, l’éminent historien de Harvard et intellectuel discuté plus en détail ci-dessous, intégrait à sa manière la révolution raciale en sciences sociales, il maintenait certes «qu’il était possible et nécessaire de faire la distinction entre les «races» d’immigrants qui réclamaient l’admission aux États-Unis » (Handlin, 1952: 4) – mais en encadrant de guillemets prophylactiques le mot «races», dans le droit fil des vues boasiennes, sapant par là toute base intellectuelle de l’ethnocentrisme blanc (Une priorité majeure de l’École de Francfort [CofC: Ch. 5]).

Écrivant dans Commentary (la revue de l’AJCommittee), Petersen (1955) citait un groupe de spécialistes des sciences sociales à prédominance juive dont les travaux, à commencer par le plaidoyer d’Horace Kallen (en 1915 et 1924) en faveur d’une société multiculturelle et pluraliste, «constituent un début de légitimation universitaire d’une politique d’immigration différente qui aura peut-être un jour force de loi»(86).

                              

Horace Kallen 1882 – 1974

Le cercle comprenait également l’historien de Harvard Richard Hofstadter qui a joué un rôle déterminant en donnant des populistes de l’Ouest et du Sud (dont le soutien était essentiel aux restrictionnistes en 1924 et 1952) l’image d’antisémites irrationnels; il  condamnait leur volonté de «maintenir une civilisation yankee homogène» (Hofstadter, 1955: 34) et il développa l’approche «consensuelle» de l’histoire, caractérisée par Nugent (1963: 22) comme «ayant dans leur collimateur tout mouvement populaire qui aurait la prétention de menacer la prééminence d’une intelligentsia ou d’une élite urbaine, souvent universitaire, et l’utilisation de concepts issus des sciences du comportement».

 Les intellectuels de New York étaient emblèmatiques de cette élite (CofC: Ch. 6). Par exemple, la très influente revue de gauche Partisan Review était la vitrine principale des «Intellectuels de New York, un groupe dominé par des rédacteurs et des contributeurs ayant une identité ethnique juive et une profonde aversion des institutions politiques et culturelles américaines» (Cooney, 1986 : 225f; Shapiro, 1989; Wisse, 1987) …

Ils se considéraient comme des réprouvés marginalisés – une version moderne de l’ostracisation des Juifs traditionnellement observée dans la culture des gentils. «Ils n’avaient pas le sentiment d’appartenir à l’Amérique ou que l’Amérique leur appartenait» (Podhoretz, 1967: 117; souligné dans l’original). C’était à tel point qu’un chroniqueur New-Yorkais a fini par demander (Podhoretz, 1967: 283) si le clavier de Partisan Review disposait d’une touche spéciale pour le terme «aliénation» (CofC: 216–217).


Enfin, Joyce en 2019, rapporte une campagne principalement à l’initiative de Samuel H. Flowerman, directeur de recherche de l’AJCommittee et affilié à l’Institut de recherche sociale de l’École de Francfort (voir CofC : Ch. 5), pour influencer l’opinion publique dans les médias américains après la Seconde Guerre mondiale. Flowerman a coédité avec Max Horkheimer (directeur de l’Institute for Social Research) la très influente série Studies in Prejudice [études sur les préjugés et les discriminations], publiée par l’AJCommittee. Il a en outre constitué tout un réseau d’intellectuels Juifs et de spécialistes des sciences sociales, dont beaucoup occupaient des postes importants dans les universités et les médias (à une époque où les studios d’Hollywood, toutes les chaînes de télévision américaines et les journaux influents [par exemple, le New York Times et le Washington Post] appartenaient à des Juifs).

Tous ses efforts visaient à dominer les communications de masse américaines afin de «chambouler les normes de l’endo-groupe blanc – de façon à ce que ce soit cet endo-groupe blanc lui-même qui commence à exercer une pression en son propre sein à l’encontre de l’ethnocentrisme de ses membres; c’était «une vaste entreprise collective juive qui avait pour unique objectif de faire sauter les verrous de l’opinion publique blanche américaine et de l’altérer du tout au tout» (Joyce, 2019:6, 11; voir, par exemple, Flowerman, 1947).

Organiser l’Antirestriction

Les associations juives ont organisé, dirigé, financé et réalisé la plupart des actions des grandes organisations antirestrictionnistes de 1945 à 1965, notamment la Ligue nationale libérale pour l’immigration, le Comité des citoyens pour les personnes déplacées, la Commission nationale sur l’immigration et la Citoyenneté, la Conférence conjointe sur la législation étrangère, la Conférence américaine sur l’immigration et le PCIN. «Toutes ces associations ont planché sur les lois sur l’immigration, diffusé des informations au public, présenté des témoignages au Congrès et planifié toutes sortes d’activités propices … Il n’y a eu aucun résultat immédiat ou spectaculaire, mais la campagne assidue [de l’AJCommittee] en collaboration avec des organisations partageant les mêmes idées a finalement poussé les administrations Kennedy et Johnson à agir (Cohen, 1972: 373).

