Hagel s’aplatit sagement devant le Lobby pro-Israélien
By Kevin MacDonald; Translated by Armor. English version here
Les séances d’audition de Chuck Hagel au Sénat ont été d’une virulence incroyable, surtout quand il s’est fait interroger par John McCain, Lindsay Graham, and Ted Cruz. Graham et Cruz se sont montrés des soldats particulièrement zélés du Lobby pro-israélien. L’échange qui a le mieux démontré la force du Lobby a eu lieu quand Graham a demandé à Hagel de
“nommer une personne, qui selon vous, est intimidée par le Lobby pro-israélien qui oeuvre au Sénat des États-Unis.”
“Je ne sais pas,” a fini par concéder Hagel.
Graham a continué l’interrogatoire, demandant à Hagel de, “Nommer l’une des choses stupides que nous avons été poussés à faire sous la pression du Lobby juif ou pro-israélien ?”
“J’ai déjà déclaré que je regrettais cette terminologie,” a protesté Hagel.
“Mais vous aviez dit que le Lobby nous faisait faire des choses stupides,” a insisté Graham. “Vous ne pouvez pas nommer un seul sénateur qui soit intimidé, donnez-moi au moins un exemple de toutes les choses stupides qu’au Sénat, on est contraint de faire sous la pression.”
“Éh bien en fait, je ne peux pas vous donner d’exemple,” a admis Hagel.
Il est évident que Hagel s’est fait intimider. Il n’y avait pas moyen de lui arracher des noms. Et pourtant, il est bien connu que quiconque s’oppose activement au Lobby pro-israélien doit être prêt, lors de l’élection suivante, à voir son adversaire faire campagne avec des moyens financiers considérables. Mais surtout, Hagel n’aurait jamais eu l’audace de citer la guerre d’Irak comme pièce à conviction numéro 1, le meilleur exemple de “chose stupide” où le Sénat (y compris Hagel) a foncé tête baissée, à l’instigation du Lobby pro-israélien et des médias qui lui servent de porte-voix, ainsi que de ses agents au Pentagone (Wolfowitz, Feith, Shulsky ; voir ici, p. 40 et suivantes), qui fournissaient de faux renseignements au désespérément naïf Président Bush. On n’évoque pas de ce genre de choses en bonne compagnie.
Hagel regrette son vote sur l’Irak puis sur le renforcement des troupes. Dans son livre, il décrit la guerre d’Irak comme l’une des plus grandes erreurs de l’histoire américaine. Il a beaucoup critiqué l’administration Bush, particulièrement sa politique étrangère. Mais il ne risque pas de mentionner le rôle du Lobby pro-israélien pendant ses auditions de confirmation au Sénat. Décidément, le Lobby pro-israélien se porte bien à Washington.
En 2006, Hagel s’était interrogé : “Combien parmi nous connaissent grand chose à l’Irak, au pays, à son histoire, son peuple, son rôle dans le monde arabe ? J’aborde la question de l’Irak d’après Saddam, et de l’avenir de la démocratie et de la stabilité au Moyen-Orient, avec une plus grande prudence, un plus grand réalisme, et un peu plus d’humilité.” Le contraste est saisissant avec les fumisteries colportées par les néoconservateurs et par Bernard Lewis (voir ici et ici), l’intellectuel universitaire qui leur sert de façade, et qui avait convaincu Bush et tous les autres que les Irakiens rêvaient de liberté et de démocratie, exactement comme les Occidentaux, de sorte que le renversement de Saddam amènerait aussitôt l’avènement d’une mini-Amérique.
Je n’ai aucun doute que Hagel réalise que le Lobby pro-israélien a été un élément indispensable de la campagne pour la guerre, mais il est bien inspiré de ne pas le dire, s’il veut se faire confirmer par le Sénat.
On l’a dissuadé de dire que le Lobby pro-israélien avait joué un rôle décisif dans la campagne pour la guerre d’Irak. C’est une démonstration de plus de la puissance du Lobby. Mais la nomination de Hagel est certainement une bonne nouvelle qui montre que s’il est impossible d’affronter directement le Lobby, il reste possible de contourner son pouvoir grâce à un président en cours de second mandat qui nomme un candidat prêt à dire tout ce qu’il faut pour se faire confirmer, en évitant de mettre directement en cause le rôle du Lobby pro-israélien dans la promotion d’une guerre qui a coûté plus de 5000 vies américaines, des milliers de blessés graves, et plus de mille milliards de dollars, sans le moindre avantage pour les États-Unis. Le sentiment général semble être que, malgré l’intense hostilité de l’interrogatoire, les Démocrates n’iront pas à l’encontre du Président, et qu’ils auront suffisamment de voix pour obtenir la confirmation. Et c’est réellement une bonne nouvelle.