Concernant le PCIN [President’s Commission on Immigration and Naturalization instaurée par Harry Truman le 4 septembre 1952, executive order 10392]:

L’AJCommittee s’est également fortement impliquée dans les délibérations du PCIN (instaurée par le président Truman), notamment en produisant des témoignages et en fournissant des documents aux personnes et organisations témoignant devant le PCIN (Cohen, 1972: 371).

Toutes ses recommandations ont été incluses dans le rapport final (Cohen, 1972: 371), y compris celles concernant une moindre pondération des compétences économiques comme critères d’immigration, l’abandon pur et simple du système des quotas par nationalité, l’ouverture de l’immigration à tous les peuples du monde en suivant une simple logique de «premier arrivé, premier servi», la seule entorse du rapport de la PCIN étant qu’elle a opté pour un niveau d’immigration global moindre que ce qui était préconisé par l’AJCommittee (CofC: 281). 

Le président du PCIN en était Philip B. Perlman [un Juif], la commission comportait en outre une forte proportion de Juifs, elle était dirigée par Harry N. Rosenfeld (directeur exécutif) assisté d’Elliot Shirk.

Son rapport a été approuvé sans réserve par l’AJCongress (voir Congress Weekly 12 janvier 1952: 3). Les actes ont été imprimés sous la forme du rapport Whom We Shall Welcome (PCIN, 1953) avec la coopération du représentant Emanuel Celler [Juif] et avec un essai d’Oscar Handlin, l’activiste universitaire Juif (voir ci-dessous).

Oscar Handlin

Enrôler des non Juifs dans le projet

Un effort particulier était consenti par ces organisations au recrutement de non Juifs sympathisants et bien en vue. Du fait que les Juifs ne constituent qu’une faible minorité dans les sociétés occidentales, ils veillaient en permanence, depuis au moins le début du XXe siècle, à s’associer des non Juifs puissants et influents pour leurs entreprises (MacDonald, 1998b/2003 : Ch. 6). Par exemple, en 1955, l’AJCommittee a monté un groupe de citoyens influents sous le nom de Commission nationale sur l’immigration et la citoyenneté, la plupart des membres étant des non Juifs, «afin d’apporter un certain prestige à la campagne» (Cohen, 1972: 373). «Pour porter les changements politiques, les associations juives ont lancé une campagne ambitieuse de parution et de diffusion (de livres ou de brochures) et pour enrôler des politiciens de premier plan favorables à une immigration soutenue» (Tichenor, 2002: 205).

Une de leurs plus grandes réussites aura été de s’attacher les services du sénateur et futur président John F. Kennedy qui mettra en 1958 son nom en couverture du célèbre A Nation of Immigrants. Autre recrue de choix, le sénateur et futur vice-président et candidat démocrate à la présidentielle, Hubert Humphrey, avec son livre paru en 1954: Stranger at Our Gate (Tichenor, 2002: 205).

Kennedy a été recruté par l’ancien directeur national de l’ADL Ben Epstein (Greenblatt, 2018), le livre a été publié par l’ADL qui a également fourni pour le projet l’historien Arthur Mann (doctorant d’Oscar Handlin à Harvard [Ngai, 2013]) (Graham, 2004: 82), le livre lui-même n’a pas été écrit par Kennedy mais par Myer Feldman, par la suite une des éminences grises de l’administration Kennedy/Johnson (Tichenor, 2002: 205).

Néanmoins, malgré son importance évidente pour la communauté juive engagée, les parrains les plus en vue de la loi de 1965 «ont tout fait pour minimiser son importance dans le discours public. Les responsables politiques nationaux étaient bien conscients que le grand public était opposé à une augmentation du volume ou de la diversité de l’immigration aux États-Unis … [Cependant,] en réalité, ces soi-disant petits ajustements législatifs du milieu des années 1960 ont reconfiguré du tout au tout les schémas d’immigration, et, du même coup, la nation. Les années qui ont suivi l’adoption de la loi voyaient une forte augmentation des admissions» (Tichenor, 2002: 218). Tichenor note que les avalanches migratoires (voir ci-dessous) et la diversité ethnique des immigrés ont modifié à jamais les États-Unis.

Rejeter le statu quo ethnique mis en place par les lois sur l’immigration de 1924 et 1952

Même en remontant à la bataille sur la loi sur l’immigration de 1924, on voit que les militants Juifs se sont en fait toujours explicitement opposés à un statu quo ethnique lors des audiences du Congrès. «À une époque où la population des États-Unis dépassait à peine les 100 millions d’habitants, [Louis Marshall, avocat influent associé à l’AJCommittee et chef des forces de lobbying anti-restrictionnistes] déclarait: «Il y a de la place dans ce pays pour dix fois sa population actuelle»; il préconisait l’accueil de tous les peuples du monde sans limite de quota, à la seule exclusion des individus qui «étaient mentalement, moralement et physiquement inaptes, hostiles au gouvernement organisé, ou encore, susceptibles de devenir des charges publiques» (CofC: 263).

       

Louis Marshall

De même, le rabbin Stephen S. Wise, représentant l’AJCongress et diverses autres organisations juives lors des audiences de la Chambre sur la loi de 1924, revendiquait «le droit de tout homme en dehors de l’Amérique d’être considéré de manière juste et équitable et sans discrimination» (Ibid. ).

Le rabbin  Stephen S. Wise

Graham (2004: 80) note que le lobby juif de l’immigration «ne visait pas seulement à ouvrir les portes aux Juifs, mais visait aussi à une diversification suffisante des flux pour en finir avec le statut majoritaire des Européens de l’Ouest et diminuer ainsi le risque d’un régime fasciste». Le rôle moteur de la peur et de l’insécurité était spécifique à la communauté juive, on ne le retrouvait pas dans d’autres milieux prônant la fin des dispositions sur les origines nationales des lois de 1924 et 1952; une telle vision impliquait de changer l’équilibre ethnique des États-Unis. On retrouve bien cette appréhension de la communauté juive dans ce qui suit:

Svonkin (1997:8f) montre qu’un sentiment de méfiance et d’insécurité continuait d’imprégner la communauté juive américaine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale – même devant l’évidence que l’antisémitisme avait décliné au point de n’être plus qu’un phénomène marginal. La conséquence immédiate en était que «l’objectif principal des officines intracommunautaires [à savoir l’AJCommittee, l’AJCongress et l’ADL] après 1945 était … d’empêcher l’émergence d’un mouvement de masse réactionnaire antisémite aux États-Unis». (Svonkin, 1997: 8).

Écrivant dans les années 1970, Isaacs (1974: 14f) évoque une appréhension diffuse et une hypersensibilité chez les Juifs à propos de tout ce qui pourrait être considéré comme antisémite. Interviewant des «personnalités publiques» au sujet de l’antisémitisme au début des années 1970, Isaacs demandait: «Pensez-vous que cela pourrait arriver ici?» «Il n’a jamais été nécessaire de définir le «cela» en question». Presque toujours, la réponse était à peu près la même: «Si on connaît tant soit peu l’histoire, on ne peut que s’y attendre», ou «Ce n’est pas une question de si; c’est une question de quand» (Isaacs, 1974: 15).

Bien après l’adoption de la loi de 1965, l’éminent sociologue et militant Juif Earl Raab se montrait très satisfait du succès rencontré par la politique d’immigration américaine dans la modification du paysage ethnique des États-Unis. Il notait pour une revue communautaire que les Juifs y avaient joué un rôle de premier plan (Raab, 1993: 17). Enfonçant le clou, il faisait remarquer que «cette hétérogénéité ethnique toujours plus grande était un gage contre l’émergence d’un parti populiste extrémiste» (Raab, 1995: 91).

Cette crainte que les blancs puissent un jour se retourner contre les Juifs a donc persisté longtemps après l’adoption de la loi de 1965. Elliott Abrams (1999: 190) notait que «la communauté juive américaine ne démord pas de ce qui n’est au fond qu’une vision noire de l’Amérique: un terreau fertile sur lequel l’antisémitisme peut ressurgir à tout moment».

Earl Raab

En 1952, la PCIN faisait observer que si la législation de 1924 avait réussi à maintenir le statu quo racial, ce n’était pas tant en vertu du système des origines nationales, car il y avait déjà des niveaux élevés d’immigrants hors quota (principalement des réfugiés européens du communisme), tandis que dans le même temps, les pays d’Europe du Nord et de l’Ouest, eux, ne remplissaient pas les leurs. Le rapport estimait que le principal obstacle à la modification du statu quo racial était en réalité la limitation du niveau global de l’immigration.

Le [PCIN] considérait donc la modification du statu quo racial aux États-Unis comme un objectif souhaitable et, à cette fin, insistait sur l’urgence qu’il y avait à donner la priorité à  l’augmentation du volume d’ensemble de l’immigration. (PCIN, 1953: 42). Comme Bennett le note (1963:164), aux yeux de la PCIN [dont on a vu plus haut la composition], les restrictions de la législation de 1924 portant sur le nombre d’immigrants «étaient indéfendables étant donné qu’il était scientifiquement prouvé qu’une race n’était pas meilleure qu’une autre – que ce soit dans l’optique de l’obtention la citoyenneté américaine ou pour tout autre visée». En conséquence, les défenseurs de la législation de 1952 [restrictionnistes] ont détourné la question raciale en l’amenant sur le terrain des  antagonismes ethniques qu’il s’agissait d’éviter.

Le sénateur Pat McCarran déclarait que renverser le système des origines nationales «reviendrait à changer en une génération la composition ethnique et culturelle de cette nation» (dans Bennett, 1963: 185) – ce qui en effet n’a pas manqué d’arriver. (CC : 281)

[Voici une citation édifiante de Pat McCarran qu’on trouve sur Wiki:

«Je pense que cette nation est le dernier espoir de la civilisation occidentale, et si cette seule oasis qui reste au monde venait à être envahie, pervertie, contaminée ou détruite, alors c’est la flamme vacillante de la dernière chandelle de l’humanité qui s’éteindra. Je ne conteste pas ceux qui louent les contributions apportées à notre société par des personnes de différentes races, de croyances et de couleurs diverses. L’Amérique est en effet à la confluence de nombreux ruisseaux qui forment un fleuve puissant que nous appelons la voie américaine. Mais nous avons aujourd’hui aux États-Unis des blocs non assimilés, des noyaux durs qui ne se sont pas intégrés au mode de vie américain, qui, au contraire, en sont les ennemis mortels. Aujourd’hui, comme jamais auparavant, des millions de personnes prennent d’assaut nos portes pour être admises et ces portes menacent de céder sous la pression. La solution des problèmes de l’Europe et de l’Asie ne passera pas par une transplantation massive de ces problèmes aux États-Unis… Je ne veux pas jouer les prophètes, mais si les adversaires de ce projet de loi réussissaient à le tailler en pièces, ou à la dénaturer jusqu’à la rendre méconnaissable, ils auront alors contribué à précipiter la chute de cette nation plus que toute autre faction depuis que nous avons obtenu notre indépendance».]

Comme indiqué ci-dessus, Cong. Emanuel Celler [Juif] a participé à la publication du rapport Whom We Shall Welcome (PCIN, 1953) qui considérait le changement de l’équilibre ethnique des États-Unis comme un objectif souhaitable. Cofnas (2021) conteste cependant l’univocité sans nuances des intentions de la PCIN en relevant que «Même les rapporteurs de la loi ont été pris au dépourvu par certaines de ses conséquences immédiates. Selon Graham (2003: 94-95): «Emanuel Celler, lui-même, troublé par la forte baisse de l’immigration européenne, a présenté un projet de loi pour permettre une plus grande immigration en provenance d’Irlande, de Grande-Bretagne et des pays scandinaves, qui, selon lui, avaient été désavantagé» par son propre texte».

Cependant, étant donné la substance du rapport de la PCIN et l’implication de Celler dans sa publication, il est difficile de croire que Celler n’a pas lui aussi préconisé de modifier l’équilibre ethnique des États-Unis. Le fait que Celler ait voulu augmenter l’immigration en provenance de certaines parties de l’Europe n’est en rien incompatible avec cela.
On serait beaucoup plus convaincu si Celler avait préconisé une loi réaffirmant explicitement le statu quo ethnique – c’est ni plus ni moins ce que faisaient dans leur préambule les lois de 1924 et 1952, des lois auxquelles il s’est farouchement opposé pendant plus de quarante ans. Se débarrasser du système des quotas par origine nationale n’était qu’un préalable au changement du statu quo ethnique, Celler en était bien conscient. Il ne resterait plus aux successeurs qu’à relever le nombre absolu d’immigrants, tout comme le préconisait la PCIN, et c’est bien ce qui a fini par se produire.

Autre élément trahissant un consensus juif sur cette question, l’AJCongress, la plus grande organisation juive américaine à l’époque, témoignait lors des audiences du Sénat sur la loi de 1952 en affirmant que si la législation de 1924 avait réussi à préserver l’équilibre ethnique des États-Unis, «Cela ne lui donnait pas pour autant une quelconque valeur. Il n’y avait rien de sacro-saint dans la composition de la population en 1920. Il serait absurde de croire que nous avions atteint le sommet de la perfection ethnique cette année-là» (Joint Hearings Before the Subcommittees of the Committees on the Judiciary, 82nd Cong., 1st Sess., on S. 716, H.R. 2379, and H.R. 2816, 6 mars – 9 avril 1951, 410).

Dans le même temps le Congress Weekly, le bulletin de l’AJCongress, dénonçait régulièrement les dispositions relatives aux origines nationales comme fondées sur le «mythe de l’existence de souches raciales supérieures et inférieures» (17 oct 1955: 3) et prônait l’immigration «en fonction des besoins et sur des critères sans rapport avec la race ou l’origine nationale» (4 mai 1953: 3).

Le Dr Israel Goldstein (1952a: 6), président de l’AJCongress, écrivait que «le système des quotas nationaux était devenu scandaleux … alors que toute notre expérience nationale avait confirmé sans aucun doute possible que notre force réside dans la diversité de nos peuples» (Goldstein, 1952b: 5), une déclaration qui anticipait l’actuel mantra récité

par l’establishment tant universitaire que médiatique et politique américain: «La diversité est notre plus grande force».

De grandes figures juives connues du public, tels que Oscar Handlin, historien à Harvard, publiaient des livres et des articles proimmigration (par exemple, The Uprooted [1951/1973]). L’article de Handlin (1952), La lutte pour l’immigration ne fait que commencer, est paru dans Commentary (publié par l’AJCommittee) peu de temps après que le Congrès contrôlé par les démocrates ait annulé le veto du président Truman à la loi restrictive de 1952 [FG: situation complexe, Truman était Democrat, mais les Democrats étaient divisés en deux camps, celui emmené par le rapporteur de la loi Pat McCarran, très restrictionniste, et celui emmené par Emanuel Celler, le Juif auteur du rapport antirestrictionniste de la PCIN, la commission présidentielle mise en place par Truman sur l’immigration, Truman, évidemment, était du côté de la commission qu’il avait mise en place, d’où son veto à la loi restrictionniste de 1952]

Dans un commentaire bien révélateur du leadership juif des forces pro immigration et du relatif désintérêt des autres minorités arrivées au début du siècle (voir ci-dessus Neuringer, 1971: 83) Handlin se plaignait de l’apathie des autres «Américains à trait d’union», peu enclin à se joindre à la bataille de l’immigration [FG: «Américains à trait-d’union», par exemple,  Afro-Américain, Italo-Américain etc. mais justement, comme d’habitude, les Juifs ont exigé un traitement à part en refusant que soit placé un trait d’union entre Juif et Américain le commentaire de Handlin n’est donc pas tout à fait logique sur ce point!].

Handlin utilisait sans cesse un «nous» comme par exemple dans: «Si nous ne pouvons pas battre [Sen. Pat] McCarran et ses acolytes avec leurs propres armes, nous pouvons du moins nous arranger pour réduire à néant l’efficacité de ces armes» (4). Ce «nous» trahissait sa conviction que toute la communauté juive partageait un fort intérêt pour une libéralisation de la politique d’immigration et qu’elle devait rester optimiste et combative pour faire en sorte que la loi de 1952 s’émousse progressivement dans son application jusqu’à finalement être remplacée par une nouvelle. C’est cette érosion de la loi de 1952 qui est évoquée par Graham (2003) et utilisée par Cofnas comme cadre général de la loi de 1965. [FG: mais on le voit, ce «cadre général», se restreint en fait aux Juifs]

Handlin rejetait sans équivoque l’idée d’un statu quo ethnique, estimant qu’il était «illusoire [de s’attendre à] ce que la composition de la population américaine reste telle qu’elle est» (Handlin, 1947: 6). Jamais il ne s’est donné la peine de répondre aux justifications avancées par les restrictionnistes en 1924, voici comment il résumait leur position: «Les hordes de races inférieures, qui affluaient alors librement dans le pays au mépris total des dernières prescriptions de l’hygiène raciale [une référence aux théories de la différence raciale courantes parmi les élites et largement propagées par les médias populaires dans les années 1920], se mêlaient à tout va avec les Anglo-saxons, produisant inévitablement une détérioration de l’espèce» (1951/1973: 257).

Handlin laissait donc délibérément de côté le véritable argument utilisé par les restrictionnistes lors des débats du Congrès de 1924 – et selon lequel le système des quotas par origine nationale était équitable pour toutes les minorités du pays puisqu’il maintenait le statu quo ethnique (CofC: 263), avec l’idée sous-jacente, parfaitement défendable dans une perspective évolutive, que chaque minorité cherchera toujours à défendre ses propres intérêts en matière d’immigration: c’est ce qu’on observe dans les tiraillements entre Palestiniens et Juifs en Israël sur un droit de retour des Palestiniens).

Handlin était une figure clé des années qui ont précédé l’adoption de la loi de 1965. Ngai (2013) a souligné son importance en ces termes:

La pensée de Handlin aura été à la fois un reflet et un aiguillon de l’évolution de la politique d’immigration dans la période d’après-guerre. On peut lui attribuer le mérite d’avoir popularisé une nouvelle interprétation de l’histoire américaine, celle qui  faisait de l’immigration le cœur du développement économique et démocratique américain. En créant sa théorie normative de l’histoire, il fondait le cadre pour une réforme politique immédiate. Cette théorie n’est autre que celle que nous appelons communément «une nation d’immigrants» – elle a perduré pendant plusieurs générations dans le discours savant et populaire, et perdure sans doute encore aujourd’hui. (Ngaï, 2013, 62)

Ses contributions et ses efforts de longue haleine visant à abroger le système des quotas migratoires par origine ne doivent pas être sous-estimés. Ses écrits – universitaires ou journalistiques –  ont fourni une épistémè de la réforme, un cadre et une logique pour critiquer l’ancienne politique et définir les contours de la nouvelle.

Handlin n’a pas seulement donné voix et légitimité aux minorités ethniques euro-américaines en tant que telles, il leur a également donné une place centrale dans l’histoire américaine en soutenant que le pluralisme et ce qu’on appelle aujourd’hui «le vivre ensemble» étaient les piliers de la démocratie américaine. Le programme de réforme n’était donc pas seulement une question d’intérêt politique immédiat, c’était aussi une mission historique perçue comme le telos de la démocratie américaine et de l’américanisme après la Seconde Guerre mondiale. (Ngai, 2013, 65)

Grignoter le Statu Quo ethnique au cœur des lois migratoires de 1924 et 1952

Jusqu’à la loi de 1965, la plupart des migrants hors quota étaient des réfugiés du communisme. Ces migrants étaient majoritairement des non Juifs de Russie, de Pologne et de Tchécoslovaquie (Graham, 2003: 54), ils avaient profité de la soupape de sécurité que leur offrait «la loi des années 1920» – en cas de tension politique ou ethnique dans le pays d’origine, pour s’assimiler à la culture américaine. (Graham, 2003: 48).

Dans les années 1950, ces flux européens qui s’assimilaient au fur et à mesure n’étaient pas considérés comme modifiant l’équilibre démographique du pays – même s’il s’agissait  de réfugiés d’extrême gauche (également persécutés pa les communistes): dans les années vingt, l’Amérique se défiait de ces derniers comme de la peste (en particulier en ce qui concerne les immigrants Juifs [CofC: Chs. 3 & 7]).

Les Américains étaient heureux de les accueillir parce qu’ils étaient considérés comme affirmant la supériorité de la culture américaine sur le communisme pendant la guerre froide; par exemple, la persécution du cardinal hongrois József Mindszenty (qui a vécu à l’ambassade américaine à Budapest pendant 15 ans avant d’être exilé) a énormément touché les Américains, en particulier les catholiques.

Ainsi, en pratique, les flux migratoires des années cinquante auront été très éloignés du profil de l’immigration après 1965. Bien que l’immigration des années 50 reflétait une nette évolution des attitudes qui prévalaient dans les années 1920, la logique était loin de celle de l’immigration post-1965 dont la règle principale était qu’aucune justification n’était nécessaire – même les compétences nécessaires au pays n’avaient qu’une faible priorité.

Mais déjà en 1961, il y avait eu une loi qui était une sérieuse entorse au principe des quotas: la loi sur le regroupement familial [Family unifcation en américain]. Le concept n’était pas nouveau, le regroupement familial était au cœur des préoccupations juives sur l’immigration dès 1924 (Neuringer, 1971: 191)  —  un point bien souligné par le  Rep. Francis Walter, le chef des restrictionnistes à la Chambre lors des débats de 1952, en parlant du rôle particulier que les organisations juives avaient joué en tentant de favoriser le regroupement familial plutôt que les compétences spéciales comme base de la politique d’immigration américaine (Congressional Record 13 mars 1952 : 2284).

Au sujet du regroupement familial instauré par la législation sur l’immigration de 1961, Bennett (1963: 244) disait que «le principe du regroupement familial est devenu le «sésame ouvres-toi» de l’immigration».

Bennett (1963: 256) notait également que «l’extension indéfinie du statut hors quotas pour les immigrants des pays où ils étaient largement dépassés parce que fortement discriminés et pénalisés [par la loi McCarran-Walter de 1952], ajoutée aux dispenses administratives, à l’interprétation toujours plus large des statuts et aux projets de loi en cours d’élaboration suffisaient à accélérer et à rendre manifestement ineluctable un bouleversement du paysage ethnique de la nation (257).

La loi de 1961 était taillée sur mesure pour augmenter le nombre d’immigrants car elle autorisait la «migration en cascade» des membres de la famille en autorisant le regroupement familial sans limite de quotas [«en cascade»: on fait venir son épouse, l’épouse fait venir son frère etc.]. «La préférence familiale aura été un puissant levier pour les nouveaux arrivants qui laissait les Américains «de souche» désarmés et sans prise sur  l’avenir du pays – désormais passé aux mains des migrants. (Graham, 2004: 91) (Tout simplement parce que les citoyens dont la famille remontait à plus d’une génération ou deux – et a fortiori  les Américains de souche fondatrice – n’avaient  plus que peu ou pas de parents proches vivant à l’étranger).

Emprise sur le Congrès et l’Exécutif

Les Juifs étaient à la pointe du combat antirestrictionnistes au Congrès et ont joué un rôle important de par leur place dans l’exécutive. Au Congrès, parmi les personnalités les plus notables, on trouvait le Rep. Celler (également chef de file des forces antirestrictionnistes lors des débats du Congrès de 1924) et les Sen. Jacob Javits et Herbert Lehman, tous des membres éminents de l’ADL. Après avoir noté le leadership des Juifs au Congrès, Graham (2003: 57) note que «moins visibles, mais tout aussi importants, il y avait tout le travail des conseillers clés du personnel présidentiel et des agences. Ceux-ci comprenaient des conseillers politiques d’envergure tels que Julius Edelson et Harry Rosenfeld dans l’administration Truman, Maxwell Rabb à la Maison-Blanche du temps d’Eisenhower et l’assistant présidentiel Myer Feldman [qui, comme indiqué, était le nègre de Kennedy pour la rédaction du  A Nation of Immigrants], secrétaire d’État adjoint d’Abba Schwartz et procureur général adjoint de Norbert Schlei dans l’administration Kennedy-Johnson». Schlei était en outre le chef du bureau de l’avocat général du ministère de la Justice de 1962 à 1966 et le personnage le plus important dans la rédaction du projet de loi sur l’immigration de 1965 (New York Times, 2003). Graham (2004: 88) mentionne également Feldman, Schlei et Schwarz, comme des personnalités importantes dans les questions liées à l’immigration sous l’administration Kennedy-Johnson.

Consensus juif sur la politique d’immigration

Tout au long de cette période, les attitudes antirestrictionnistes étaient partagées par la grande majorité de la communauté organisée – «des croyants aux athées, de l’extrême droite à l’extrême gauche» pour reprendre les paroles du juge Simon Rifkind lors de son audition au Congrès en 1948 en tant que représentant d’une longue liste de groupes juifs nationaux et locaux

Cofnas (2018, 2021) soutient qu’en raison de leurs capacités intellectuelles, les Juifs ont toujours été fortement surreprésentés des deux côtés de diverses questions.

Ce n’était absolument pas le cas de l’immigration tout au long de la période critique qui s’est achevée en 1965 par l’abrogation des dispositions sur les origines nationales des lois de 1924 et 1952 – et même encore longtemps après. Jamais je n’ai trouvé d’organisation ou de personnalités juive à la tête des forces favorables aux lois de 1924 et de 1952 – ou opposées à la loi de 1965 au moment où elle a été promulguée.

Joyce (2021) montre le rôle puissant et continu des Juifs dans le combat pro immigration aux États-Unis dans la période contemporaine,  et, comme indiqué ci-dessus, qu’il existe encore à présent un substantiel consensus juif sur l’immigration.

 

Conclusion

J’en conclus que les Juifs à la tête de leurs organisations étaient une condition nécessaire pour faire passer la loi sur l’immigration de 1965. Comme toujours, l’activisme juif visait les institutions d’élite et les personnalités politiques, le changement se produisant finalement d’une manière descendante qui ne reflétait pas les attitudes de la plupart des Américains.

Comme le note Graham (2004: 88), «La question de l’immigration, a vu émerger un scénario désormais classique dans le débat public: des faiseurs d’opinion de l’élite choisissant un problème et une solution politique libérale, tandis que l’opinion populaire vent debout contre, mais informe et marginalisée, était vouée à la défaite.

6 – Questions annexes

Pourquoi les Juifs sont gauchistes?

[FG: passage sauté, il s’agit surtout pour Kevin MacDonald de contrer l’explication donnée de ce fait pour Cofnas:

Pour Cofnas, qui est Juif, les Juifs sont de gauche – malgré leur argent –  en tant qu’éternels opprimés, persécutés, rejetés etc.

Pour Kevin MacDonald, c’est quasiment tout le contraire, les Juifs sont gauchistes au sens révolutionnaire du terme parce qu’ils doivent forcément reformater les sociétés hôtes et en particulier casser les nationalismes et les peuples: voir tout ce qui précède dans l’article]

Le pourcentage de Juifs dans une société est-il essentiel au succès de leur activisme?

Cofnas (2021) note que les sociétés occidentales comme la Suède avec un très faible pourcentage de Juifs ont également ouvert leurs portes à l’immigration et adopté le multiculturalisme. Outre les militants qu’il cite (David Schwarz était particulièrement important), il faut également mentionner le rôle de la famille Bonnier, qui a longtemps eu une présence prépondérante dans les médias suédois (livres, magazines, journaux, télévision et film), (Groupe Bonnier , 2021).

Mais si on y regarde de plus près, l’image change du tout au tout.

Eckehart (2017) a dressé une liste de 17 débats sur l’immigration et la politique des minorités dans d’éminents journaux et magazines suédois entre 1964 et 1968, comprenant au total 118 articles. Schwarz en a personnellement écrit ou coécrit 37, soit 31% du total. C’est également lui qui est à l’origine de 12 des 17 débats.

Si on y ajoute les autres contributions juives, nous constatons que ce qui n’est qu’une minuscule minorité en Suède, moins de 1% de la population, était responsable de 46 articles, soit 39% du total. Tous les contributeurs Juifs étaient en faveur du multiculturalisme. De toute évidence, ils n’étaient pas présents des deux côtés de la barrière.

De plus, les minorités ont un avantage dans la compétition ethnique en étant plus capables de se mobiliser que les majorités, c’est-à-dire capables de faire des sacrifices pour une cause, par exemple en donnant de l’argent, du temps et du travail (Salter, 2006).

Même un petit groupe aux ressources limitées peut exercer une influence disproportionnée lorsque ses membres sont fortement mobilisés et que ses opposants, bien que supérieurs en nombre, sont indifférents.

C’est d’ailleurs bien la leçon générale qui ressort de tout ce que nous avons présenté plus haut sur la loi de 1965 sur l’immigration aux États-Unis. Dans le cas de l’Australie au cours des dernières décennies, Isi et Mark Leibler, dont les efforts ont été soutenus par de riches Juifs australiens, ont eu une très grande influence sur le gouvernement sur tout un éventail de questions, allant de la politique envers Israël à l’immigration, aux restrictions de la liberté d’expression (Cashman, 2020; Gawenda, 2020; Sanderson, 2021). Sanderson (2013) décrit également l’activisme efficace de Walter Lippmann dans la promotion d’une politique officielle de multiculturalisme en Australie dans les années 1970, motivée, au moins en partie, par la crainte que l’assimilation ne décime la communauté Juive.

De plus, l’influence des minorités est d’autant plus efficace qu’elle sévit dans les cultures individualistes, or, les sociétés scandinaves sont les cultures les plus individualistes qui soient au monde (Cf. les données sur la famille historique et la structure politique (MacDonald, 2018c, 2019). Les individualistes sont beaucoup plus susceptibles de voir les autres comme des individus plutôt que comme des membres de groupes concurrents, et ils sont relativement non ethnocentriques (Henrich, 2020 ; MacDonald, 2019, 2020, 2021).

En outre, la cohésion sociale de la culture individualiste est assurée par un «socle de valeurs morales» plutôt que par des identités fondées sur la parenté, la race ou l’ethnicité (MacDonald, 2019, 2021) – un socle en vertu duquel la dissidence, par exemple, de l’idéologie multiculturaliste dans l’Occident contemporain, conduit à la culpabilité et à d’éventuelles sanctions telles que l’ostracisme et la perte d’emploi.

Dans la culture occidentale contemporaine, ces communautés morales sont créées de manière descendante par une culture universitaire et médiatique d’élite dans laquelle les Juifs sont fortement surreprésentés (MacDonald, 2002b, 2019). Comme indiqué, un effort juif majeur après la Seconde Guerre mondiale aura été de créer une culture qui relègue l’ethnocentrisme blanc et la poursuite de ses intérêts aux marges politiques et sociales (voir aussi CofC: Ch.5).

En fin de compte, la Suède, en tant que société occidentale relativement petite et sans importance géopolitique, se trouve emportée par les tendances plus larges de l’Occident. Étant donné que les États-Unis sont le leader incontesté de l’Occident depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’est pas du tout surprenant que les tendances qui ont commencé aux États-Unis soient vues sous un jour positif par les intellectuels et les politiciens suédois.

C’est encore plus vrai de la culture universitaire occidentale, qui est internationale et hiérarchique, de sorte que, par exemple, une fois que la révolution boasienne s’est produite dans les universités d’élite aux États-Unis et qu’elle y est devenue la sagesse incarnée, il était inévitable qu’elle se propage aux milieux universitaires dans tout l’Occident et avec des conséquences sur la politique d’immigration similaires.

Ainsi, Sanderson (2013:7) montre que les idées boasiennes sur la race étaient «une arme essentielle pour ouvrir l’immigration australienne aux minorités non blanches», et il discute du rôle crucial des universitaires Juifs et d’autres militants dans la promotion de l’opposition à la tradition blanche. politique australienne, il cite en exemple un article de Dan Goldberg (2008), le rédacteur national de l’Australian Jewish News, reconnaissant fièrement que «Les Juifs ont joué un rôle déterminant dans la conduite de la croisade contre la politique de l’Australie blanche».

Face à cela, contrastant singulièrement avec cet individualisme, Rubenstein (Rubinstein, 1995:7) note que «politiquement, la communauté juive est fortement unie autour d’un nombre limité d’objectifs sur lesquels il existe un consensus ou un quasi-consensus, notamment le soutien à Israël, la lutte contre l’antisémitisme, l’adhésion au multiculturalisme – laquelle va de pair avec l’endiguement de l’assimilation par l’enseignement dans les écoles juives».

MacDonald (CofC: 294) note que «le changement radical dans la politique d’immigration dans le monde occidental s’est produit à peu près au même moment (1962-1973), et dans tous les pays, les changements ont reflété les attitudes des élites plutôt que celles de la grande masse des citoyens. … Un thème récurrent a été que la politique d’immigration a été formulée par des élites qui contrôlent les médias et que des efforts ont été faits par les dirigeants politiques de tous les grands partis pour conjurer la peur de l’immigration».

Comme indiqué ci-dessus en citant Graham (2004: 88), l’influence descendante sur les politiques publiques était au cœur de l’activisme juif sur l’immigration dans les années 1960 et a largement fait tache d’huile sur d’autres questions de politique publique. L’anti-populisme et le contrôle par les élites défendus par les intellectuels Juifs au cours des décennies précédentes avaient fait école (CofC : Ch. 5) .

[…]

7 – En résumé

[…]

  • Il n’y avait pas de Juif ou d’organisation juive parmi les restrictionnistes ou dans les mouvements populistes pendant la période couverte par CofC – une période de grandes mutations pour l’Occident. Tout au long de cette période, les organisations et militants Juifs ont été uniformément pro immigration et les mouvements intellectuels juif éreintaient à tour de bras le populisme.
  • Comme indiqué ci-dessus, «dans l’Amérique d’avant les années 1960… il serait difficile, voire impossible, de trouver des intellectuels ou des militants Juifs importants qui ne se seraient pas situés sur la gauche du spectre politique», et je note que Cofnas ignore ce sur quoi s’est focalisé la puissance de la communauté Juive. Il ignore également le fait que les néoconservateurs Juifs, de loin le courant le plus important chez les conservateurs Juifs américains, ont été favorables à l’immigration et ont tout fait pour tirer le parti républicain vers la gauche sur les questions sociales, conformément aux vœux de fortes majorités de la population juive américaine.
  • Dans les débats sur l’immigration en Suède dans les années 1960, tous les contributeurs Juifs ont favorisé la position multiculturaliste. De même, en ce qui concerne l’Australie, il y a eu un consensus juif sur le multiculturalisme et d’autres questions, «en particulier le soutien à Israël, la lutte contre l’antisémitisem, l’adhésion au multiculturalisme – laquelle va de pair avec l’endiguement de l’assimilation par l’enseignement dans les écoles juives» (Rubenstein, 1995: 7).
  • Dans l’analyse du poids de l’influence juive, on ne peut pas se limiter à une une analyse purement statistique et éviter une description de la dynamique interne et des motivations des mouvements d’influences créés et dominés par eux. Au contraire, c’est comprendre les motivations et la dynamique interne de ces mouvements qui devrait avoir la priorité.

Sans quoi, on coure le risque, comme Cofnas, de passer à côté dans tous ces domaines et d’aboutir à une vision très déficiente de l’histoire et de l’activisme juif.

Traduction Francis Goumain

Source

The “Default Hypothesis” Fails to Explain Jewish Influence: the Rise of a Substantially Jewish Elite in the United States after World War II and its Influence on Immigration Policy (kevinmacdonald.net)

kevin.macdonald@csulb.edu

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